PREAC Écritures et théâtres contemporains francophones publié le 10/10/2019

Compte rendu du séminaire national - Limoges octobre 2019

Thème

Entre le dire et l’écrire : langue écrite, langue orale en monde francophone.
Une histoire de transmission ?

A l’école, tout le monde avait une peur terrible de faire ce qu’on appelle un « carreau », c’est-à-dire de créoliser. Ce qui fait que j’avais beaucoup de problèmes à m’exprimer oralement en français mais je compensais cela par une écriture très appliquée en langue française. A tel point que mes professeurs étaient toujours surpris de voir le décalage entre ce que j’écrivais et ce que je pouvais dire oralement. 
Patrick Chamoiseau, dans L’écrivain francophone à la croisée des langues, 2009

Dans le monde francophone, le rapport entre la langue écrite et la langue orale est souvent complexe et multiple. La langue orale peut parfois servir la transmission des histoires ou des contes à l’instar de ce que font les griots dans l’ouest du continent africain ou, comme l’explique Patrick Chamoiseau en incise, la langue écrite peut parfois devenir le vecteur de transmission d’une langue orale rendue problématique par son hybridité.
Ces liens inextricables trouvent dans le théâtre contemporain francophone des résonances que ce séminaire a explorées.

Non conférence d’ouverture par Hassane Kassi Kouyaté

Au cours de cette causerie, le nouveau directeur des Francophonies - Des écritures à la scène, a évoqué le pouvoir de dire et de comment dire.

Hassane Kassi Kouyaté - théâtre-contemporain.net
Le directeur des francophonies de Limoges - Oct. 2019 - Vidéo

Éclairages artistiques

Étranges étrangers de Jean-Claude Berutti

Dans cette comédie israélienne écrite par Joshua Sobol, les trois personnages se trouvent dans la nécessité de devoir "baragouiner" plusieurs langues pour communiquer : l’hébreu parlé par un malade d’Alhzeimer israëlien, l’hébreu parlé par une roumaine émigrée et l’hébreu parlé par un érythréen clandestin. Et ces baragouinages ont aussi été au coeur du projet artistique : comment les transcrire en français et les mettre dans la bouche de trois comédiens francophones (un Allemand, une Belge wallonne, un Togolais) à l’accent singulier ?

Jean-Claude Berruti - theatre-contemporain.net
Jean-Claude Berruti - Oct.2019 - Vidéo

Maloya, de Sergio Grondin, David Gauchard et Kwalud

Je me souviendrais longtemps de la première phrase que j’ai dite à mon fils à sa naissance, et ce pour une seule raison, cette phrase était en français. Si je n’en ai pris conscience qu’une fois sorti de la maternité, cette phrase est vite devenue pour moi comme une obsession. Pourquoi était-elle en français et non dans ma langue maternelle le créole ?

La langue créole est parlée par près de 98% de la population réunionnaise, si elle est l’objet de multiples débats linguistiques et identitaires (comme toutes les langues dites minoritaires), elle est avant tout une langue vivante, et constitue aujourd’hui un des ferments de l’identité créole.

Cette identité insulaire, sa particularité, son universalisme ont toujours occupé une place prépondérante dans mon travail d’auteur. Je n’ai eu de cesse ces dernières années de l’interroger, de l’affirmer, convaincu qu’elle était le socle indéboulonnable de ce qui me constitue en tant qu’homme, mais également en tant qu’artiste. Plutôt que d’être angoissé par l’exiguïté des 2512 km2 de mon île, j’y ai toujours vu un immense territoire artistique à explorer.

Si comme disait Confiant le monde est créole, mais il ne le sait pas, je pourrais rajouter : la langue créole est son Espéranto même s’il ne le parle pas encore.

Pourquoi alors est-ce que j’étais incapable de parler dans ma langue maternelle à mon fils ?

Sergio Grondin, extrait de la note d’intention du spectacle
Leu Tempo 2018 : Maloya - 10/05/2018

Présentation de deux ateliers parmi ceux proposés

Approche active du spectacle Étranges étrangers, atelier animé par les CEMEA du Limousin

  • Des activités pour fédérer le groupe
    • Les participants sont invités à former un cercle en se plaçant dans l’ordre alphabétique de leur prénom. Le cercle formé, chacun se présente en partant de la lettre A ; même activité mais en se plaçant chronologiquement selon le jour et le mois de naissance puis en fonction de son activité favorite.
    • Déambulation dans l’espace : au signal chacun s’arrête et se présente à la personne en face d’elle et dit ce qui motive sa présence à ce séminaire ; même exercice destiné à partager son dernier coup de coeur théâtral.
    • Les quatre points cardinaux : Limoges est matérialisée au sol ; chacun se place, du nord au sud, d’ouest en est selon d’où il vient puis, la carte réalisée, prononce le nom de sa ville et de son département de résidence ; mêmes exercices mais en se plaçant selon un lieu où l’on s’est senti parfaitement à sa place ; ensuite à l’inverse, selon un lieu où l’on s’est senti étranger.
  • Des activités pour faire surgir et partager des attentes de spectateurs
    • Sur une feuille de papier, chacun écrit (liste, carte mentale, dessin ...) ce qui lui est étranger ou lui paraît étrange. Le collectif prend connaissance des productions individuelles affichées sur les murs de la salle.
    • Répartis en groupes de trois ou quatre, les participants s’emparent de l’affiche du spectacle. Sur une feuille sont notés, à gauche ce que l’on voit (description objective des éléments), à droite ce que l’on projette. Les écrits placés au sol sont lus et partagés par le collectif.
    • Cercle de chuchotements : des "écoutants" sont assis en cercle sur une chaise, les yeux fermés ; des "chuchoteurs" piochent dans un chapeau une micro-réplique de la pièce et la prononcent à l’oreille de chacun des écoutants en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre ; même exercice, rôles inversés puis échanges sur ce qu’on a ressenti, ce qu’on a compris, ce que l’on projette.
    • Avant d’aller voir le spectacle, chacun note sur une feuille ses attentes de spectateurs, ce qu’il imagine à partir du titre, de l’affiche, des textes chuchotés, des échanges. Cette trace est reprise après la représentation ; elle est annotée (ce que j’ai vu, ce que je n’ai pas vu ; il s’agit d’être le plus objectif possible), affichée et partagée sans jugement.
    • Formation d’un cercle et analyse chorale : à partir de ces traces, co-construction d’une lecture de la représentation.

Lecture chorale au pupitre, atelier animé par Renaud Frugier de la Cie Méthylène

Le Fils de Marine Bachelot Nguyen a servi de support à cette expérience de lecture collective au pupitre. La démarche a été la suivante :

  • Répartition des participants en trois groupes qui reçoivent chacun une partie du texte
  • Lecture à la table de l’extrait transmis puis négociation des coupes à opérer, des parties à conserver, tout le texte ne pouvant être lu
  • Répartition du texte à lire à voix haute et recherche au plateau des partis pris d’adresse, de rythme, de tonalité et d’un dispositif permettant de constituer des choeurs reprenant à l’unisson ou de façon décalée des mots ou groupes de mots

Cette même expérience a été conduite avec des lycéens qui ont présenté une lecture de cette pièce lors de la remise du prix Sony Labou Tansi à son autrice le 1er octobre.

Marine Bachelot Nguyen - theatre-contemporain.net
Vidéo

Pour en savoir plus

 Les Francophonies, des écritures à la scène
 Le PREAC sur le réseau Canopé