Les Rendez-vous de l'Histoire: De Gaulle, gouverner un modèle ? publié le 29/10/2020
Du 07 au 11 octobre 2020, les 23èmes rendez-vous de l’histoire de Blois ont accueilli plus de 1000 intellectuels et proposés prés de 400 conférences autour de la thématique : gouverner.
Le vendredi 09 octobre a eu lieu une conférence sur De Gaulle, un modèle de gouvernement ? Avec Olivier Grenouilleau, Professeur à l’université de Bretagne-Sud et à Sciences Po Paris, Tristan Lecoq, Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche (histoire-géographie) et professeur des universités associé à l’Université Paris IV Sorbonne, François Audigier, Professeur des universités associé à l’Université de Lorraine.
De Gaulle, de sa formation jusqu’à la traversée du désert
Quelle est sa formation, sa conception du pouvoir ?
Pour commencer, il est bon de s’intéresser à sa conception de l’armée et de la guerre. A ce titre, la pensée développée à l’occasion du discours de Bayeux, le 14 juin 1952 , rend compte de l’importance qu’il accorde à l’armée : la défense est la 1ere raison d’être de l’État, il ne saurait en manquer sans se détruire lui-même. De même, De Gaulle a beau être dans l’armée de par sa formation (St-Cyr) puis ses responsabilités (état-major de Pétain), il sait dépasser sa formation militaire pour travailler avec les juristes à l’image de la loi du 11 juillet 1938 qu’il contribue à rédiger.
Tristan Lecoq relève trois temps important pour De Gaulle : 1940, 1943-1945 et 1956.
- Juin 1940 incarne deux faillites. La 1ere est militaire et avant tout celle du commandement. La seconde est celle des institutions au 1er lieu politique.
- 1943-1945, c’est le moment où se reconstruit l’Armée française mais se fait selon le bon vouloir des Américains. D’ailleurs, la subordination au gouvernement américain le marque considérablement. C’est pourquoi, de 1945 à début 1946, il propose une forme d’organisation militaire qui reprend les bases définies dans son texte de 1938 et ce afin d’être le plus vite délié de l’assujettissement américain.
- 1956, marque le fiasco de « l’Opération Mousquetaire ». Le contexte de guerre froide rend indispensable pour la France le fait de préserver sa souveraineté et particulièrement sa puissance face aux États-Unis et à l’URSS.
Quelles sont ses conceptions militaires avant 1940 ? Quelle est sa conception du pouvoir ?
Pour De Gaulle, tout se tient, le chef politique doit être le chef des armées. Il plaide dès les années 1930 à la création d’une armée nationale avec la fusion des trois armées. En 1940, De Gaulle entre presque par effraction dans le pouvoir selon Douzou, il a une conception élitiste du pouvoir.
Les écrits de Barrès et de Renan vont beaucoup l’influencer. De fait, sa conception du pouvoir se construit autour de l’idée d’une République forte réunie autour de la figure du chef. Il est également influencé par le christianisme social ce qui le conduit à dépasser le clivage des luttes de classe. Aussi, nous pouvons identifier plusieurs sources intellectuelles dans le gaullisme. Par ailleurs, De Gaulle n’adhère à aucun parti politique. Il est proche des démocrates-chrétiens, de la droite sans être membre d’aucune ligue. Les anglo-saxons (Churchill, Roosevelt) le voit comme un général donc sans légitimité démocratique, ce qui les inquiètent.
En 1940, il entre dans la politique par un acte incroyable de rébellion. Bien que général de l’armée, il s’oppose à la décision d’armistice de son supérieur le maréchal Pétain. Il considère que l’État et l’armée ont rompu avec leurs devoirs. C’est donc un rebelle mais par conformité à ses valeurs. Très vite, il est en quête de la souveraineté et en premier lieu d’un territoire.
Dans cette logique, les 27, 28, 29 aout 1940 constituent les Trois glorieuses de la France nouvellement résistante avec la conquête de l’Afrique équatoriale, premier territoire de la France libre. Puis, les conquêtes se poursuivent jusqu’en 1943 avec le ralliement des Antilles.
Il reste à De Gaulle à établir sa légitimité politique. Pour ce faire, il s’appuie sur la loi Treveneuc (1872) permettant aux conseillers généraux d’Alger ralliés à la France libre d’élire un nouveau gouvernement fidèle à De Gaulle. L’opération est d’autant plus difficile qu’entre 1940 et 1941, les relations entre la France libre et les résistants sont très complexes. La France est découpée en huit zones, les communications sont coupées. Le but est donc pour De Gaulle de se faire reconnaitre par la France combattante et non plus résistante.