La question du beau à travers les âges publié le 15/05/2008  - mis à jour le 06/07/2016

Représentation : le rapport au référent en classe de 6ème

Le beau est la question principale que se pose chaque élève dès qu’il présente son travail à l’enseignant : « Est-ce que c’est beau ? », les autres élèves de la classe n’hésitent pas à donner leur opinion…

Le beau est au cœur des questionnements artistiques et traverse l’histoire de l’art même si la question du beau n’apparaît pas de façon explicite dans le programme. Ainsi le canon de beauté évolue suivant les époques et les modes. Alors n’est-il pas indispensable de faire réfléchir les élèves sur la notion de « beau » et de leur faire comprendre que la subjectivité est inhérente au beau ou au laid ?

« La question de la ressemblance, préoccupation des élèves de cet âge, est l’occasion de faire prendre conscience des rapports et des écarts inévitables entre référent et représentation plastique, ainsi que de la valeur expressive de ces écarts. La pluralité de modes de représentations abordée en cours d’année permet d’éviter l’adhésion à un seul d’entre eux. (…) » Programme de 6ème

La séquence (deux séances)

Objectif

Comprendre que les composants plastiques participent de la représentation et de sa réception subjective.

Compétences

 Compétence artistique :
interroger le rapport qu’entretient sa production avec le référent et avoir une approche sensible de la réalité.
 Compétence méthodologique :
identifier un problème et mettre au point une démarche de résolution durant le temps de pratique.

Le dispositif

  • Demande : un monstre monstrueux…mais beau !
  • Support : feuille 24 x 32 cm
  • Technique : crayons de couleurs et/ou feutres
  • Temps : 30 minutes
  • Condition de travail : individuel

La demande (ou incitation) permet à l’élève, d’emblée, avant même de commencer à produire, de s’interroger : pour lui « monstrueux » fait référence à son imaginaire (à ses cauchemars) ou aux personnages monstrueux des dessins animés, des films de science-fiction… C’est d’abord ce à quoi l’élève s’intéresse, puis tout en dessinant, il s’interroge (ou l’enseignant le lui rappelle !) sur le « …mais beau ! ».
La combinaison des deux mots monstrueux et beau oblige l’élève à faire des choix plastiques (de formes, de couleurs…) qui justifient l’un ou l’autre des deux adjectifs.

Quelques productions

monstres pour site

Verbalisation

Compétences spécifiques évaluées lors de cette verbalisation

  • Compétence artistique : interroger le rapport qu’entretient sa production avec le référent et avoir une approche sensible de la réalité.
  • Compétence méthodologique : identifier un problème et mettre au point une démarche de résolution durant le temps de pratique.

Une attention est portée tout au long de l’année, lors de chaque verbalisation, aux compétences suivantes

  • Compétence méthodologique : s’exprimer à l’oral ou à l’écrit
  • Compétence comportementale : cultiver une attitude de curiosité ; manifester de l’intérêt.
  • Compétence culturelle : savoir décrire la nature d’une reproduction d’oeuvre d’art, de sa production ou de celles de ses camarades en maîtrisant le vocabulaire spécifique.

 Ceci permet une évaluation formative, et même parfois une évaluation notée.

Extrait de la verbalisation

— Professeur : que peut-on dire de ces monstres monstrueux…mais beau ?
— Paul : ils sont vraiment moches !
— Caroline : non, pas si moches que ça !
— Paul : ils ont des drôles de têtes quand même.
— P : seulement la tête ?
— Paul : non, les formes sont bizarres.
— Alexis : elles ne sont pas habituelles. il y en a un qui a la tête écrasée et plusieurs bras, c’est vraiment monstrueux.
— P : tu parles du travail de Claire… Tu dis qu’il est monstrueux grâce aux formes, mais est-il beau ?
— Alexis : non, c’est pas possible d’être les deux à la fois : monstrueux et beau, c’est le contraire !
— Marine : si, celui de Clémence, il est vraiment monstrueux, mais il quand même beau !
— P : pourquoi ?
— Marine : c’est monstrueux parce que les formes ne ressemblent à rien de vrai mais les couleurs sont belles et j’aime bien ses yeux.
— P : tu dis donc, comme Alexis que les formes sont monstrueuses mais que les couleurs apportent de la beauté ?
— Caroline : oui, les couleurs sont vives.
— P : et c’est beau ?
— Jordan : ça dépend, si on aime ou pas…
— P : comment ça ?
— Jordan : elle a le droit de trouver ça beau, et quelqu’un d’autre trouvera que c’est moche !
— P : tu as raison, le beau, le monstrueux sont liés au ressenti de chacun d’entre nous. Il se peut que Jordan trouve que ce dessin est beau et que moi, je le trouve laid.

On dit que le beau ou le laid sont subjectifs (mot écrit au tableau en même temps qu’il est dit), c’est-à-dire lié à chaque sujet, chaque personne.

Les propos des élèves et les interventions du professeur permettent de faire émerger et conscientiser l’importance des formes et des couleurs dans la représentation et sa réception subjective, en cohérence avec l’objectif de la séance.


Articulation avec le champ artistique et l’histoire de l’art

Vous aviez une recherche à faire pour aujourd’hui (titre, artiste, date étaient donnés, il fallait photocopier ou imprimer l’image de l’œuvre et présenter son travail sur feuille).

Les oeuvres séquence beau
  • Vénus de Willendorf (- 25000) Musée d’histoire naturelle, Vienne, Autriche.
  • Le Parmesan, La Madone au long cou, 1534, huile sur bois. Florence, Offices.
  • Renoir, Baigneuse assise, Peinture à l’huile sur toile, 1914, Bridgestone Museum of Art.
  • Un dessin de mode ou un mannequin d’aujourd’hui

— Ces œuvres ont un rapport avec le travail d’aujourd’hui. Voyez-vous pourquoi ?
— …
— Que représentent-elles ?
— Paul : que des femmes
— P : oui. Et alors ?...
— Caroline : elles sont toutes différentes. Il y en a des belles et des moches.
— P : et à quelles époques ont-elles été réalisées ?
— Alexis : la première, à l’antiquité…et les autres… plus tard…
— P : oui, La Vénus de Willendorf a été réalisé durant la préhistoire, La Madone au long cou, a été peinte durant La Renaissance Italienne, la Baigneuse, il y a un siècle environ et le mannequin est contemporain, d’aujourd’hui. (Une frise chronologique est accrochée au mur et l’enseignant montre aux élèves les différentes périodes).
Pourquoi sont-elles si différentes ?
— Caroline : parce que les femmes n’étaient pas les mêmes : il y en a des grosses, des maigres…
— P : oui, mais si ces quatre femmes ont été représentées pour leur beauté…
— Alexis : oh ! Ils avaient de drôles de goûts les hommes préhistoriques !
— P : et bien, à l’époque, une femme belle est une femme qui donne la vie, qui a un ventre arrondi : la mortalité était très forte et donner la vie était sacré. C’est donc les conditions de vie difficiles qui influencent ce qu’on trouve beau ou pas.
A la Renaissance, pour représenter le corps humain, on préfère les formes allongées, étirées : cette forme de représentation s’appelle le maniérisme (mot écrit au tableau) : regardez comment le cou de la vierge est excessivement allongé, le bébé très grand… Une femme comme ça n’a pas pu exister !
Renoir, quand à lui, nous montre une femme charnue comme le veut la mode du début du XXe siècle, et aujourd’hui, la femme idéale est grande et maigre.
On dit que les canons de la beauté (mot écrit au tableau), c’est-à-dire les proportions du corps humain, évoluent suivant les époques et se retrouvent dans les œuvres d’art à travers l’histoire de l’art.

En guise de conclusion

Cet objectif de réflexion étant atteint, l’enseignant veut que les élèves s’interrogent à présent sur le beau en tant que critère d’évaluation de leurs productions en leur posant une dernière question :

— Alors est-ce vous croyez que je peux noter vos dessins en regardant s’ils sont beaux ? Je mettrai 18/20 au plus beau… et 0 au moins beau !
— Les élèves : « Non !... »

Nathalie Blanchard - Mai 2008