Problématiser l'espace avec son téléphone portable publié le 17/10/2011  - mis à jour le 28/01/2018

Les élèves de Première interrogent leur lycée en réalisant des films vidéos

Les écritures en italique correspondent à des textes issus des programmes

Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010

Circonstances pédagogiques

Les textes que l’on va lire, pages 4 et suivantes, ont été rédigés par des élèves de Première option arts plastiques obligatoire. L’espace étant au centre du programme (pour la dernière année), il était vraiment tentant d’exploiter les 3 démarches initiées par mes collègues de l’Action Académique Mutualisée demandant à leurs élèves d’utiliser la fonction caméra de leurs téléphones portables, dans des conditions inusitées :

En septembre, les lycéens œuvrent sur une occupation de leur salle de classe en pratiquant un photomontage numérique. En novembre, découvrant un énorme stock de cartons aux formes de poutres IPN, je relance la question au programme du lieu comme espace à investir, avec

  • pour objectifs de les engager dans une démarche collective traitant de situations spatiales éprouvées physiquement.
  • pour apprentissages visés : une réalisation technique aux dimensions inhabituelles et la mise en œuvre d’une réflexion critique pour interroger sa propre production.

 


En février, je demande aux lycéens de travailler sur l’espace classe et hors classe, à l’aide de leurs téléphones portables. Ils entendent par là qu’il faut expérimenter une problématique.

Si la pratique artistique met une intention à l’épreuve de sa concrétisation [...] le professeur d’arts plastiques veille à ce que la pratique engagée par l’élève l’aide progressivement à comprendre les enjeux artistiques fondamentaux dixit programmes.

Qu’est-ce qu’une problématique ? Le petit Robert répond : "art, science de poser les problèmes —> Questionnement. Ensemble de problèmes dont les éléments sont liés."

En début d’année, j’ai expliqué qu’une problématique artistique revenait à mettre en œuvre une idée par rapport à "quelque chose", quelque chose étant aussi bien une autre idée, qu’un contexte situationnel.
Dans une problématique, quand un élève affirme qu’il a une idée, en fait, il en a (au moins) deux, l’une s’articulant à l’autre.

Problématiser, c’est ouvrir
l’accès à un degré de complexité plus grand dans les interrelations entre invention, expression et
réflexion caractéristiques de toute démarche artistique de type plastique

Mes objectifs artistiques

Aborder les paradoxes de l’image vidéo : une image bi, tri ou quadridimensionnelle, entre performance et tradition rétinienne.

Compétences travaillées dans la séquence vidéo

Rendre l’élève capable de

  • Concevoir et de réaliser (...) une production d’ordre artistique traitant de situations spatiales ;
  • S’engager dans une démarche personnelle en justifiant le choix des moyens utilisés ;
  • Réajuster en permanence la conduite de son travail par la prise en compte d’éléments non prévus au départ ;
  • De mesurer et d’apprécier le rapport entre production conduite à terme et projet initial.

Mes attentes

Une production vidéo accompagnée d’un écrit justifiant la démarche. Pour cela, je donne comme outil de travail une fiche type en 3 points :

  • Objectifs artistiques : Quelle(s) idée(s) je souhaite mettre en avant dans mon projet ?
  • Déroulement : Analyse de la production en cours de réalisation, justification des choix.
  • Bilan : J’analyse le résultat, je tente de l’observer indépendamment de mes idées de départ

Références

Seul le modulateur espace lumière 1930 de Laszlo Moholy Nagy a été exploité et réapproprié par un élève, Jérémy page 8, sans qu’il s’agisse exactement de cet extrait pris sur YouTube. Jérémy a été le seul à réaliser sa vidéo dans un délai raisonnable si bien que nous avons pu échanger sur les moyens d’articuler références et démarche personnelle. Il m’est difficile de retranscrire le contenu de notre échange maintenant mais je me souviens avoir capté son intérêt à découvrir une œuvre tout en faisant un lien avec sa démarche, une recherche d’effets plastiques associés au formalisme des espaces.

Les 3 autres exemples ont été montrés et commentés plusieurs semaines après l’achèvement des productions - Je reviendrai dans ma conclusion sur les problèmes que j’ai rencontrés dans le déroulement de cette séquence.

Le Cuirassé Potemkine de S.M. Eisenstein a suscité beaucoup d’intérêt pour ses qualités expressionnistes et le formalisme de sa mise en scène. J’ai insisté dans la présentation de ce document sur la valeur plastique du montage par juxtaposition de scènes, ainsi que sur le traitement structuré et formaliste des espaces.

Ballet mécanique (1924) de Fernand Léger , une expérimentation pas si éloignée des productions lycéennes.

Paul Sharits :
la vitesse de défilement des photogrammes, très rapide, rejoint le goût pour la perturbation qui s’observe à travers les productions d’élèves.

D’autres références à exploiter, comme les expérimentations de l’IRI - Centre Pompidou ou bien Carsten Höller, avec ses lunettes qui permettent de voir à l’envers, ses champignons géants inversés, "consommés" en début d’année, suite au projet de Romane :


Conclusions

  • Techniquement : trop de disparités dans les équipements (matériels et logiciels) non anticipées de ma part, si bien que cette production s’est prolongée en chevauchant d’autres séquences, pour certains. Il faudra veiller à ne pas faire confiance à des élèves qui oublient facilement le câble de connexion de leur appareil. Consulter l’article de Philippe Chocq pour préparer sa séquence sur le plan technique. Qu’on se rassure, nous serons remerciés par des élèves qui partageront leurs compétences avec les nôtres.
  • Analyse des productions :
    • le goût pour la perturbation est manifeste. Les élèves ont cherché de préférence à troubler la réalité. On peut y voir une première démarche vers les films d’horreur qui intéressent tant les adolescents comme on peut y trouver une envie de jouer en contre, se construire en s’opposant.
    • Peu de manipulations sur les images, à l’exception de Jérémy, page 8. Ceci peut s’expliquer par la faiblesse des ordinateurs en mémoire RAM.
    • Démarche exploratoire inégale : Laura, page 5, montre 2 vidéos en nous faisant part de l’évolution de sa réflexion. Laure, page 9 et Louis, page 10, ont le souci du produit fini répondant à une question (faire un film). Il faut noter qu’Éric, page 14, se situant entre les deux attitudes, a terminé l’année sur une production personnelle, page 15, que j’estime être une bonne synthèse sur les apprentissages liés à cette séquence.
    • La question du son reste entière, je n’ai pas eu le temps de l’aborder. On restera sur le constat que la bande sonore s’appelle 2 fois sur 3 "musique". Des outils numériques comme Audacity doivent nous encourager à considérer le son comme un matériau à la portées des arts plastiques.
  • Comportements : j’ai vu dans un premier temps des élèves redécouvrir un outil puis se découvrir de nouveaux centres d’intérêts. Mon rôle de pédagogue s’est moins exprimé dans la transmission d’un savoir que dans l’accompagnement des réflexions liées à ce savoir.

Les films vidéos

 

Laura (Flash Video de 2.8 Mo)

Le montage de Laura : "plonger dans un espace assez farfelu"

Mon objectif de base, était que quand le spectateur regardera ma vidéo, il ait l’impression de marcher avec moi, sans savoir vraiment ou il se trouve et faire ressortir le coté irréel de l’endroit et le côté cloitré et répétitif.

A la base j’ai mis mon ipod (caméra) dans ma poche, pour que celui qui regardera la vidéo ait l’impression de marcher avec moi. Par la suite, j’ai voulu accentuer cette impression, et j’ai dès lors décidé de faire apparaître ma main sur la vidéo, avec le mouvement régulier qu’elle fait lorsqu’un individu marche, le tout en circulant dans le lycée à allure régulière.

Laura_extrait (Flash Video de 694.2 ko)

Un extrait de la prise de vue de Laura, sans aucun effet numérique ajouté

Quand j’ai dû mettre ma vidéo en œuvre, pour faire ressortir le côté irréel, j’ai accentué l’effet ancien, et accéléré la vitesse pour faire apparaître l’onirisme. Aussi le fait d’avoir retourné la vidéo, nous plonge dans un espace assez farfelu. Mais aussi le choix de la musique qui est la 9eme symphonie de Beethoven (assez psyché comme musique) fait ressortir tous les aspects de départ.


Mathilde (Flash Video de 724.3 ko)

Première expérience

Objectifs : Normalement, l’œil humain voit l’image à l’envers mais c’est le cerveau qui remet celle-ci dans le bon sens. J’ai voulu à l’aide d’une vidéo, retrouver le sens d’origine.

Déroulement : En filmant l’enceinte du lycée, j’ai fixé la caméra à mon pull mais en l’attachant à l’envers, ainsi en la redressant, l’image aura un sens inhabituel pour ceux qui la regardent.

Mathilde_extrait_2-wmv (Flash Video de 2.4 Mo)

seconde prise de vue de Mathilde

Bilan :
points positifs : la prise de vue donne l’effet que je recherchais et la présence de figurants accentue cette impression qu’on pourrait presque comparer à de l’apesanteur.
points négatifs : la qualité de la vidéo n’est pas bonne.


Charlie (Flash Video de 3 Mo)

Objectif : voir le lycée sous un autre angle de vue, semer la confusion dans les esprits et modifier la gravité.

Déroulement : j’ai placé ma caméra (téléphone portable) sur le dessus de ma tête et j’ai parcouru les couloirs du lycée tout en filmant le plafond.

Bilan : ce qui est positif c’est que j’ai réussi à semer la confusion dans les esprits et à inverser la gravité (donc j’ai atteint mes objectifs), car les gens peuvent confondre le sol et le plafond. Ce qui est positif également est la présence de la musique qui rajoute un coté assez entraînant de par son rythme, sa cadence.
Ce qui est négatif c’est la mauvaise qualité de la vidéo.


Jérémy (Flash Video de 1.4 Mo)

Ma démarche artistique se fonde principalement sur la représentation visuelle de l’espace.
Je pense que l’on peut donner à voir un espace seulement avec des points repères situés aléatoirement par rapport à nous.

Ici je représente cet espace avec le repères d’un quadrillage (les carreaux des toilettes) que je fais varier grâce à des effets numériques sur les nuances de couleurs ; tout comme Moholy-Nagy qui traduit dans des valeurs de gris de nouveaux types d’appréhensions spatiales. Les repères sont en constante modification ce qui permet d’avoir des représentations différents de l’espace, ponctuées par un fond sonore qui intensifie l’effet recherché. L’espace, animé par le mouvement des images, peut se référer à Laszlo Moholy-Nagy qui lui donna un nouveau souffle en l’articulent avec le temps et la lumière.


Laure (Flash Video de 2.1 Mo)

Objectif : faire une vidéo en utilisant l’espace du lycée.

Avant : Je voulais faire une vidéo sur le(s) chemin(s) que prennent tout les jours les lycéen(ne)s au sein du lycée mais faire en sorte que celui qui visionne la vidéo ne sache pas où il se trouve. Je voulais aussi réaliser quelque chose de long et répétitif.

Pendant : J’ai donc marché pendant 3 minutes environ dans le lycée en filmant mes pieds et rien d’autre, ce qui rend la vidéo longue et (légèrement) ennuyeuse car il n’y a pas de montages en plus ni de musique.

Après : L’effet répétitif et assez bien représenté, comme celui de l’ennui car il ne se passe rien d’autre, il n’y a pas de montages ni de musique, c’est une vidéo brute, on voit seulement des pieds qui marchent, montent et descendent des escaliers, ce que font les lycéens tous les jours. La dernière image signifie que la 2ème paire de pieds qui arrive va prendre le relais, descendre des escaliers, marcher et monter des escaliers, l’histoire se répète et ne se finit jamais.


Louis (Flash Video de 731.7 ko)

Ma démarche vidéo a été pour le moins assez simple, j’ai choisi de filmer mes pieds lorsque je marchais. La découverte de l’espace environnant en est ainsi perturbée, car, bien qu’on sache pertinemment que l’on avance dans l’espace par le mouvement des pieds, on ne peut vraiment se repérer par une vue de dessus, ne voyant que le sol qui défile sous nos yeux.

J’ai pensé que cette approche pourrait être intéressante car on ne prend jamais l’espace en compte par le sol mais bien plus par le volume ; l’espace visible, qui nous fait face mais le sol reste néanmoins un espace comme un autre. Durant la vidéo, on est perdu, sans repère fixe, pour enfin arriver devant une porte où le numéro 14 est affiché, sans savoir ce qu’il vient faire ici et pourquoi il a sa place dans la vidéo ; cela, à mon goût s’avérant perturbant pour le lecteur.


Meghan (Flash Video de 1.5 Mo)

Objectifs : passer d’un espace du lycée à un autre espace du lycée par les couleurs.

Déroulement : on voit des espaces connus et fréquentés tous les jours, filmés, du deuxième étage au rez de chaussée. La vidéo étant trop longue et bien trop ennuyeuse, je l’ai accélérée, ce qui n’était pas prévu à la base.

Bilan : le rendu reste correct mais la compréhension de la vidéo peut rester floue sans les explications.


Francisca (Flash Video de 1.5 Mo)

Mon objectif n’était pas vraiment défini parce que je ne savais pas très bien comment faire ce travail. Finalement j’ai décidé de montrer les espaces comme si quelqu’un était étourdi, avec la tête qui tourne, avec même un problème cérébral qui fait changer la forme de choses vues.

Pour ça, j’ai utilisé la caméra suspendue à un fil et aussi je l’ai faite tourner quelquefois pour montrer comme si le plafond c’était le sol.

Positif : je trouve que j’ai bien réussi à donner la sensation d’être en train de marcher sur le plafond.


Romane (Flash Video de 848.5 ko)

Voir les lieux du lycée d’une manière nouvelle et redécouvrir couloirs et escaliers.

J’ai filmé des séquences dans l’enceinte du lycée, de sorte que l’on se retrouve à marcher au plafond en suivant la progression de la caméra. J’ai joué sur les hauteurs, le sol, les murs et le plafond afin de recréer un espace nouveau pourtant bien existant (le plafond).

Des personnes évoluent dans l’espace, nous les croisons ou les regardons progresser à leurs rythmes mais l’endroit et l’envers sont bousculés. Tout cela amène de l’étrangeté aux lieux ; qui sont donc ces personnes que la gravité ne semble pas affecter ?


Eric (Flash Video de 1.9 Mo)

première version : "le nouveau monde"

J’ai trouvé intéressant le concept de montrer le monde sous nos pieds, avancer et voir le sol de tous les jours changer. Tous les jours nous passons dessus sans forcément le voir : j’ai voulu souligner ça.

J’ai choisi aussi le concept d’échanger les portables car je l’ai vu dans une pub autrefois, où des personnes se donnaient des objets et continuaient le travail de la personne précédente. Je trouvais cela attractif, original et divertissant.

Pour la musique, j’ai fait deux vidéos car la première musique, "le nouveau monde", représente le côté beau et simple de ce qui défile sous nos pieds. La chanson parle justement d’un nouveau monde qui s’offre à nous tous comme le thème que je propose.

Eric_1-wmv (Flash Video de 1.6 Mo)

Seconde version d’Éric : "le nouveau sombre"

La deuxième musique a un aspect provocateur légèrement désordonné ; j’ai beaucoup apprécié ce décalage avec la première et ce désordre.


Cette vidéo a été réalisée en fin d’année et présentée comme une œuvre bilan par Éric.

Il serait intéressant de faire le lien entre ce qui vient d’être lu précédemment et ce qui a été produit lors du séjour artistique au château d’Oiron avec l’artiste intervenant Hervé Trioreau.

la_vie_en_couleurs-wmv (Flash Video de 3.4 Mo)

La vie d’Éric en couleurs, pour terminer l’année