Vous avez dit "classes inversées" ? publié le 15/07/2015  - mis à jour le 23/04/2019

Pages : 1234567
Classe inversée

 

Cette réflexion qui s’appuie sur le concept de la classe inversée en langues vivantes est le bilan de deux années de mise en œuvre pédagogique sur un cycle terminal dans un établissement Technique et Technologique1. Le suivi concerne des élèves de ES en espagnol LVII, consciencieux, toujours désireux de bien faire mais qui manquent de confiance en eux et pour lesquels il a fallu mettre en place de nouvelles stratégies pédagogiques pour remobiliser leur énergie et leur redonner le goût pour la prise de parole.

Pourquoi s’est-on interrogé sur l’intérêt d’inverser certains apprentissages entre la classe et la maison ?

Dans son livre "Petite poucette" Michel Serres Le philosophe français,2 raconte une anecdote : aux États Unis, un étudiant après le cours interroge : "Pourquoi dois-je payer si cher pour assister à vos cours alors que vous en avez déjà publié les contenus sur Internet et que nous y avons accès gratuitement ?"
En effet, à l’heure de l’accès universel aux personnes avec Facebook, aux lieux avec le GPS, aux informations en temps réel avec le smartphone, aux savoirs avec Wikipédia, le rôle du professeur change. Marcel Lebrun3 propose de s’appuyer sur les TIC pour rendre asynchrone un enseignement qui jusqu’ici était synchrone et synchrones les apprentissages qui traditionnellement se faisaient à distance.
Les cahiers de textes électroniques, ENT d’établissement, Padlets, blogs pédagogiques permettent d’externaliser certains apprentissages jusque là réservés à la seule heure de cours. Ces nouveaux outils, non seulement pallient un agenda papier défectueux ou une absence, car ils créent un lien privilégié constant entre le professeur et l’élève, le professeur et les parents. La participation des parents ou tout au moins le fait de pouvoir les tenir informés des apprentissages de leurs enfants est un soutien que le professeur ne doit pas négliger.
Mettant à profit les changements dans les pratiques individuelles, l’enseignant repense sa mise en œuvre pédagogique et imagine de nouvelles stratégies comme donner à lire, regarder, écouter à l’extérieur de la classe partie de ce qui se faisait traditionnellement en frontal. Ainsi l’espace et le temps se trouvent modifiés : les apprentissages sortent de la salle de classe, le temps devient flexible et redonne du sens à la présence en cours.

Quel possible pour les classes de langue ?

Externaliser, c’est élargir l’espace de travail, faire que la maison, le CDI ou la salle de permanence deviennent une annexe de la salle de classe, dédiée à la recherche, à la réflexion, à la construction des savoirs et à l’exposition à la langue. La salle de classe sera alors le lieu des apprentissages, de la production orale, de la confrontation des idées et également de l’exposition à la langue.

Cependant, de nombreuses questions se posent :

  • Quoi demander ? Dans quel délais ? Quelle quantité ?
  • Quelle qualité ?
  • Quelle évaluation pour un travail de groupe externalisé ?
  • Peut-on dire un beau jour à nos élèves : "nous allons travailler autrement" sans qu’ils se sentent déstabilisés ?

Tout d’abord, précisons que si on considère le "cycle terminal", c’est en douceur, par petites touches, dès la classe de Première que les élèves seront amenés à modifier leur méthode de travail. Il convient également de tenir compte du rapport entre le travail à distance et le travail en présentiel car le temps que l’élève consacre à l’étude à la maison de la langue cible n’est pas extensible et ne sera pas multiplié par deux, il faut donc faire "mieux" avec les mêmes moyens et éviter tout caractère systématique de l’approche. En conséquence, s’organiser dans le temps est essentiel aussi bien pour l’enseignant - ce qui n’est pas nouveau - que pour l’apprenant qui devra combler les périodes creuses (fin de séquences, devoir ...) en "prenant de l’avance". Il s’assurera dans le même temps une confrontation régulière à la langue cible.
On peut par exemple prévoir une "feuille de route" sur plusieurs semaines dans laquelle le professeur précise ses intentions, les compétences à acquérir, les progressions attendues, donne des supports d’entraînements à étudier librement en autonomie ou en groupe, des tâches à exécuter ou des productions à rendre et prévoit des délais ultimes.

(1) Lycée Technique et Technologique Édouard Branly, Châtellerault, 2013/14-2014/15

(2) Michel Serres membre de l’Académie française, a dressé en 2012 le portrait de Petite poucette, symbole d’une génération transformée par le numérique.

(3) Conférence de Marcel Lebrun, professeur à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation de l’UCL de Louvain, (mars 2015-CANOPE Poitiers)

Impression

  Imprimer
  L'article au format pdf

Auteur

 Michelle Fy

Partager