Le blob : un sujet d’étude en mathématiques et en sciences publié le 31/01/2022

S'emparer d'un projet pour ouvrir les disciplines

Genèse du projet

Fin mai 2021, Wilfrid Grossin du Lycée Valin de La Rochelle m’envoie un mail détaillant la mission ALPHA pilotée par Thomas Pesquet et le CNES ainsi que le projet "Education" de cette mission.

Je m’y intéresse, je me renseigne. Je décide d’inscrire l’établissement en espérant que le CNES nous retienne. En parallèle, je discute avec mes collègues pour monter un projet transdisciplinaire.

Très rapidement, Monsieur Lavaysse (professeur de mathématiques) et Monsieur Rossignol (professeur de SVT) me confirment leur envie de collaborer sur ce sujet.
Ce projet blob se greffe alors sur un objectif plus ambitieux du collège qui consiste à inclure les élèves fléchés SEGPA en classe de Sixième. C’est donc assez logiquement que nous avons obtenu le soutien d’un quatrième collègue, Monsieur Billaud (professeur des écoles SEGPA) qui a rejoint le projet avec sa double fonction de professeur SEGPA et professeur de mathématiques sur le niveau Sixième.
Dans un premier temps, nous avons collaboré pour lister nos objectifs, les moyens à déployer pour les atteindre et dans un deuxième temps, nous avons co-animé nos séances en binôme M. Daviaud / M. Billaud ou M. Daviaud / M. Lavaysse.

J’ai cherché également, à l’échelle du réseau Eclore du Collège Albert Camus, à fédérer autour du blob.
Une présentation détaillée à l’aide d’un diaporama conçu pour les circonstances a été faite aux écoles lors d’une réunion écoles / collège. Un lien est aussi envisagé avec le collège de l’Atlantique et le Lycée Valin.
En effet, nous entretenons des relations professionnelles et amicales sur de nombreux sujets pédagogiques.
Finalement, nous monterons un défi blob avec l’équipe BTS de Biochimie de Valin. Nous leur fournirons un labyrinthe à blob pour que nous puissions, conjointement, comparer ses capacités à retrouver des sources de nourriture (voir partie "défis blob"). Pour le reste, chaque établissement du second degré travaillera indépendamment sur le blob.

Fin juin, nous apprenions que le collège Camus était retenu pour cette expérimentation nationale. Nous sommes partis en vacances en sachant que le projet serait transversal et interne au collège.

Réception des blobs et premiers essais

Nos blobs arrivent début septembre dans une simple enveloppe.

Expérience 1

Très vite, il nous fallait tester que nous étions capables de les "réanimer", de les alimenter, de les faire grossir, de les photographier, de faire des mesures… Nous avons donc décidé de créer une "blob house" qui devait nous permettre de remplir toutes les exigences citées.
Nos premiers essais ont été finalement encourageants mais pas à la hauteur de nos espérances. En effet, nous étions face à plusieurs problèmes :

  • comment maintenir le substrat du blob humide sur plusieurs jours ? Le papier filtre a tendance à sécher en 48h et le blob se transforme alors en sclérote avant la fin de l’expérience.
  • comme éviter les moisissures qui se forment sur le substrat avant la fin de l’expérience ?
  • comment photographier le blob qui n’apprécie pas la lumière, toutes les 20 minutes, sans matériel professionnel ?

Collecte de ressources et création d’un site internet

Expérience 2

Expérience 2

Très rapidement, après nos premiers essais, la communauté du collège (professeurs, direction, élèves et parents) commença à nous poser un grand nombre de questions : "Comment vont nos blobs ?", "Peut-on les voir ?", "Se sont-ils évadés ?", etc.
Il a fallu collecter des informations fiables pour répondre, à la fois, aux sollicitations de la communauté, et résoudre les problèmes décrits dans la partie précédente.
Je n’avais pas prévu un tel engouement, et je compris qu’il fallait communiquer davantage. La décision de créer un site internet dédié à nos expérimentations et rattaché au site internet de collège fut prise.
Ce site s’articulait autour de trois axes :

  • les propriétés extraordinaires du blob, les recherches de très haut niveau menées par le CNRS et les équipes étrangères,
  • nos expérimentations, forcément un peu plus modestes,
  • des défis pour donner envie à nos visiteurs de revenir sur le site observer nos avancées.

Conception des documents élèves

Nous avons décidé de construire notre document à partir d’un tableur, regroupant toutes les mesures, envoyé par Audrey Dussutour (ethnologue et spécialiste des blobs au CNRS).
Nous devions le rendre compréhensible à nos élèves de Sixième et y intégrer des notions des programmes de sciences physiques et mathématiques. Nous l’avons conçu en présentiel et en distanciel à l’aide d’une plateforme numérique collaborative. Nous pouvions ainsi construire notre document commun en asynchrone tout en organisant des courtes sessions de questions / réponses sur la pause déjeuner.

Voici quelques points du BO de sciences physiques cycle 3 retenus pour ce projet :

  • interpréter un résultat, en tirer une conclusion
  • faire le lien entre la mesure réalisée, les unités et l’outil utilisés
  • garder une trace écrite ou numérique des recherches, des observations et des expériences réalisées
  • communiquer des résultats
  • traiter des données

Concernant le BO de mathématiques cycle 3 :

  • lire des tableaux
  • prélever des informations dans différents types de documents pour compléter des tableaux
  • notion d’échelle
  • notion de périmètre
  • notion d’aire
  • différencier périmètre/aire
  • calculer la durée écoulée entre deux instants donnés

En mathématiques, un grand nombre de ces notions ont été étudiées depuis la rentrée de septembre, avant que nous animions nos séances en coanimation début décembre :

Malgré tout, le temps manquait pour toutes les aborder. Finalement, ce n’est pas un problème puisque qu’en pédagogie, nous pouvons envisager deux méthodes de travail différentes mais toutes les deux efficaces :

  • Voir les notions en amont pour faciliter l’exploitation des photos des blobs : la notion de périmètre a été la première notion abordée cette année avec notamment l’estimation du périmètre de l’île Madame à l’aide d’une échelle et d’une carte puis avec un logiciel, un raisonnement que les élèves retrouveront dans la séance en coanimation : commencer par identifier l’échelle avant toute mesure.
    Ensuite, les aires ont été traitées. L’aire d’un disque a été, par exemple, estimée à l’aide de papier calque millimétré pour bien s’imprégner de cette leçon. Là aussi, l’échelle était importante.
    Aborder ces deux notions très vite dans l’année permet un réinvestissement sur le long terme qui va, nous l’espérons, permettre de bien distinguer les deux notions dans l’esprit des élèves, la confusion durant parfois jusqu’en troisième…
    Le travail sur la lecture de tableaux se poursuit sur toute l’année. La construction d’un tableau est travaillée avec notamment l’élaboration collective d’une échelle descriptive commune à toutes les disciplines scientifiques.
  • On utilisera aussi les photos des blobs en aval comme point de départ pour travailler des notions par la suite : les calculs de durée seront revus plus tard dans l’année en repartant d’un tableau concernant le blob et ses différents déplacements : combien de temps lui a-t-il fallu pour rejoindre le premier flocon d’avoine, etc. Les différentes stratégies possibles seront alors abordées : “sauts de puce”, Z, soustraction, conversions.

Lancement officiel de notre expérimentation

"Le jour J" est arrivé, le 11 octobre 2021, nous respectons le planning national en réveillant deux blobs à 13h. Tous les élèves de 6ème sont invités et la presse locale est présente pour couvrir l’événement, nous poser des questions et prendre des photos.

Séances en coanimation mathématiques / sciences

Les élèves entrent dans la salle, se répartissent en groupe de 3 ou 4, lancent le logiciel de traitement des images. Ils prennent possession du document préparé et commencent leur travail de mesures et d’analyse. Nous aurons besoin de deux séances d’une heure chacune pour réaliser cette séquence. Ces heures sont prises sur les cours de mathématiques, ou les cours de sciences ou enfin sur des heures où nous n’avons pas d’élèves.

Nous reproduisons ci-dessous un échange entre les deux enseignants, Guillaume Daviaud (professeur de sciences physiques) et Nicolas Lavaysse (professeur de mathématiques).

la salle de classe


GD : Je donne des consignes aux élèves pour leur simplifier le démarrage de l’activité.
ND : J’observe la mise en action des élèves et remarquant déjà certains tâtonnements, je décide alors de compléter les consignes données par GD.

Dès les premières minutes, on peut ressentir les effets positifs de la coanimation et de cette complémentarité.

GD : nous avons des problèmes techniques sur notre réseau informatique depuis plusieurs semaines, je dois les aider à ouvrir leurs outils de travail et trouver des stratégies pour que ces problèmes ne perturbent pas notre bonne volonté. Pour chaque poste débloqué et fonctionnel, Nicolas rappelle aux élèves les objectifs.
NL  : ce que je souhaite vraiment, c’est qu’ils se rendent compte que cette séance mêle beaucoup de notions déjà vues cette année. Je leur demande donc dans un premier temps pourquoi est-ce important de commencer par donner une échelle à la photo.
GD : … et c’est vraiment parti ! Les élèves utilisent les instruments de mesures installés dans la "Blob house", relèvent la température, l’hygrométrie. Grâce aux rappels de Nicolas, les élèves ont configuré l’échelle de mesure du logiciel photo et peuvent maintenant mesurer des distances entre le blob et les flocons d’avoine.
NL : Je crois qu’ils ont compris l’importance de cette fameuse échelle. Comment mesurer sinon ? J’insiste sur l’intérêt d’avoir placer une petite règle dans la "Blob house" visible sur les photos.
GD : S’en suivent l’ordre dans lequel le blob découvre les 4 flocons d’avoine, le type de réseau qu’il forme. Je discute alors avec mes élèves de la robustesse du réseau. En effet, le blob est capable de déployer ses veines de manière optimale pour continuer de s’alimenter même en cas de rupture de l’une d’entre elles. Nos observations vont dans le sens d’un résultat d’expérience incroyable. Des chercheurs japonais ont démontré qu’un blob, en quelques heures, pouvait proposer une réplique à échelle réduite du réseau ferroviaire de la banlieue de Tokyo, fruit de plusieurs décennies de travail pour les ingénieurs japonais.
NL : Pour remplir les tableaux, certains calculs de durée sont nécessaires. Il faut, par exemple, trouver au bout de combien de temps le flocon atteint le flocon du haut connaissant l’heure du départ de l’expérience, etc. Même si certains de ces calculs ont été abordés à l’école primaire, ils sont difficiles pour des élèves de sixième. On n’en a pas encore parlé en mathématiques cette année. Mais, en utilisant les conseils de Guillaume et les miens (qui ne sont pas forcément les mêmes et c’est enrichissant !), la plupart des groupes s’en sortent très bien. Ces calculs seront revus en classe ensuite à partir de ces tableaux.

NL  : En fin de deuxième heure, les élèves commencent, à l’aide du logiciel, les mesures de périmètre et d’aire du blob. C’est très pédagogique car ils doivent dessiner sur l’écran avec l’outil la forme du blob. Je passe de groupe en groupe pour leur demander de me montrer ce que représente le périmètre ou l’aire sur la photo correspondante. J’en profite pour réinvestir les unités de périmètre et d’aire. Bien différencier les cm et les cm²…
GD  : c’est parfait ! Les élèves s’appliquent pour détourer le mieux qu’ils peuvent la bête tout en comprenant qu’il trace le périmètre. L’aire sera la surface occupée à l’intérieur de ce trait. Parfois, leurs résultats les surprennent… en effet le blob, quand il déploie ses veines, n’occupe pas forcément une grande surface mais le contour est très long à tracer. On peut donc avoir un grand périmètre autour d’une petite surface.
C’est déjà la fin de la séance, la sonnerie sonne… on aimerait débriefer, leur demander ce qu’ils ont retenu, ce qu’ils ont appris, quels sont leurs sentiments. C’est toujours compliqué de garder du temps pour bien finir. C’était une première pour nous deux et je crois que nous avons envie de recommencer.
NL : Une première et une réussite je crois. On a progressé peu à peu et chacun a su trouver ses marques peu à peu. À refaire !

Défis Blob

De septembre à janvier, nous avons proposé des "défis blob" pour favoriser la communication et le lien avec toute la communauté du collège.

Deux sont présentés ci-dessous :

  • Le premier était un défi pour mon collègue de technologie (M. Bordiec) et pour le blob. Nous avons créé un labyrinthe pour tester les capacités d’exploration et de franchissement du blob. Peut-être aussi que ce labyrinthe sera le point de départ d’une initiation à la programmation avec Scratch en cours de mathématiques…
  • Le deuxième est un défi lancé à la communauté, grâce à un timelapse réalisé au laboratoire. Chaque participant doit reconnaître le réseau de veines déployé par le blob. C’est sur cette page qu’on teste la robustesse de la bête unicellulaire.

Pour conclure, ce travail a été véritablement intéressant pour les professeurs et les élèves. Nous espérons lui donner une suite en imaginant des situations d’apprentissage toujours plus motivantes.