Exposition Faits alternatifs au FRAC Poitou-Charentes, à Angoulême publié le 07/06/2017

Du 9 juin au 3 septembre 2017, collections FRAC Poitou-Charentes, FRAC Aquitaine, FRAC-Artothèque du Limousin

Visuel de l'exposition Faits alternatifs FRAC poitou-charentes

visuel : Lahouari Mohammed Bakir, HOMELAND, 2011, collection FRAC Poitou-Charentes

Fayçal Baghriche | Sammy Baloji | Taysir Batniji | Sylvie Blocher | Laurent Chambert | Sépànd Danesh | Anthony Freestone | Maryam Jafri | Katia Kameli | Kapwani Kiwanga | Meiro Koizumi | Natacha Lesueur | Lahouari Mohammed Bakir | Gianni Motti | Éric Tabuchi

Collections FRAC Poitou-Charentes, FRAC Aquitaine, FRAC-Artothèque du Limousin

Alternative facts : subtilisons l’expression de la communicante de la Maison Blanche au lendemain de l’investiture Trump. Les œuvres constitutives de Faits alternatifs incisent de subjectivités le corps supposément objectif de l’Histoire relationnelle des peuples. L’Histoire s’écrit, s’enseigne et s’apprend. L’Histoire est, aussi, une construction largement à la solde des puissants du moment.

Les œuvres d’art peuvent, face à l’Histoire comme elles le peuvent face à toute prétendue réalité constitutive de nos systèmes générateurs de hautaine insouciance, faire vaciller nos schémas de certitudes, éclairer nos sombres ignorances, stimuler des pensées contradictoires et décentrées, nous mettre à l’ouvrage, dégager des perspectives émancipées.

Fayçal Baghriche questionne la cohabitation inter-religieuse sur fond post-colonial en s’intéressant à la mutilation d’un monument catholique à Alger. Katia Kameli montre la prégnance de l’imagerie coloniale dans la culture historienne des Algérois. Maryam Jafri révèle les hiatus entre images et légendes de documents semblables relatifs aux indépendances africaines appartenant à un fonds public ou à une agence privé. Sylvie Blocher aménage une équité ethnique dans la narration du siège de Fort Alamo en 1836. Anthony Freestone établit une conjugaison atemporelle de la mythologie et de l’Histoire comme grille de lecture psychologique des relations internationales. Par un portail ambigu, Éric Tabuchi évoque le galvaudage des utopies. Lahouari Mohammed Bakir formalise les espoirs migratoires mis à mal. Sépànd Danesh fait du traumatisme de son déracinement le ressort de sa démarche picturale. Kapwani Kiwanga remet au temps long de la subduction des plaques continentales le rapprochement de l’Europe et de l’Afrique que le projet d’Afrotunnel n’aura pas accéléré. Meiro Koizumi nous immerge dans les profondeurs du témoignage d’un survivant des bombardements américains du Japon en 1944-45. Taysir Batniji scande par ses photographies clandestines le sort fait aux gens en transit par Rafah entre Gaza et l’Egypte. Sammy Baloji rappelle que l’exploitation coloniale des ressources premières africaines et des ressources humaines africaines vont de paire. Natacha Lesueur dévoile l’artificialité de la belle Carmen Miranda, créature hollywoodienne de l’impérialisme culturel des Etats-Unis d’Amérique. À travers un quotidien du soir et un du matin Laurent Chambert opère une saisissante traduction de la secousse civilisationnelle du 11 septembre 2001. Gianni Motti offre un monument glaçant aux victimes de la baie de Guantanamo dénonçant ce faisant l’illégalité d’une initiative nationale sécuritaire unilatérale.

Ainsi, chacune à sa manière et à son endroit, ces œuvres d’art, qu’avec le philosophe Alain Badiou nous devons voir comme des « vérités irréductibles », apportent nuance et contraste à l’Histoire dominante et établissent de véritables « faits alternatifs » aux romans civilisationnels, aux mensonges officiels et à la communication performative.

Alexandre Bohn, avril 2017