Comment savoir si je fais modéliser mes élèves ? publié le 09/04/2021  - mis à jour le 04/05/2021

Sommaire des TraAms "modéliser"

Modéliser : la nécessité de prendre en compte deux "mondes".

Si l’on définit modéliser par le fait de partir du "monde réel", faire un ou plusieurs tours dans le "monde des mathématiques" pour finir ensuite dans le "monde réel", je pense qu’il faut essayer de clarifier au mieux ces deux "mondes" et la manière dont ils sont distingués par les élèves.

Voici un petit tableau avec quelques propositions de spécificités de chacun des deux "mondes". Vous pouvez toujours faire des remarques quant à son remplissage dans l’espace de discussion associé à cet article.

"monde réel""monde des mathématiques""
concret abstrait
réel imaginaire
physique mathématique
où l’on peut utiliser nos sens insaisissable ?
interactif ? neutre ?
... parfait ?
... stable ?
le même pour tous ...
dans lequel on baigne dès notre naissance qui se construit petit à petit pour chacun
On en fait partie ? Il fait partie de nous ?
... ...

Si on reprend les textes des B.O1 qui s’appuient sur les résultats de la recherche, ceux-ci nous précisent l’importance de mettre en lumière les trois phases suivantes pour que certains élèves construisent leur "monde des mathématiques" :

  1. Manipulations,
  2. Représentations (verbales, graphiques...),
  3. Abstraction.

On part du "monde réel" et on va vers le "monde des mathématiques".

"Pour certains élèves, l’accès à l’abstraction ne peut se faire que s’il est précédé par deux phases intermédiaires : celle de la manipulation, puis celle de la verbalisation (mise en mots) ou de la représentation (mise en images). De nombreux objets réels (carreaux de mosaïque, morceaux de ficelle, balances et autres instruments de mesure, solides, etc.) permettent d’approcher certaines notions abstraites (numération, fractions, équations, aires et volumes, etc.) de manière tactile, sensorielle. Il ne faut pas se priver d’y recourir lorsque cela s’avère nécessaire, même au collège."
monde_reel_mathematiques

Comment savoir si l’élève a bien fait passer les nouvelles notions dans son "monde des mathématiques" ?

L’une des difficultés des enseignants est de récupérer des informations sur le "monde des mathématiques" d’un élève. Pour cela, nous ne pouvons que passer par le "monde réel" : entendre l’élève, le lire, le voir...

Alors comment faire ? Utiliser quels indices ? Voici quelques propositions :

Comment savoir si la notion de carré géométrique fait bien partie du "monde des mathématiques" d’un élève ?

On peut supposer que tant qu’un élève pense qu’il peut tracer un carré, qu’il peut voir un carré, toucher un carré... que ce ne sont pas juste des représentations d’une notion mathématique, et bien on pourrait sans doute en déduire que le carré fait encore partie du "monde réel" pour lui et que la notion n’a pas été construite dans son "monde des mathématiques".

Comment savoir si la notion de nombre fait bien partie du "monde des mathématiques" d’un élève ?

On peut supposer que si un élève pense encore que quatre, 4, IV... sont des nombres et pas juste des représentations d’un même nombre, d’une notion qui n’est pas évidente du tout, celle de nombre, et bien c’est que les nombres ne font pas encore clairement partie de son "monde des mathématiques".
50%, 0,5 et 1/2 sont trois représentations d’un même nombre ? Pas pour tout le monde je pense...

Remarque :
Sans la notion de nombre, juste en utilisant leur écriture, on peut poser des additions, des soustractions, résoudre des problèmes... et avoir juste ! (penser aux machines à calculer, qui, sauf preuve du contraire, n’ont pas trop d’imagination).

Faire poser des opérations à des élèves ne va donc pas nous indiquer si la notion d’addition, de soustraction... fait bien partie de leur "monde des mathématiques"...

Ne pourrait-on pas généraliser ainsi ?

  • Tant qu’un élève utilise le vocabulaire du "monde réel" pour des notions mathématiques, est-ce qu’il s’est bien approprié ces notions mathématiques ?
    Exemple :
    Si on estime que la droite fait partie de notre "monde des mathématiques", que l’on a compris ce que c’était, est-ce que l’on peut encore dire que l’on trace une droite ?
  • Si un élève choisit plusieurs fois une certaine opération pour résoudre un certain type de problèmes dans une période de l’année où cette opération n’est pas travaillée de façon "intensive", cela tendrait-il à prouver que cette opération a été bien construite dans son "monde des mathématiques" ?

Revenons à la question :

Comment savoir si on va travailler la compétence modéliser avec les élèves ?

Peut-être qu’une fois que l’on s’est assuré que le "monde des mathématiques" des élèves a bien les notions que l’on veut qu’ils utilisent, on peut alors regarder les informations que l’on va fournir dans les problèmes qu’ils vont devoir résoudre pour développer la compétence modéliser.

  1. Si ces informations ne contiennent ni texte, ni parole, ni figure, il y a de grandes chances qu’il y ait modélisation (quelque chose de réel, une image ou une vidéo de quelque chose de réel, comme des problèmes de Dan Meyer par exemple).
  2. À partir du moment où il y a du texte ou des paroles, il pourrait être judicieux de limiter au maximum le vocabulaire lié au "monde des mathématiques" : bannir si possible des mots comme parallèle, segment, milieu, cube, ajouter, équation...
  3. S’il y a des schémas, peut-être ne donner qu’un minimum d’informations pour que les élèves devinent au maximum les liens entre les différents éléments du problème. Éviter des mots comme : angle droit, moitié, médiatrice...
  4. S’ils doivent utiliser des mesures, ne serait-ce pas mieux que ce soient les élèves eux mêmes qui les fassent quand c’est possible pour qu’ils soient obligés de faire des choix et ainsi qu’ils passent de "mesures physiques" à des "mesures mathématiques" (de valeurs approchées à des nombres, avec leur précision infinie) ce qui est un début de modélisation déjà semble-t-il puisqu’ils passent de quelque chose du "monde réel" à quelque chose du "monde des mathématiques". Évidemment, dans certains cas, s’il est question de prix par exemple, on est bien obligé de les fournir.

J’aurai tendance à penser que pour que les élèves modélisent le plus plus possible, il faudrait que les tâches demandées leurs permettent de passer le plus possible d’un "monde" à l’autre.

Proposition de cheminement pour une tâche de modélisation.

Étape 1 : Est-ce que les tâches de modélisation ne devrait pas plutôt commencer avec une situation qui a des informations qui proviennent du "monde réel" ?
Exemples extrêmes :
 "Combien peut-on mettre de feuilles au maximum sur cette table ?" Dans ce cas, tout vient du "monde réel".
 "Résoudre l’équation..." Dans ce cas, il n’y aura aucune modélisation car tout appartient déjà au "monde des mathématiques".

Étape 2 : La tâche ne devrait-elle pas incomber aux élèves ensuite de faire correspondre ce qui vient du "monde réel" à ce qui appartient au "monde des mathématiques" ? Ce qui ne se fait sans doute pas correctement du premier coup dans certains cas.
Exemple : Modéliser une maison par un point ou par un prisme droit ou par...

Ne faut-il pas aussi avoir une certaine vigilance et avoir envisagé que certains élèves pourraient résoudre certains problèmes sans modéliser, sans passer par le "monde des mathématiques" ?
Reprenons l’exemple : "Combien peut-on mettre de feuilles au maximum sur cette table ?" On peut rester dans le "monde réel" pour répondre à cette question en prenant des feuilles et en les disposant sur la table.
Autre exemple (volontairement simple) :
S’il y a deux traits de tracés sur une feuille et que l’on demande celui qui est le plus long, y a-t-il besoin de modéliser ?

Étape 3 : Les élèves ne devraient-ils pas ensuite effectuer le traitement dans le "monde des mathématiques" et ramener leurs trouvailles dans le "monde réel" ? Peut-être que parfois il faudra même qu’ils fassent quelques aller-retour entre les deux "mondes" avant d’avoir des résultats.

Étape 4 : Il ne resterait plus alors aux élèves qu’à conclure en prenant certainement des précautions sur la validité de leurs réponses et leur ajustement avec le "monde réel".

Conclusion

Ne pourrait-on pas dire que quand la frontière entre le "monde réel" et le "monde des mathématiques" de nos élèves est bien connue, on peut leur proposer des problèmes adaptés mettant en jeu véritablement la compétence modéliser ?

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(1) Bulletin officiel n°31 du 30 juillet 2020 annexe 3 page 127

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