L’Afrique face aux défis du changement publié le 11/10/2017  - mis à jour le 12/10/2017

Retour sur le Festival International de Géographie de St Dié des Vosges 2017

Une Afrique marquée par la diversité des processus de développement

La recherche montre que l’Afrique est marquée par la diversité et que des processus multiples sont à l’œuvre. Après une période d’euphorie sur les possibilités de développement de l’Afrique, des doutes ont surgi :

  • A l’échelle du continent, les résultats de croissance soutenus, bien que reposant sur des chiffres très discutables, ont fait place à un tassement. Ce ralentissement est réel, force est de constater que le développement est toujours difficile, la pauvreté prégnante. Les modèles de mal développement ne cède pas la place : extraversion, dépendance.
  • On assiste à une diversification accrue des trajectoires à différentes échelles. Même l’Afrique du Sud ne va pas dans le sens de l’ émergence classique. Le Maroc , émergent , fait face à des états qui s’effondre (Lybie, RDC). Croissance de l’illicite, transfert des migrants, impressionnante croissance démographique, croissance urbaine rapide. Cela pose la question de la réalité de l’émergence.
    L’Afrique est donc en proie à des mouvements discordants.

Quatre tendances favorables au changement.

Le cycle de croissance

La mesure de cet indicateur pendant 15 ans l’a montré supérieure à la moyenne mondiale.
Les facteurs de la croissance au cours de cette période sont :

  • La hausse des cours des matières premières, autant minérales qu’agricoles ;
  • L’apport des migrants, plus importants que les IDE ;
  • La diversification des partenaires commerciaux ;
  • La croissance de la consommation intérieure qui répond à un réinvestissement public et à la croissance démographique.

Le continent a fait l’objet de grands investissements dans les transports en particulier dans le train, dans le cadre (LGV à Tanger, ligne Nairobi/Mumbassa) de partenariat comment le New partnership african deal. La diffusion des NTIC est forte : téléphone portable connecté pour les transferts de fond, les drones dans l’agriculture au service de l’amélioration de la production agricole. On assiste à l’essor de firmes africaines capables de rivaliser avec les grandes entreprises asiatiques et occidentales.
Pourtant, l’Afrique ne fournit toujours que 3% du PIB mondiale, 3.5 des flux mondiaux, 3% des IDE.

Les progrès institutionnels

Les pressions des bailleurs de fonds et contestations internes ont permis une « décompression autoritaire » avec des transformations démocratiques inégales mais réelles. Les élections ouvertes et le multipartisme se multiplient. L’organisation des états a permis une déconcentration/décentralisation dans la zone francophone et lusophone. Des solutions de type fédéral, comme au Nigéria sont expérimentées. L’Éthiopie est devenue un pays « ethno-fédéral » (9 régions pour éviter l’éclatement). En Afrique du sud, trois sphères de gouvernement : centrale, provinciale, locale (dont un statut de métropole). De nouvelles élites et de nouveaux espaces politiques se constituent et la place des citoyens se renforce avec les nouvelles technologies.
Au niveau de l’intégration régionale, les ambitions pan-africanistes ressurgissent. Pour l’instant, il existe beaucoup d’organisations régionales, ce qui donne une impression de fragmentation Parmi elles : la communauté économique africaine autour du Nigéria, et 8 communautés économiques régionales. En 2015, la CDAO (à laquelle le Maroc a demandé son adhésion, le Maroc étant devenu le premier investisseur en Afrique avant l’Afrique du Sud, et cela s’accompagne d’un retour du Maroc vers l’Afrique subsaharienne avec tout ce que cela comporte d’enjeux géopolitiques. A l’est, se dessine une union « Du cap au Caire » un accord de libre échange tripartite qui semble concrétiser le rêve de Cécile Rhodes. Pourtant, les échanges intercontinentaux restent faibles (15% en valeur).

La vague de fond démographique.

En 2015, l’Afrique compte 1.2 milliard d’habitants et la projection 2050 en prévoit 2.5 milliards. Les états les plus peuplés seront : le Nigéria, la RDC, l’Éthiopie. En 2100, l’Afrique pourrait ainsi représenter 40% de la population mondiale. La fécondité reste encore soutenue et les modèles de transitions démographiques sont très différents (au moins quatre types). 41% des africains ont moins de 15 ans. Une des grandes inconnue est le dividende démographique, qui est possible quand les actifs deviennent les plus nombreux.

La grande mutation urbaine

40% de la population totale vit désormais en ville. Cela se traduit par l’émergence de métropole : Le Caire, Lagos, Kinshasa, La région urbaine du Gauteng, Dar es Salaam, Khartoum, Abidjan. Mais il existe aussi un maillage urbain de bourgs et de petites villes qui doit être considéré. L’urbanisation est un vecteur de transformation structurelle car c’est un lieu de brassage, un outil de changement économique. Les classes moyennes dépensent leur argent en Afrique, localement, non comme les super riches qui partent le dépenser ailleurs. Ces classes moyennes urbaines sont les grandes porteuses des changements à la fois numériques et politiques. Ruraux et urbains sont encore très imbriqués actuellement (exemple de Bamako et de ses marchés).Les citadins ont toujours « un pied dedans un pied dehors » Les ménages ruraux ont des revenus de plus en plus diversifiés car les échanges s’intensifient comme le montre la domination des achats monétaires.


Quatre tendances contraires favorables au mal développement

La résilience des économies primaires

L’économie repose encore beaucoup sur les matières premières peu ou pas transformées qui sont exportées. On peut réaliser une typologie : agro exportateur, dépendant aux ressources minérales, ceux qui ont des économies plus diversifiées. L’ensemble reste très dépendant des prix mondiaux. La montée en gamme et la diversification par l’industrialisation reste bloquée à cause du sous équipement qui crée un surcoût important : l’Afrique sub-saharienne reste en grande partie sans courant. La consommation annuelle en électricité d’un Africain représente moins que la consommation annuelle d’une ampoule de 75 watt. Un débat existe actuellement : l’Afrique peut-elle se passer d’un passage par l’industriel pour aller directement vers les nouvelles technologies ?
De plus, développement de nouvelles rentes : le « land grabbing » des terres captées par des fonds souverains ou des fonds d’investissement. L’économie criminelle est aussi une rente : trafic d’animaux, piraterie, trafic de drogue et d’êtres humains. La drogue venant de l’Amérique pour aller vers l’Europe permet à certains de s’enrichir. Le problème du Sahara, c’est aussi le narcotrafic qui génère des revenus considérables. La population jeune cherche des débouchés.

Résilience de la pauvreté de masse

Les objectifs du millénaire visaient à la réduire. Cette pauvreté a baissé mais ce recul est le plus lent du monde mais si la valeur relative a baissé, la valeur absolue a augmenté du fait de la croissance démographique. 34% de la population mondiale en 2010 contre 15% en 1990. 436 millions de pauvres en 2013. La situation alimentaire reste précaire, malgré les réponses rapides amenées par les paysanneries. Les progrès sanitaires sont réels mais incertains (42 ans en 1990, 58 ans aujourd’hui pour l’espérance de vie) La mortalité infantile reste de 32 ‰. L’indice de pauvreté multidimensionnelle ne peut reculer à moins de 7% de croissance.

Résilience de l’état autoritaire

L’état de décompression autoritaire est contrasté : de nombreux états autoritaires, états faillis, états faibles, Problèmes de prolongation des mandats (ex : Ouganda). Captage des rentes par une minorité qui pousse à soutenir des autocrates : cleptocratie. Les inégalités sont donc très fortes. Aucun progrès notable en termes de démocraties et de sécurité n’a été enregistré depuis 2009. Les guerres civiles sont très répandues car certains la trouvent légitime pour s’approprier les ressources. Les conflits sont souvent ethnicisés mais dissimulent d’autres enjeux. Cela entraine des flux de migrants vers des pays qui ne peuvent pas les accueillir faute de moyens. A cela s’ajoute les ressorts mondialisés de l’intégrisme et les querelles locales. Le Sahara est ainsi devenu une zone d’insécurité majeure.

Inégalités spatiales à toutes les échelles

Les nouveaux champions de la croissance sont ceux qui partent de très bas. A côté d’eux, les lions. Mais comment ces pays peuvent-ils devenir des moteurs pour l’ensemble des continents ? L’intégration régionale est une longue marche, surtout si les politiques publiques ne sont pas fortes et renforcent les inégalités. La métropolisation renforce en effet les inégalités sur le continent. Inégalités entre villes et campagnes, et aux échelles intra-urbaines . Le discours néolibéral diffusé par les institutions internationales et qui consistent à réduire l’intervention de l’État ne fonctionne pas sur le continent africain. Pour l’ évaluation des progrès réalisés en Afrique, voir le rapport 2015 du PNUD.
Les changements en Afrique dépendent tout autant des possibilités internes que du contexte extérieur (ex : la politique des nouvelles routes de la soie de la Chine qui devraient valoriser l’Afrique de l’est). L’heure est aux divergences accrues intra africaines, c’est plutôt à l’échelle régionale que les choses peuvent changer.