FIG 2020 : Ouverture du PNF : Table ronde : Climat(s) publié le 04/10/2020
Rendez-vous incontournable du monde de la géographie, le Festival International de Géographie a eu lieu les 2, 3 et 4 octobre 2020 à Saint-Dié-des-Vosges.
Le vendredi 2 octobre, à l’ouverture du PNF a eu lieu une table ronde sur le sujet du FIG : Climat (s)
avec François GEMENNE professeur géopolitique de l’environnement, Sciences Po, Université libre de Bruxelles (Belgique) Martine TABEAUD et Alexis METZGER, Directeurs scientifiques du FIG 2020 et Stéphane CORDOBES.
Intervention de François Gemenne :
Associer la terre et le monde
L’homme a souvent dissocié le monde et la terre, la terre étant réservée aux SVT et le monde aux sciences humaines. Le problème est qu’aujourd’hui, il n’est plus possible de comprendre le monde en s’appuyant uniquement sur le rapport entre les nations. il est urgent de comprendre la relation entre la terre et le monde.
La géographie est la mieux placée pour associer la terre et le monde et voir la terre comme un sujet de géopolitique pour ne plus séparer les sciences de la terre et les sciences sociales.
Le concept d’anthropocène
Une première définition de "anthropocène" peut être géologique : on considère que c’est une nouvelle période géologique durant laquelle l’être humain est le principal facteur de transformation de la planète.
Pour François Gemenne, au-delà d’une lecture géologique soulignant l’empreinte de l’humain sur la Terre, le concept comporte pour lui un aspect politique.
Spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement, François Gemenne, également membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), vient de publier, avec le docteur en écologie Aleksandar Rankovic et l’Atelier de cartographie de Sciences-Po, un Atlas de l’anthropocène aux Presses de Sciences-Po.
D’après lui, la définition politique de l’anthropocène doit nous amener à réfléchir à la responsabilité de ceux qui sont au delà de nos frontières géographiques et générationnelles : politiquement nous ne parviendrons pas à résoudre les problèmes, si nous nous occupons des frontières nationales et non des frontières de la terre.
Aujourd’hui on conçoit nos actions avec nos frontières : "la France doit faire sa part", "l’Europe doit faire sa part" etc... Cela ne suffit pas. C’est nécessaire de faire sa part mais ce n’est pas suffisant. Rappelons que
la France émet environ 1 % des gaz à effet de serre. Si elle ne fait que "sa part", ce n’est pas suffisant. Étant donné son influence internationale, son impact, elle doit agir avec les autres. Il faut donc considérer que nous faisons partie d’une même humanité, nous avons des responsabilités envers ceux qui sont au-delà de nos frontières.
La relation aux autres est donc essentielle. La plupart des humains sont des victimes de ces transformations de la planète. C’est une minorité qui inflige à la majorité. Le reproche que l’on peut faire au concept d’anthropocène est que tous les êtres humains sont situés sur la même échelle de responsabilité.
Notre identité première est de considérer que nous faisons partie de la génération des humains et non pas de la génération Z ou autre.
La question de l’habitabilité
Comment est-il envisageable d’habiter la terre ?
Avec les changements climatiques, nous allons devoir désigner des zones du monde où on ne pourra plus habiter. C’est un processus de rétrécissement de l’oecumène. Historiquement cela s’est toujours fait naturellement. Vu l’accélération des changements climatiques, il faudra un guidage des gouvernements, à l’échelle également des territoires. En Europe, assisterons nous à un phénomène d’exode urbain ?
L’idée émerge que les frontières géographiques et démographiques ne se recoupent plus. Mais cela entraine la montée de la haine, de la xénophobie.
Alors comment anticiper ses questions ? Il faut se projeter sur 30 ou 50 ans. Aujourd’hui le politique est plutôt dans le "réactif" et ne cherche plus à anticiper. On a pu le constater avec la gestion de la crise de la pandémie de la COVID 19) . La crise du SRAS n’a pas généré de mesures anticipatrices.
Pour aller plus loin
Retrouver le grand entretien de François Gemenne du FIFDH 2020