Les peintres de Zola publié le 10/12/2012

Un projet d’histoire des arts en Quatrième :

Les peintres de Zola

Disciplines conviées : Histoire, français, sciences
Références au programme du collège : le XIXème siècle.
Domaine : « Les arts du visuel »
Thématique : « Arts, créations, cultures »

Objectifs :

  • Identifier ce qu’une œuvre d’art apporte à la connaissance d’une époque ;
  • Saisir le phénomène sociétal de l’alcoolisme ;
  • Montrer combien la littérature et la peinture peuvent s’influencer réciproquement ;
  • Connaitre Zola non seulement comme représentant du naturalisme, mais aussi comme critique d’art et ami des peintres ;
  • Comprendre la difficulté des peintres d’exposer leurs œuvres.

Démarche :

 Le dialogue des arts est illustré par le biais d’Émile Zola, d’Édouard Manet et de d’Edgar Degas dans leurs illustrations de « l’Assommoir ».
 Le résumé de l’Assommoir est obtenu à partir de la lecture d’une affiche de théâtre.
 La lecture de passages du texte permet la confrontation avec la représentation picturale.

Introduction : activité de mobilisation des connaissances

Piste en histoire et en lettres
Contexte historique  : situer chronologiquement le 2ème empire et décrire le règne de Napoléon III.
Contexte littéraire : citer les grands auteurs du XIXème siècle.
Contexte pictural : évoquer le courant réaliste.

I. Émile Zola, auteur pluriel

A. Lettres / Biographie de Zola

Consignes : relever dans la biographie de Zola ses aptitudes à observer son temps.
Sa curiosité scientifique, son goût pour l’observation psychologique, physiologique et sociologique, la critique d’art, le journalisme, le théâtre…

B. Zola, figure de proue du naturalisme

1. Définir ce courant
Dans le cycle des Rougon-Macquart, Zola observe et expérimente l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire. C’est une généalogie sur plusieurs années qui décrit parfaitement la bourgeoisie et la classe ouvrière car les Rougon et les Macquart sont tour à tour soit bourgeois, soit ouvriers selon les contextes et les époques. Les 20 romans paraissent l’un après l’autre de 1871 à 1893 ; ils seront même publiés en feuilletons.
Voir le naturalisme

2. Français/Sciences. Aborder les théories de Darwin et Taine en vogue à l’époque de Zola.
Selon Zola l’homme est déterminé par son milieu et par les lois de l’hérédité
Commentez la citation :

"Je ne veux pas peindre une société contemporaine, mais une seule famille, en montrant le jeu de la race modifiée par les milieux." Émile Zola

3. Dire en quoi la démarche de Zola est différente de celle de Balzac.
Dans La Comédie Humaine de Balzac, on retrouve les mêmes personnages dans différents romans comme dans une grande « saga », alors que Zola élabore un véritable arbre généalogique où il peut exploiter les théories scientifiques sur l’hérédité et montrer à quel point celle-ci influe sur la formation du caractère.


C. Zola et les peintres. Le pouvoir de la critique.

1. Zola et Manet : un échange de bons procédés
Zola jeune critique d’art défend Manet, ce peintre qui a marqué la rupture entre peinture académique et peinture de la modernité en 1863 au Salon des Refusés (voir plus loin) avec son « Déjeuner sur l’herbe » puis en 1865 avec « Olympia », suscitant l’une des polémiques les plus violentes de l’histoire de l’art du XIXème siècle. _ Pour le remercier, Manet fait son portrait. Leur amitié se confirmera dans le temps.
Zola à Manet :

"Puisque les sots ont mis nos mains l’une dans l’autre, que nos mains restent unies à jamais. La foule a voulu mon amitié pour vous ; cette amitié est aujourd’hui entière et durable..."

Voir une eau-forte représentant Manet

Portrait d'Émile Zola

Portrait d’Émile Zola
Auteur : Edouard Manet (1832-1883)
Chronologie : 1868
Dimensions : 146 x 114 cm
Technique : huile sur toile
Lieu de conservation :
Musée d’Orsay. Paris
Source Wikipédia

Manet représente Zola, assis à sa table de travail, dans un environnement rappelant son goût pour l’art japonais, très en vogue à cette époque (paravent et estampe) ainsi que ses activités d’écrivain et critique d’art : livres, encrier, plume. La reproduction d’Olympia, que Zola a défendue avec ferveur face à la critique, ainsi que la brochure consacrée à Manet, sont des clins d’œil à l’amitié entre peintre et écrivain.

Voir deux fiches descriptives de ce tableau sur :
 le site l’histoire par l’image.

 le site du musée d’Orsay

2. Zola, Degas et la question des Salons
Zola avait connu Degas au café Guerbois. Il appréciait surtout chez lui les aquarelles. Par le biais de la critique d’art, il nous fait comprendre la difficulté pour les peintres d’exposer leurs œuvres.

Dans Le Naturalisme au Salon en 1880, Zola revient enfin sur les raisons pour lesquelles Degas a choisi de participer aux expositions indépendantes du Salon officiel :
[Degas fait partie des artistes qui] étaient bien reçus chaque année, mais [qui] se sentaient si peu regardés, qu’ils voulaient être chez eux pour s’accrocher eux-mêmes en belle place et triompher tout seuls. [...] En somme, M. Degas seul a tiré un véritable profit des expositions particulières des impressionnistes ; et il faut en chercher la raison dans le talent même de ce peintre. M. Degas n’a jamais été un persécuté, aux Salons officiels. On le recevait, on le mettait relativement en belle place. Seulement, comme il est de tempérament artistique délicat, comme il ne s’impose point par une grande puissance, la foule passait devant ses tableaux sans les voir. De là une irritation fort légitime chez l’artiste, qui a compris combien il bénéficierait des avantages d’une petite chapelle où ses œuvres si fouillées et si fines pourraient être vues et étudiées à part. En effet, dès qu’il n’a plus été perdu dans la cohue du Salon, tout le monde l’a connu ; un cercle d’admirateurs fervents s’est formé autour de lui. Ajoutez que les œuvres un peu bâclées des autres impressionnistes faisaient ressortir le fini précieux des siennes. Puis, il pouvait exposer des esquisses, des bouts d’étude, de simples traits où il excelle, et qu’on ne lui aurait pas reçus au Salon. Aussi M. Degas a-t-il raison de s’en tenir aux expositions des impressionnistes et de ne pas rentrer dans ce grand bazar du palais de l’Industrie, dont le tohu-bohu ne lui vaut rien. [...]"

Dire ce qu’est le Salon ? Pourquoi Zola parle t-il du Palais de l’Industrie ?
« Le Salon de Peinture et de Sculpture » ou « Salon » est la manifestation artistique qui, dès le XVIIIe s. expose à Paris les œuvres des artistes agréés par le jury de l’Académie des Beaux-arts. À l’époque, le Salon est la seule façon pour un artiste de se faire connaître et d’acquérir une reconnaissance officielle, unique moyen d’obtenir des commandes publiques et une clientèle. En 1863, le jury refusa plus de 3 000 œuvres sur les 5 000 envoyées. Les vives contestations qui s’ensuivirent portèrent l’empereur Napoléon III à organiser un « Salon des Refusés ». L’exposition se tint donc dans le Palais de l’Industrie et permit à certains artistes, comme Manet, de devenir célèbres. 1884 vit la création du « Salon des Artistes Indépendants » où les artistes purent enfin présenter leurs œuvres librement, sans qu’elles soient soumises à l’appréciation d’un jury. Les Impressionnistes organisaient quant à eux leurs expositions dans des ateliers, en particulier dans l’atelier du photographe Nadar leur ami.

3. Zola et Cézanne
Effectuer une recherche sur l’épisode qui a brouillé Zola et Cézanne, tous deux originaires d’Aix en Provence.

Nous voyons donc combien le jury, mais aussi la critique d’art sont déterminants dans la destinée des artistes.


II - Littérature et peinture dialoguent sur le thème naturaliste

A. La relation texte /image

Degas « L’Absinthe »
Degas « Les Repasseuses »
Manet « Nana »

« L’Assommoir » parait en 1877 et Zola déclare s’être inspiré du tableau de Degas d’abord intitulé « Dans un Café », puis « L’absinthe ».
« Les Repasseuses » répondent à l’intérêt porté par Degas au travail des femmes et à la condition sociale du peuple parisien bien observée par Zola dans le personnage de Gervaise.
Manet imagine le personnage de Nana, fille de Gervaise et de Coupeau décrit dans l’Assommoir. Zola consacrera par la suite tout un roman au personnage de « Nana ».
Les disciplines se répondent car le temps est à l’observation de la réalité.

B. Lecture de l’image autour de « l’assommoir »

« L’Assommoir” : c’est à la suite de sa parution en 1877 que la critique annonce la naissance d’une école « naturaliste ». Le roman a pour titre le nom d’un cabaret populaire, doté d’un alambic. Zola y aborde, à travers le couple Gervaise, la blanchisseuse et Coupeau, l’ouvrier zingueur, le problème de l’alcoolisme. Son langage cru scandalise d’aucuns, mais n’empêche pas le roman de connaitre un très grand succès. Il parait sous forme de feuilletons et est mis en scène au théâtre.

1. En guise de résumé, lecture d’une affiche
Affiche d’une tournée théâtrale de L’Assommoir drame en cinq actes et huit tableaux de William Busnach et Octave Gastineau.- Paris : Charpentier, 1881 suivie de la préface de Zola.

Consignes possibles :

Reconnaissez-vous des épisodes du roman dans ces vignettes ? (Assommoir, lavoir, chute de Coupeau…).
Reconstituez d’après ces illustrations un résumé de « L’Assommoir » en vous aidant de la préface de Zola :

Voir la préface qu’Émile Zola a donnée :
Texte établi sur un exemplaire (coll. part.) de l’édition de la Typographie Bernouard, Paris 1927-1929, des œuvres complètes de Zola, volume 50 : Mélanges, préfaces et discours.

« Je suis bien à l’aise pour parler de L’Assommoir, le drame que MM. Busnach et Gastineau ont tiré de mon roman ; car je ne les ai autorisés à faire cette adaptation qu’à la condition absolue de n’avoir à m’occuper en rien de la pièce. Elle m’est donc étrangère, je puis la juger avec une entière liberté d’appréciation. »….

 

« Premier tableau : L’HOTEL BONCOEUR. - Gervaise, après une nuit d’insomnie, attend Lantier qui n’est pas rentré. Quand il rentre, c’est pour faire sa malle et pour abandonner la malheureuse fille. Je signerais volontiers ce tableau-là. Je le trouve d’une vérité poignante, d’une vie intense et hardie. Et quelle simplicité ! Pas une convention. Le drame de l’existence lui-même. Aussi la salle, le premier soir, a-t-elle été prise par ce début si carré et si humain. Cela est du très bon naturalisme. Je n’en demande pas davantage, et je serais bien glorieux si j’écrivais un jour cinq actes dans cette formule-là. » Zola (voir la suite de la pièce de théâtre)


2. Lecture du tableau de Degas “Dans un café”, dit aussi “L’Absinthe”

Dans un café ou l'absinthe de Degas

Auteur : Edgar Degas (1834-1917)
Titre “Dans un café”, dit aussi “L’Absinthe”
Chronologie : 1873
Technique : Huile sur toile
Dimensions : 92 x 68 cm
Lieu de conservation : Musée d’Orsay. Paris.
Source Wikipédia

Description :
Un homme et une femme sont assis à la même table d’un café, pourtant ils ne communiquent pas. L’homme est tourné vers l’extérieur, chapeau en arrière, pipe à la bouche, il a l’air accablé. La femme a un regard noir et triste qui finit dans le vide. Elle est voutée, les épaules tombantes, les pieds écartés. Elle arbore des éléments de féminité : rubans, boucles d’oreille. Sa misère est plus psychologique que matérielle. Devant elle plusieurs récipients, mais sur le marbre, c’est un verre au contenant verdâtre qui focalise l’attention du spectateur.

Analyse
Degas utilise pour la femme la même palette que pour le café, comme s’il y avait une fusion entre eux. La silhouette noire et corpulente de l’homme crée un contraste. La zone de contact entre eux est constituée par l’ombre de la tête de ce dernier dans le miroir situé derrière eux.
Le peintre construit son tableau selon des parallèles : tables, banquettes, des diagonales et des droites qui compartimentent le miroir, renforçant l’idée d’isolement et de solitude.
Le tableau ressemble à une photo mal cadrée. Les personnages sont nettement sur la droite. L’homme sort du cadre. Le peintre consacre sciemment un vaste espace désert à la table et à la bouteille, renforçant ainsi l’idée de solitude et d’isolement.
Il signe son tableau sur la table de gauche.

Interprétation
Toute la thématique (d’où le second titre du tableau) se trouve dans ce verre contenant un alcool verdâtre très fort à base de menthe et d’anis, qui sera d’ailleurs interdit, car nocif : l’absinthe. Selon les théories scientifiques, la « fée verte » mène à l’aliénation mentale et provoque une dégénérescence transmissible génétiquement.
Très largement consommé par toute la société, cet alcool provoque donc les résultats que nous pouvons constater : un accablement psychologique, une misère mentale.
Degas en fait donc le sujet d’un tableau qu’il montre à la deuxième exposition impressionniste en 1876. Rien à voir avec les guinguettes de Renoir ou les cabarets de Toulouse-Lautrec.
Information générale
Peintre, graveur et sculpteur du XIXème s, on sait la passion de Degas pour la photographie. Il nous fait croire ici à un instantané photographique alors qu’il fait poser longuement deux amis (l’actrice Ellen Andrée et le graveur Marcellin Desboutin – en précisant qu’ils ne sont point alcooliques).
Contrairement aux Impressionnistes avec qui il expose, il peint en atelier. Ses lieux de prédilection outre les champs de course sont les salles de spectacle, les lieux de loisir et de plaisir. Ici, nous sommes dans un lieu bien réel : le café « La Nouvelle Athènes » place Pigalle, lieu de réunion des artistes modernes, foyer de la « bohème ».
Zola, quelques années plus tard s’inspire de ce tableau pour la rédaction de « L’Assommoir » et déclare à Degas « J’ai tout bonnement décrit, en plus d’un endroit dans mes pages, quelques uns de vos tableaux »
Le tableau est conservé au musée d’Orsay.

Que nous enseigne ce tableau sur son époque ?
Ce tableau photographie le problème sociétal de l’alcoolisme. Il permet de parler de Zola, son œuvre, « L’Assommoir », du naturalisme. Il permet de parler du réalisme, de l’impressionnisme, de l’art de la photographie : des arts contemporains rassemblés dans un même extraordinaire musée à Paris : le musée d’Orsay, qui rassemble tous les arts du XIXème. siècle (1848-1914).
Le tableau permet de parler de la condition sociale des classes ouvrières et de passer, toujours dans le contexte de l’Assommoir » à l’observation d’autres tableaux comme « Les Repasseuses » de Degas ou « Nana » de Manet, renforçant ultérieurement le concept de dialogue des arts.

Voir aussi la présentation de ce tableau sur :

 le site du musée d’Orsay

 le site des éditions Bordas

 le site de l’histoire par l’image