
Perceptions de soi, motivations et stigmatisation : Comment agir ? publié le 19/01/2025
Mme Céline Darnon, Professeure en psychologie sociale à l’Université Clermont Auvergne
Cette synthèse rapide résume les principaux éléments abordés lors de la conférence Perceptions de soi, motivations et stigmatisation : Comment agir ? de Mme Céline Darnon, professeure en psychologie sociale à l’Université Clermont Auvergne, présentée dans le cadre du séminaire "Accompagner les apprentissages en éducation prioritaire" organisé par l’académie de Poitiers en janvier 2025.
Certaines thématiques et points abordés ici feront l’objet d’articles à venir qui approfondiront des notions-clés, telles que les gestes pédagogiques pour limiter les inégalités, les stéréotypes genrés ou les effets de la compétition sur la motivation des élèves.
Plan de la conférence
1. La motivation, une question de statut ?
2. Les contextes qui accentuent les écarts.
3. Comment agir pour réduire ces inégalités ?
1. La motivation, une question de statut ?
Facteurs clés influençant la motivation
- Sentiment d’efficacité personnelle (SEP) : Capacité à croire en son succès grâce à l’effort (Bandura, 1997).
- Capacités d’auto-régulation : Gestion autonome des apprentissages (Zimmerman, 2008).
- Compétences psychosociales (OCDE, 2024) : Incluent persistance, sociabilité, contrôle émotionnel et gestion du stress.
Ces compétences sont inégalement réparties selon le statut socio-économique (Kraus et al., 2012).
Écarts liés au statut socio-économique
- À niveau scolaire équivalent, les élèves de bas statut socio-économique :
a. Développent une plus forte anxiété (Jury et al., 2015).
b. Ressentent davantage la peur de l’échec.
c. Ont un faible sentiment d’appartenance scolaire.
d. Présentent moins de persévérance et une estime de soi plus faible (Wiederkehr et al., 2015).
Raisons de ces écarts
1. Environnement de croissance :
a. Les élèves favorisés bénéficient d’un cadre valorisant l’autonomie et la réflexion personnelle.
b. Les élèves défavorisés évoluent dans des contextes marqués par les contraintes et l’incertitude (Kraus et al., 2012).
2. Stéréotypes intériorisés :
a. Les élèves de bas statut sont associés à une réputation d’ "incompétence" ce qui influence les jugements scolaires (Batruch et al., 2019).
b. Les filles, en mathématiques, ressentent une moindre confiance en elles malgré des performances quasi similaires à celles des garçons (Else-Quest et al., 2010) en comparaison avec l’écart filles-garçons en français.
2. Les contextes qui accentuent les écarts.
Le rôle de la compétition dans le système éducatif
- La compétition et la sélection sont centrales dans l’éducation (Murayama & Elliot, 2012).
- Les élèves comprennent que réussir mieux que les autres est essentiel pour leur avenir.
Conséquences de la compétition
1. Motivations divergentes
- Génère de la motivation à réussir, mais aussi une peur d’échouer.
- Cette peur est plus forte chez les élèves de bas statut, qui se sentent davantage pénalisés dans les contextes compétitifs.
2. Études expérimentales
- Une évaluation présentée comme compétitive accentue les écarts de performance entre élèves de haut et bas statut (Smeding et al., 2013).
- En revanche, lorsqu’une tâche est perçue comme un outil d’apprentissage, les écarts diminuent.
3. Comment agir pour réduire ces inégalités ?
A. Interventions précoces
1. Lecture partagée (maternelle)
- Programmes favorisant la lecture à domicile (Mol et al., 2008).
- Impact : Amélioration des compétences linguistiques et réduction modérée des écarts.
2. Activités mathématiques ludiques
- Programme "Famille Ours" utilisant des histoires et des exercices pratiques (Fayol & Darnon, 2020).
- Impact : Gains significatifs pour les élèves défavorisés.
B. Encourager un état d’esprit de croissance ("Growth Mindset") :
- Principe : L’intelligence est malléable et peut être développée avec l’effort (Dweck, 2006).
- Interventions
a. Expliquer que le cerveau est comme un muscle qui se renforce par l’entraînement.
b. Demander aux élèves d’écrire sur l’importance de persévérer ("saying is believing", Yeager et al., 2019).
- Résultats
a. Réduction des écarts pour les élèves défavorisés (Sisk et al., 2018).
b. Limites : Effets souvent modestes et de courte durée (Macnamara & Burgoyne, 2022).
C. Réduction de la compétition
1. Valoriser les progrès personnels
- Présenter les évaluations comme des outils de progression plutôt que des instruments de sélection.
2. Pratiques coopératives
- Promouvoir l’interdépendance positive, où la réussite des uns est liée à celle des autres (Buchs et al., 2012).
- Résultats : Amélioration des performances des élèves de bas SSE (Dietrichson et al., 2017).
D. Changer les normes éducatives
- Passer d’une approche basée sur l’égalité des chances (compétition) à une égalisation des places (Dubet, 2010).
- Reconnaître que la réussite ne dépend pas uniquement de l’effort, mais aussi de facteurs structurels (Darnon et Claes, 2025).
Synthèse générale
1. Motivation et inégalités
- Les élèves défavorisés développent des motivations et affects qui nuisent à leurs performances scolaires.
- La compétition exacerbe ces écarts en renforçant la peur de l’échec et en favorisant les élèves de haut statut.
2. Pistes d’action
- Interventions précoces, programmes éducatifs spécifiques, et pratiques pédagogiques égalitaires.
- Encourager la coopération et valoriser les progrès individuels plutôt que la compétition.
3. Conclusion
- Les inégalités de statut social influencent profondément la motivation et les performances des élèves.
- Agir nécessite de combiner des interventions éducatives ciblées avec des changements structurels pour un système scolaire plus équitable.