"Stasi Child" : un thriller haletant sur les victimes de choix de la Stasi, les adolescents publié le 22/12/2017

Stasi Child, David Young

"Dans la cabine, l’espionne ôta sa capuche et passa les doigts dans ses cheveux roux qu’elle venait de faire couper.
- Dites-lui que c’est Chat sauvage. Dites-lui que le sujet est entré en contact.
La fille aux traits anguleux attendit que Steiger décroche. Elle se demanda si elle faisait ce qu’il fallait tout en étant persuadée de faire le bon choix. Cétait le prix de sa liberté, le prix à payer pour éviter de retourner en maison de correction, pour pouvoir vivre avec sa grand-mère.
Espionner sa propre mère.
Après tout, voilà ce qu’elle était, comme Mathias avant elle.
Une espionne.
Une informatrice.
Un pur produit de la Stasi."


 Mais qui est donc cette adolescente enrôlée par la Stasi à la fin du livre ? Pour le savoir, il faudra vous plonger dans la lecture de ce roman à suspense de plus de 400 pages. Certes, on peut trouver au début que l’action a du mal à démarrer car l’enquête confiée au lieutenant Karin Müller et son associé piétine un peu. Mais il faut bien concéder que les indices sont minimes pour identifier la jeune fille retrouvée sans vie dans un cimetière près du Mur.

 En parallèle, le lecteur suit l’histoire de 3 ados de 16 ans, Irma, Beate et Mathias, tous pensionnaires 9 mois plus tôt de la maison de correction de Prora (maison fictive inspirée du centre éducatif fermé de Torgau), sur la Baltique. Irma raconte l’enfer au quotidien dans le centre, les journées de labeur à conditionner des meubles pour la Suède (cf extrait fichier ci-joint), les humiliations et punitions à répétition. Saviez- vous au reste que les prisonniers politiques de la Stasi ont bien participé à la production de certains meubles IKEA et que ce n’est qu’en 2012 que le directeur de la succursale allemande de la firme suédoise a présenté ses excuses officielles à une salle remplie d’anciens prisonniers (voir l’enquête de la Deutsche Welle à ce sujet) ?
Mais il aurait à coup sûr manqué un ressort dramatique à ce livre si l’auteur britannique David Young avait fait l’économie de l’épisode de la tentative de fuite vers l’Ouest.

"D’après le bruit et les vibrations du camion, nous sommes en route. Pour la première fois, je m’autorise à croire que le plan va fonctionner. Au bout du voyage, de nouveaux vrombissements ; ce doit être un autre chariot élévateur. Je sens qu’on soulève le carton et j’aperçois les lueurs du port. Puis c’est le calme et le silence. Les minutes défilent. Une heure, puis deux. La panique m’envahit. Je n’avais pas pensé à ça. J’essaie de bouger les bras, les jambes, mais je suis coincée. Nous risquons de rester là des jours, des semaines, dans une zone de stockage sur le port. Prisonniers des cartons, nous risquons d’étouffer, affamés. Quel plan idiot, stupide ! Je nous ai condamnés à mort. Je réessaie de pivoter, mais le carton est trop étroit. C’est là que je me mets à compter. Les secondes, les minutes, les heures. Je compte, je n’en finis pas de compter." (Stasi Child, David Young, éditions 10-18, p.245)


Lauréat du prix CWA Endeavour Historical Dagger 2016, récompensant le meilleur roman policier historique, David Young vient de confier une nouvelle enquête au lieutenant Müller dans "Stasi Block". On en redemande !

Stasi Child (2015), David Young, traduit par Françoise Smith, éditions 10-18, 2017, ISBN 9782264071378, 8,40 euros
Stasi Block (2017), David Young, traduit par Françoise Smith, éditions Fleuve noir, 2017 ; ISBN 9782265117013, 20,90 euros

Document joint

Récit d’un quotidien sombre et sans lueur d’espoir. Extrait de "Stasi Child" de David Young