Analyse de l’information chiffrée - une feuille de route publié le 14/11/2022

Enseignement Mathématiques de Première

Un thème nouveau au lycée général

L’Analyse de l’information chiffrée, telle que proposée dans le programme de l’Enseignement Mathématique de la classe de Première générale est principalement abordée sous l’angle de l’analyse statistique bivariée. C’est donc un thème très "concret", qui permet de réaliser au moins deux intentions fortes de ce programme :

  • permettre à chaque élève d’appréhender la pertinence des démarches mathématiques et de développer des aptitudes intellectuelles comme la rigueur, la logique, l’esprit critique mais aussi l’inventivité et la créativité ;
  • communiquer le plaisir de les pratiquer à travers des activités mettant en valeur leur efficacité et éclairer sur la place qu’elles jouent dans le monde contemporain.

Le sens de l’activité mathématique (résumer un grand nombre d’informations, participer à la compréhension du monde, permettre la prise de décision,...) réside ici principalement dans l’utilisation de (bases de) données réelles, ce qui implique l’utilisation quasi indispensable d’un tableur (ou d’un logiciel de programmation).

Page de garde du cahier collectif - Analyse de l'information chiffrée

Une approche didactique par les situations

Pour mieux appréhender les contenus partagés dans cet article, on précise l’approche didactique employée. Celle-ci est inspirée à la fois des travaux d’Yves Chevallard repris par différents IREMs et du modèle contextualisation-décontextualisation-recontextualisation de Jacques Tardif et Philippe Meirieu1. Elle est pensée en trois phases et neuf temps :

  • Trois temps de contextualisation : il s’agit de partir d’une "grande" question, d’étudier une situation-problème et d’en faire le bilan en identifiant les éléments mathématiques (notamment du programme) qui ont été nécessaires pour répondre à / étudier la situation. On peut rapprocher ces trois premiers temps des dimensions "Manipuler" et "Verbaliser" de la Mesure 5 (les étapes d’apprentissage) du rapport Villani-Torossian.
  • Trois temps de décontextualisation : la synthèse formalise et "abstrait" (troisième étape d’apprentissage) les notions mathématiques mises en jeu précédemment. Les objectifs d’apprentissage ou savoir-faire (aussi appelées "méthodes" pour les élèves) sont ensuite explicités et travaillés indépendamment, en lien avec les automatismes. Le parcours fléché est alors un moyen efficace pour adapter les exercices aux divers besoins des élèves.
  • Trois temps de recontextualisation, construits autour d’une démarche d’évaluation pour les apprentissages : un devoir maison "formatif" pour donner aux élèves l’occasion de s’entraîner et de mieux cerner les attendus et un devoir "sommatif" pour mesurer et certifier les apprentissages. Entre les deux, une phase de remédiation permet aux élèves d’identifier leur point forts et de travailler sur leur marge de progrès.

Les captures d’écran de la suite de cette article sont généralement issues du cahier collectif de la classe (voir l’article du laboratoire de mathématiques du LP2I à ce sujet).

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Phase 1 - contextualisation

1.1- Problématisation - grandes questions

L’approche d’Yves Chevallard par les "Grandes Questions" peut générer entre autres les deux problématiques suivantes :

  • Comment donner du sens à une quantité importante d’informations ?
  • Comment étudier le lien éventuel entre deux “caractères” ?

Il est proposé aux élèves une première étude préparatoire qui consiste à analyser un article de presse choisi en lien avec la situation principale proposée : les données de Parcours Sup 2021 (voir ci-dessous).

Étude préliminaire

1.2- Situation et étude collective (contextualisation / explicitation du sens)

La situation choisie dans cette article est celle proposée par le document d’accompagnement, autour des résultats 2021 de la plateforme Parcours Sup. Côté professeur, il a fallu isoler les données liées à l’académie de Poitiers à partir du fichier principal dont la taille est difficile à manipuler, même pour les ordinateurs grand public performants. L’idée ici est bien entendu de proposer une situation la plus authentique possible en laissant les données brutes présentées telle qu’utilisées par les statisticiens professionnels. Ce fichier présente ainsi notamment un nombre important de colonnes.

Les consignes prévues au départ étaient les suivantes :

Dupliquez et modifiez le fichier pour répondre aux questions ci-dessous.
1) Identifiez une question que vous vous posez concernant Parcoursup et votre orientation. Les données du fichier pourraient-elles permettre d’y répondre ?
2) Quel BAC ont obtenu les admis selon les types de formations ?
3) Justifiez puis interprétez la phrase suivante : “bien que seulement 6,6% des néo-bacheliers généraux poursuivent en BTS, ils représentent plus d’un cinquième des étudiants dans ces formations”.
4) Formulez puis interprétez une autre phrase sur le modèle de la question 3).

Dans les faits, seules les questions 1) et 2) ont été réalisées en classe, en situation de recherche par groupes, animée et accompagnée par le professeur. En effet, la méthode de l’analyse bivariée pouvait déjà être perçue avec un travail sur les effectifs et aborder les fréquences conditionnelles à ce stade (comme l’incitait le document d’accompagnement) semblait trop complexe en prenant en compte également le temps à disposition (1,5h par semaine). Il s’agira donc de revenir sur les questions 3) et 4) à la fin du processus décrit dans cet article pour "aller plus loin" et introduire par la même occasion le thème suivant sur les probabilités conditionnelles.

1.3- Bilan

Voici le bilan co-rédigé avec les élèves. Ces derniers proposent leur bilan, amendent et améliorent la proposition. Le professeur peut ensuite améliorer la rigueur et la clarté du bilan puis valide avec une pastille en bas à droite de la diapositive collaborative.

Bilan

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Phase 2 - décontextualisation

2.1- Synthèse

La synthèse proposée aux élèves présente des rappels de seconde et s’intéresse essentiellement aux tableaux croisés (d’effectifs et de fréquences) pour aborder de façon centrale la méthode d’analyse statistique bivariée. Il a été choisi d’organiser le cours le plus possible sous la forme "classique" d’un cours de mathématiques, ce qui a permis de voir qu’il était essentiellement composé de définitions et d’exemples.
Voici la formalisation (l’abstraction donc) de la méthode proposée aux élèves :

Méthode générale pour une analyse bivariée
On rappelle que l’analyse bivariée cherche à étudier les éventuelles relations entre deux caractères. Elle s’illustre en utilisant des représentations de données réelles. Ces représentations peuvent aussi s’obtenir par le traitement à l’aide d’un tableur. On peut résumer cette analyse aux opérations suivantes :

  • Accéder aux données brutes (base de données)
  • Identifier les deux variables (caractères) à étudier
  • Filtrer / Isoler les valeurs relatives à ces deux variables
  • Résumer les données : construire le tableau croisé des effectifs à l’aide de formules tableur
  • Représenter les données du tableau à l’aide d’un diagramme approprié
  • Construire successivement les deux tableaux croisés des fréquences (en ligne et en colonne)
  • Représenter les données de ces deux tableaux à l’aide d’un diagramme approprié
  • Analyser les tableaux et les diagrammes pour identifier des informations pertinentes
  • Interpréter ces informations en questionnant le lien éventuel entre les deux variables.

2.2- Explicitation des objectifs d’apprentissage

Pour des raisons de simplification et d’explicitation auprès des élèves, le thème "Analyse de l’information chiffrée" peut se décliner selon les objectifs d’apprentissages = savoir-faire = méthodes ci-dessous :

  • MI1- Déterminer dans un fichier de données un sous-ensemble d’individus. (CH*)
  • MI2- Construire un tableau croisé d’effectifs à partir d’un fichier de données. (CH, RE)
  • MI3- Compléter et interpréter un tableau croisé d’effectifs (AR, CO)
  • MI4- Représenter des données sous forme de tableau ou de diagramme à l’aide d’un tableur. (RE)
  • MI5- Réaliser une analyse statistique croisée de deux variables (i.e. bivariée). (CH, CO, AR)
  • MI6- Construire un tableau croisé de fréquences à partir d’un tableau croisé d’effectifs. (CH)
  • MI7- Construire et interpréter un nuage de points. (RE, AR)

*Entre parenthèses sont proposées les compétences mathématiques mises en jeu.

L’idée à ce stade du processus didactique est de permettre aux élèves de répondre à la question : "mais alors, qu’est-ce que je dois savoir faire dans ce thème ?".
On note qu’un certain nombre de méthodes sont en fait des sous-méthodes, des étapes de la méthode principale MI5- Réaliser une analyse statistique croisée de deux variables (i.e. bivariée). Le découpage en sous-méthodes permet un travail spécifique et étayé en vue de maitriser les compétences attendues dans le contexte du chapitre (ou du "thème" ici). On propose pour cela aux élèves d’une part de travailler certains automatismes et d’autre part de s’engager dans le parcours fléché d’exercices d’entrainement ci-dessous.

2.3- Parcours / étayage

Le parcours fléché en image ci-dessous peut être consulté directement dans le cahier collectif des élèves. C’est aussi dans ce cahier que vous trouverez les énoncés des exercices utilisés.

Parcours fléché

On y retrouve divers exercices "filés", i.e. qui reprennent une situation pour y travailler séparément des méthodes comme le filtrage de données, la création d’un tableau croisé, d’un diagramme en barres cumulées, etc. L’élève commence par réaliser l’exercice sur la "ligne de départ" et choisi lui-même l’exercice qui lui semble le plus à même de le faire progresser :

  • Trop dure ? Suivre la flèche rouge ;
  • À peu près OK mais besoin de consolider ? Suivre la flèche orange ;
  • OK pour moi ? Suivre la flèche verte.

Le parcours se termine par une mission qui a vocation à attester que la ou les méthodes visées sont acquises.

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Phase 3 - recontextualisation

Cette phase n’est pas nécessairement disjointe de la phase précédente : des situations "recontextualisées" peuvent déjà apparaître dans les entraînements ou la mission du parcours fléché. À l’inverse, on peut proposer l’évaluation formative ci-dessous - qui comporte au moins un exercice "contextualisé" - avant la fin du parcours fléché et de la phase d’entraînement.

3.1- Formative

Il s’agit de proposer aux élèves une évaluation "pour du beurre", type de ce qui sera attendu à l’évaluation principale (sommative). En fait, il s’agit aussi d’offrir aux élèves la possibilité de mieux connaître l’efficacité de leur travail et d’auto-évaluer ce qu’ils savent faire et ce qu’ils ne savent pas faire encore.
Le texte proposé est ici. Il comprend :

  • Un travail sur les deux automatismes retenus pour ce thème
  • Un travail type "appliquer une méthode" qui permet d’évaluer le degré maîtrise des méthodes (savoir-faire) du thème.
  • Un travail type "mobiliser des compétences" pour lequel il est "simplement" demandé aux élèves de réaliser une analyse bivariée de l’un des trois couples de variables proposés, la méthode étant rappelée plus bas dans le texte.
  •  

CONSIGNES
En utilisant les données ci-dessus, réaliser une analyse bivariée pour répondre à l’une des questions ci-dessous. On prendra soin de bien noter quelles sont les deux variables étudiées.

Question 1) Les types de formation sont-ils genrés ? (Variable 1 : type de formation / Variable 2 : Sexe)

OU

Question 2) Vers quoi s’orientent les bacheliers selon les mentions qu’ils/elles ont obtenues au BAC ? (Variable 1 : type de formation / Variable 2 : mention au BAC)

OU

Question 3) Où sont admis les néo-bacheliers boursiers ? L’école reproduit-elle les inégalités sociales ? (Variable 1 : type de formation / Variable 2 : bénéficiaire d’une bourse)

On note que la situation est la même que celle de l’étude 1 : les données académiques de Parcours Sup 2021.
Cette fois-ci, trois autres analyses sont donc proposées (au choix) aux élèves.
Enfin, quinze jours sont donnés aux élèves pour réaliser cette évaluation, en particulier afin de laisser une séance de cours à l’intérieur de cet intervalle de temps pour organiser des questions-réponses avec le professeur, éclaircir un point particulier, apporter une aide, etc.

3.2- Remédiation / explicitation des attentes

Le travail de remédiation se fait en continu entre les deux évaluations formative (3.1) et sommative (3.3). Cependant, un temps spécifique en classe d’au moins une heure permet aux élèves de mieux comprendre leurs erreurs et de les traiter par diverses modalités : seuls, en situation d’entraide, par groupes de besoins, en classe entière avec le professeur, etc.
Afin de clarifier encore les attentes de l’évaluation sommative et de permettre aux élèves de mieux s’y préparer, une fiche d’objectifs est partagée. Elle permet de rassembler les savoirs, savoir-faire et compétences attendus et de proposer des exercices pour s’entraîner à les maîtriser.

Objectifs

3.3- Sommative

La sommative suit le même modèle que la formative. Les élèves ont donc une partie de leur devoir à faire et à rendre au format numérique. La situation particulière du LP2I (chaque élève amène son appareil numérique portable) facilite certainement cette modalité. En revanche, la disposition de la salle est aussi un élément important pour des conditions de passation sereines et équitables. Ici, les tables ont été disposées le long des murs, les chaises, une par table, faisant face au mur, le professeur au milieu pour contrôler les travaux et venir en aide si besoin.

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Des problématiques "de terrain"

1,5h par semaine c’est peu...

Il suffit d’une absence ou d’un changement d’emploi du temps pour que deux semaines s’écoulent. Cela pose la question de la continuité du travail de l’élève et de ses apprentissages. La sensation de devoir "tout reprendre" d’une semaine à l’autre n’est agréable ni pour l’élève, ni pour le professeur. Tout en cherchant à s’appuyer sur (et aider le développement de) l’autonomie des élèves, des outils de continuité peuvent être mis en place.

  • Le cahier collectif permet à l’ensemble de la classe de garder une trace à la fois collaborative et de qualité. Il témoigne de l’avancée du cours et aide notamment les absents à "rattraper" (ou à avancer à distance d’ailleurs).
  • L’évaluation formative demande un travail de l’élève approfondi et suivi dans le temps (avec un point d’étape en classe). On peut permettre aux élèves de s’entraider pour peu que la rédaction finale soit individuelle (on note ici que la formative n’étant pas notée, on se préserve d’effets indésirables tels que la recopie sur une production d’un camarade).
  • Le journal des apprentissages permet à l’élève de récolter puis présenter ses travaux, ses apprentissages et le sens qu’ils ont pour lui. Il permet à l’enseignant de solliciter la réflexivité de ses élèves mais aussi de les évaluer autrement, dans un processus "continu".
  • On peut envisager de répartir le créneau d’1,5h par semaine sur deux semaines (2h l’une et 1h l’autre). Cela n’a pas été testé au LP2I cependant.

les élèves ne sont pas tous motivés... pourtant c’est (pour le moment) une option !

Voici le résultat d’un sondage auprès des élèves du LP2I qui ont répondu à la question : "Quelles raisons vous ont poussé à choisir l’enseignement optionnel de mathématiques ?"

Réponses élèves

On peut y lire l’intention des élèves de "maintenir un niveau" car "ça peut toujours servir", l’intérêt pour l’option "maths complémentaires" est minoritaire. Les autres motivations tournent elles aussi autour du fait qu’il serait "pire d’arrêter". Une tonalité très pragmatique émane de ces résultats, en lien avec l’orientation post BAC particulièrement. Aussi, l’intérêt de la matière pour le plaisir d’apprendre et/ou de raisonner ou encore sa capacité à nous aider dans la compréhension des phénomènes du monde qui nous entoure, cela semble assez loin des préoccupations - au moins premières - des élèves.
On comprend ainsi que les élèves (parfois poussés par leurs parents) aient pu faire un choix "de raison" et donc ne pas arborer a priori de motivation intrinsèque très forte pour les contenus mathématiques proposés.

Cependant, l’approche thématique par les situations peut permettre de faire mieux que de "maintenir un petit niveau" chez nos élèves et leur montrer "la pertinence des démarches mathématiques", comme le dit le programme, pour comprendre le monde et agir sur lui. Dans cette optique, la feuille de route propose une dernière étude "Corrélation VS Causalité" à partir d’un article scientifique authentique revendiquant un lien de corrélation fort - et même très explicitement de causalité (!) - entre le nombre de prix Nobel d’un pays et... la consommation annuelle de chocolat de ses habitants...

Nobel Chocolat

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Documents de classe

(1) Tardif, J., & Meirieu, P. (1996). Stratégie en vue de favoriser le transfert des connaissances. Vie pédagogique,
98, 4-7.