Questions à propos de la motivation à apprendre en classe publié le 17/05/2011

Monsieur Rolland Viau, professeur émérite à l' Université de Sherbrooke au Canada, fait honneur à "Apprendre Aujourd'hui" en apportant sa contribution au groupe de réflexion sur la motivation.

Rolland Viau est professeur émérite à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. Son enseignement se déroule auprès des enseignants en exercice qui désirent se perfectionner sur la motivation à apprendre.
Depuis 30 ans, ses recherches portent sur les problèmes de motivation à l’école. En plus d’avoir publié de nombreux articles dans des revues scientifiques et professionnelles à ce sujet, il a rédigé en 2009, chez De Boeck, une édition complètement révisée de son ouvrage « La motivation en contexte scolaire » destinée aux enseignants.
Le CRDP de Poitiers propose en ligne une conférence donnée pour les enseignants.

Lorsque Monsieur Viau anime des ateliers aux enseignants, ceux-ci posent spontanément plusieurs questions au sujet de la motivation à apprendre.

Voici quatre de ces questions et les réponses proposées.

Pourquoi dans une même classe, certains élèves sont-ils motivés, alors que d’autres sont démotivés ?

Pourtant, ils suivent les mêmes cours, avec le même enseignant et accomplissent les mêmes activités pédagogiques.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation. L’une des plus importantes à considérer réside dans le fait que les élèves n’ont pas les mêmes perceptions à l’égard des activités pédagogiques qui leur sont proposées.
Par exemple, devant une même activité, des élèves vont avoir la perception qu’ils l’accompliront sans difficulté, alors que d’autres vont en douter ou ne se sentiront tout simplement pas capables de la réussir. Ces derniers seront démotivés et utiliseront des stratégies d’évitement afin de ne pas se retrouver devant un échec.
Selon la recherche en psychopédagogie, en plus de la perception qu’un élève entretient à l’égard de sa capacité à réussir une activité pédagogique, deux autres perceptions expliquent un bon nombre de problèmes de motivation en classe : sa perception de l’intérêt et de l’utilité de l’activité qu’on lui demande d’accomplir et sa perception du degré de contrôle qu’il peut exercer sur son déroulement. Ces trois perceptions sont donc les principales sources de la dynamique motivationnelle qui anime un élève devant accomplir une activité pédagogique.

Les enseignants sont-ils responsables de la motivation des élèves ? Dans quelle mesure le sont-il ?

Bon nombre de parents et d’administrateurs dans les milieux scolaires considèrent que les enseignants sont les responsables de la motivation des élèves. Devant tous les bouleversements que notre société connait et l’arrivée de toutes ces nouvelles technologies, peut-on encore penser qu’ils le sont vraiment et si oui, dans quelle mesure le sont-ils ?
Précisons d’abord que la motivation à apprendre est un phénomène intrinsèque à l’élève. Donc, une part de responsabilité lui revient. En fait, un élève qui ne veut pas faire l’effort d’apprendre n’apprend pas.
Toutefois, un grand nombre de facteurs externes agissent sur sa motivation.
Pour mieux les circonscrire, nous les avons regroupés en quatre catégories. Ainsi, on retrouve des facteurs relatifs à la vie personnelle de l’élève (p. ex. les valeurs familiales, l’influence des amis), à la société (p. ex. les lois régissant le système scolaire, l’arrivée des nouvelles technologies), à l’école (p. ex. les horaires, les règlements disciplinaires) et à la classe (p. ex. les activités pédagogiques, l’évaluation).
Cette catégorisation permet de constater que les enseignants ont un certain degré de responsabilité, puisqu’ils ont du contrôle sur les facteurs relatifs à la classe. Mais cette responsabilité n’est pas entière, car on voit bien qu’ils ont peu de contrôle sur les facteurs relatifs à la vie personnelle de l’élève, à la société et à l’école. Par exemple, certains élèves vivent des situations familiales difficiles qui affectent inévitablement leur motivation à apprendre en classe. Devant de telles situations, un enseignant peut comprendre et compatir, mais il peut rarement aller jusqu’à s’immiscer dans cette problématique et convaincre son élève d’en faire abstraction.

Il est donc important que l’enseignant prenne conscience de la limite de ses responsabilités et qu’il comprenne qu’il n’est pas le seul responsable de la motivation à apprendre de ses élèves. D’autres acteurs, tels que les parents, les directeurs d’établissements scolaires et même les décideurs politiques jouent également un rôle qui est loin d’être négligeable.
En résumé, l’enseignant n’est pas le seul responsable de la motivation de ses élèves ; sa responsabilité consiste à faire en sorte que les facteurs relatifs à la classe qui sont sous son contrôle motivent ses élèves plutôt que de les démotiver.


Sur quels facteurs relatifs à la classe les enseignants doivent-ils se pencher pour favoriser la motivation de leurs élèves ?

Pour un enseignant, il est effectivement important de connaître ces facteurs, car ils sont ses « portes d’entrée » pour influer sur la motivation de ses élèves. La plupart des chercheurs en psychopédagogie s’entendent pour affirmer que l’enseignant doit porter une attention particulière à cinq de ces facteurs :

  • les activités pédagogiques qu’il leur propose,
  • la relation qu’il entretient avec ses élèves,
  • ses pratiques évaluatives,
  • le climat de travail qui règne dans sa classe,
  • les récompenses et les sanctions qu’il met en place.

Il serait trop long ici de présenter tout ce que les chercheurs proposent aux enseignants pour rendre ces facteurs motivants aux yeux des élèves, mais aux fins d’illustration, prenons le facteur « activités pédagogiques ».
Il existe deux types d’activité pédagogique. L’une que l’on peut qualifier d’activité d’enseignement (p. ex. exposé magistral), car l’enseignant est le principal acteur et l’autre que l’on appelle activité d’apprentissage, car c’est l’élève qui en est le principal acteur. Les projets de recherche, les travaux en laboratoire et le travail d’équipe sont des exemples d’activités d’apprentissage fréquemment proposées en classe.
Pour ces deux types d’activités pédagogiques, les chercheurs en psychopédagogie proposent des conditions à remplir pour qu’ils suscitent plus de motivation chez l’élève que de démotivation. Par exemple, pour qu’une activité d’apprentissage soit motivante aux yeux des élèves, elle doit remplir les dix conditions motivationnelles suivantes1 :

  • être signifiante aux yeux de l’élève
  • être diversifiée et s’intégrer aux autres activités
  • représenter un défi pour l’élève
  • avoir un caractère authentique à ses yeux
  • exiger de sa part un engagement cognitif
  • le responsabiliser en lui permettant de faire des choix
  • lui permettre d’interagir et de collaborer avec les autres
  • avoir un caractère interdisciplinaire
  • comporter des consignes claires
  • se dérouler sur une période de temps suffisante

Voir sur le site Une carte conceptuelle pour agir sur la motivation

Un enseignant peut souhaiter que toutes les activités d’apprentissage qu’il propose à ses élèves remplissent ces 10 conditions, mais il est toutefois plus réaliste qu’il se fixe cet objectif pour des activités d’apprentissage complexes proposant une séquence de plusieurs tâches à accomplir.
La réalisation d’un projet intégrateur est un bon exemple de ce type d’activités d’apprentissage, car elle peut répondre à toutes les conditions motivationnelles.

Pour chaque facteur relatif à la classe, il est possible de tirer des recherches des conditions et des stratégies d’intervention permettant aux enseignants d’agir efficacement sur la motivation de leurs élèves. La recherche en psychopédagogie peut donc aider un enseignant à agir sur la motivation de ses élèves, mais celui-ci demeure le maître d’œuvre de sa classe. Certes, comme nous avons pu le constater, il n’est pas le seul responsable de leur motivation, mais il demeure un acteur de premier plan. Il doit comprendre que la démotivation est un problème important qu’il ne peut régler à l’aide de quelques trucs glanés par-ci par-là. Pour contribuer à l’enrayer, il devra accepter d’entreprendre une démarche systématique fondée sur son expérience et sur l’état de la recherche en psychopédagogie.

Est-ce que les technologies de l’information peuvent susciter la motivation des élèves à apprendre ?

De plus en plus les recherches menées sur les nouvelles technologies utilisées à des fins d’apprentissage nous éclairent sur leur impact sur la motivation des élèves. Très brièvement, disons que les technologies comme l’ordinateur ou le WEB, ne sont pas motivantes en soi, mais ont un fort potentiel motivationnel. En fait, les nouvelles technologies possèdent des caractéristiques particulières, comme leur capacité d’interaction, qui peuvent susciter la motivation des élèves.

Toutefois, pour que les élèves puissent profiter pleinement du potentiel des technologies, il faut que leur usage réponde d’abord aux conditions d’ordre psychopédagogique dont il a été question à la question précédente. Les technologies peuvent donc être un ajout important dans une classe, mais il faut que l’activité pédagogique dans laquelle elles s’insèrent réponde au départ à des conditions motivationnelles. Voilà le défi qui attend un enseignant qui désire intégrer les nouvelles technologies à son enseignement.

Quelques pistes de lecture :

Delannoy, C. (2005). La motivation. Paris :Hachette Éducation.

Depover, C., Karsenti, T., et V. Komis (2007). Enseigner avec les technologies, Québec : Presses de l’Université du Québec.

Favre, D. (2010). Cessons de démotiver les élèves, 18 clés pour favoriser l’apprentissage. Paris : Editions Dunod.

Viau, R. (2011). La motivation : condition essentielle de réussite. 3ième édition révisée. In J. C. Ruano-Borbalan (Ed.) Éduquer et Former. Paris : Éditions Sciences Humaines.

Viau, R. (2009). La motivation en contexte scolaire. Bruxelles : Éditions De Boeck.

Viau, R. (1999). La motivation dans l’apprentissage du français, Saint-Laurent (Québec) : Éditions du Renouveau Pédagogique.

Weinstein, C.E., et L.M. Hume (2001). Stratégies pour un apprentissage durable. Bruxelles : Éditions De Boeck.

Zimmerman, B.J., Bonner, S., et R. Kovach (2000). Des apprenants autonomes. Bruxelles : Éditions De Boeck.

(1) On trouvera une description plus détaillée de ces conditions ainsi que les interventions pouvant être menées sur les autres facteurs relatifs à la classe dans notre ouvrage « La motivation en contexte scolaire », publié en 2009 chez De Boeck éditeurs.