
S. Goudeau "La construction des inégalités dès la maternelle" publié le 17/02/2025
Synthèse de l'intervention de Sébastien Goudeau- séminaire EP du 17/01/25
L’école maternelle, un terrain d’inégalités ?
Sébastien Goudeau explore la construction des inégalités scolaires dès la maternelle, soulignant que ces écarts apparaissent très tôt et sont fortement corrélés à l’origine sociale des élèves. Il rappelle que des différences existent dès l’entrée à l’école en matière de vocabulaire (Grobon et al., 2018), de conscience phonologique (Bowey et al., 1995), ou encore de familiarité avec les livres (Sublet & Prêteur, 1988).
Ces écarts s’expliquent traditionnellement par des différences d’intelligence et d’effort (vision essentialiste de l’éducation), mais Sébastien Goudeau s’appuie sur des recherches en psychologie sociale pour montrer le rôle crucial des situations scolaires et des interactions dans la classe.
L’impact des dynamiques scolaires sur la participation orale
- Un des objectifs de l’école maternelle est de réduire les inégalités langagières en favorisant la participation orale. Cependant, il constate que les échanges collectifs ne garantissent pas une participation égale entre élèves. Les enfants issus de milieux favorisés sont plus souvent sollicités, en raison de dispositions langagières et culturelles plus conformes aux attentes scolaires (Bourdieu & Passeron, 1990).
- Les enseignants, bien que souvent inconscients de ce biais, ont tendance à favoriser la prise de parole des élèves de milieux favorisés, car ces derniers sont plus enclins à exprimer leurs idées et sentiments (Kusserow, 2004 ; Lareau, 2003). En conséquence, à niveau langagier égal, ces enfants participent davantage et bénéficient de plus d’occasions d’apprentissage.
Les effets néfastes de cette dynamique
L’intervention de S. Goudeau met en lumière plusieurs effets néfastes de cette dynamique :
- Biais des enseignants : ils perçoivent les élèves de classes populaires comme moins compétents, leur attribuent des notes inférieures et leur recommandent des orientations moins prestigieuses (Autin et al., 2019 ; Doyle et al., 2023).
- Comparaison sociale et sentiment de compétence : les élèves issus de milieux populaires sont plus enclins à vivre des comparaisons sociales menaçantes, affectant leur estime d’eux-mêmes et leur motivation (Muller & Butera, 2007).
- Explications internes des différences : les élèves expliquent les écarts de réussite par des facteurs internes (intelligence, effort) plutôt que par des différences de contexte scolaire
Une intervention expérimentale pour modifier les perceptions et réduire les inégalités
Face à ce constat, une intervention expérimentale a été menée en 2022 auprès de 30 classes de Grande Section dans les départements de la Vienne et des Deux-Sèvres.
Cette intervention avait pour objectif de :
- Rendre saillantes les variations sociales des prises de parole.
- Fournir des explications externes aux différences de participation.
- Induire une conception malléable des différences de participation orale.
- Proposer des stratégies pour une répartition plus équitable du temps de parole
Le groupe contrôle suivait une intervention similaire, mais axée sur les différences dans la pratique d’activité physique, afin d’assurer que les effets observés soient bien liés à la question des inégalités de participation orale.
Les enseignants participants ont reçu une formation sur :
- L’impact des différences sociales sur la participation orale.
- L’importance d’explications externes plutôt qu’internalistes des écarts de réussite.
- La plasticité cérébrale et la malléabilité des compétences langagières.
Pour mesurer l’efficacité de l’intervention, plusieurs indicateurs ont été suivis :
- L’évolution de la participation orale des élèves via des observations vidéo.
- Les capacités langagières avant et après l’intervention.
- Les résultats aux évaluations nationales de CP.
- L’acceptabilité de l’intervention par les enseignants
Synthèse
Sébastien Goudeau conclut que les inégalités scolaires ne se limitent pas aux compétences initiales des élèves, mais sont renforcées par les interactions en classe. La façon dont les élèves interprètent leur propre réussite et celle des autres influence leur sentiment de compétence et leur engagement scolaire.
Les enseignants ont un rôle clé dans la réduction des inégalités en prenant conscience des biais inconscients qui façonnent leurs interactions avec les élèves. Ils peuvent mettre en place des stratégies simples pour favoriser une participation plus équitable, comme :
- Accorder plus de temps aux élèves qui hésitent à prendre la parole.
- Valoriser la reformulation et la répétition d’idées déjà exprimées.
Vous trouverez ci-dessous le diaporama-support de cette conférence mis à disposition par Monsieur Sébastien Goudeau que nous remercions chaleureusement.