BYOD, égalité, fraternité ? publié le 07/05/2015  - mis à jour le 09/02/2024

Un partage de connaissances et d’expériences a eu lieu le 8 avril 2015 lors des Rencontres autour du numérique sur l’usage dans un cadre pédagogique des appareils personnels de communication. De plus en plus d’enseignants estiment en effet souhaitable de pouvoir laisser les élèves utiliser leurs téléphones, smartphones, tablettes ou ordinateurs portables lors de certaines activités en classe ou en sortie pédagogique. En effet l’article L-511-5 du code de l’Éducation, qui indique que les élèves de collège ne doivent pas utiliser leur téléphone en classe, date de 20101. Depuis le matériel a évolué et s’est répandu. Mais l’Éducation Nationale souhaiterait réduire l’écart entre les élèves issus d’un milieu socio-culturel favorisé et les autres : est-ce possible dans ce contexte ? Si oui comment s’y prendre ? Les pistes et réflexions de trois témoins et de chercheurs.

Tout le monde y gagne

Sybille Deruelle, professeur de sciences physiques remplaçante a utilisé Twitter avec des classes de 3ème au collège de la Rochefoucauld, pour varier les modalités d’apprentissage. Les élèves ont - dans le cadre d’un projet - utilisé les ordinateurs de l’établissement ou leurs smartphones, selon leurs possibilités. Ils ont apprécié cette manière de travailler les sciences expérimentales et de pratiquer l’investigation tout en s’initiant à de nouveaux outils de communication. Ils ont respecté les règles prévues pour cette activité, définies par l’enseignante en s’appuyant sur l’expérience d’une professeure de lycée professionnel (voir ci-dessous). Ils savaient en effet que tout débordement mettrait fin à ce scénario pédagogique.
Cette enseignante ne pense pas que certains élèves soient défavorisés par rapport à leurs camarades avec ce type de pratique, s’il s’agit d’activités collaboratives, au cours desquelles les savoirs sont partagés. Les applications et appareils utilisés peuvent alors tout naturellement faire l’objet de discussions permettant d’accompagner l’éducation de tous à un usage raisonné des nouvelles technologies (incluant prudence, respect mutuel, sens critique face aux sollicitations commerciales, partage, sens de la responsabilité éditoriale).

Charte twittclasse collège (Word de 13.6 ko)

Adaptation par Sybille Deruelle de la charte utilisée par Laurence Juin en lycée professionnel

Équipés, mais pas si habiles qu’on le pense

lycéenne en classe d’anglais

Pauline Mazereau, professeure d’anglais au lycée de la Venise Verte, constatant que les élèves ont tous dans leur poche un appareil permettant l’enregistrement de la voix, les laisse depuis plusieurs années utiliser ce matériel personnel pour montrer leurs progrès en expression orale. Ceux qui ne bénéficient pas d’une connexion privée envoient leur enregistrement après le cours en utilisant un accès wi-fi, ou connectent leur enregistreur à un ordinateur de la salle de classe via un câble USB à l’issue du travail. L’expérience lui a prouvé que si les élèves sont bien équipés, certains ne savent pas comment utiliser leur appareil personnel pour s’enregistrer. Ils peuvent s’ils le souhaitent avoir recours à un des lecteurs MP3 mis à disposition par l’établissement.
A l’occasion des "journées numériques" organisées par son lycée, un "permis smartphone" a été proposé, pour développer de manière ludique les savoir-faire.

Évaluation orale en classe (durée 02:56) (MPEG4 de 3.5 Mo)

Usage de terminaux personnels en lycée.

Des règles définies ensemble et un climat de confiance installé

Delphine Roux-Bellicaud, professeure de lettres-histoire au lycée professionnel Marc Godrie, permet aux élèves d’utiliser leur propre matériel pour des activités innovantes. La séance hebdomadaire d’enseignement général lié à la spécialité, d’une durée d’une heure, se décompose désormais ainsi :
 10 min : lancement de séance, objectifs du jour, enrôlement et constitution des groupes de travail.
 30 min : recherches et rédactions par groupe de travail sur les appareils personnels, en utilisant l’application de rédaction de son choix.
 10 min : débriefing en groupe classe (qu’avons-nous appris aujourd’hui ?).
 10 min : alimentation d’une page bilan partagée, les élèves écrivent, mettent des photos ou des liens Internet (étape souvent finalisée chez eux).

Le gain de temps est important car le matériel est disponible immédiatement, en état de fonctionner et les élèves ne perdent pas de temps à chercher les fonctionnalités. Une connexion wi-fi est mise en place dans la classe, accessible par mot de passe. Les élèves ne sont jamais obligés d’utiliser leur matériel personnel. Le travail se faisant en groupes, un seul terminal est nécessaire pour 3 ou 4 élèves. Elle constate que le prêt de matériel entre personnes reste limité à quelques usages : les terminaux mobiles sont actuellement des objets très personnels, qui permettent l’accès à des informations que chacun peut vouloir garder privées.
Cette action a été mise en place avec l’accord du conseil d’administration, et les règles de fonctionnement ont été définies avec les élèves. Les sanctions en cas de manquement ont été annoncées. Mais jusqu’à présent l’envie de prolonger l’expérience amène chacun à rester dans les pratiques permises, ou en tous cas acceptables par le reste du groupe et de l’enseignante.

Charte d'utilisation du matériel personnel en classe (PDF de 945.7 ko)

Elaborée avec les élèves, lycée Marc Godrie

Présentation du projet au conseil d'administration (PDF de 169.7 ko)

Lycée professionnel Marc Godrie

A chacun ses technologies

Bruno Devauchelle, enseignant chercheur en sciences de l’éducation, pour sa part développe sur son blog "Veille et analyse TICE" l’opinion qu’il est préférable de laisser les élèves utiliser leurs équipements quand c’est utile, de manière naturelle, plutôt que de transformer les appareils personnels en objets scolaires. Rendre possible la construction et l’utilisation d’un environnement personnel d’apprentissage, mobilisable dans et en-dehors de la classe, est une des pistes pour que chacun puisse faire des choix technologiques pertinents, en fonction de ses moyens.

Pour poursuivre la réflexion

 Le BYOD : entre perspectives et réalités pédagogiques, un dossier sur le sujet paru en mars 2015 sur le site Infobourg

 Qu’en dit la recherche ? "Le BYOD pour quel projet pédagogique ?" une synthèse sur le site de l’Agence Nationale des Usages des TICE, parue en janvier 2015.

 L’environnement personnel techno-cognitif chez les jeunes, c’est quoi ? article sur LudomagTV, mars 2015.

 Une autorisation doit être demandée au rectorat via le CARDIE (ce.cardie@ac-poitiers.fr) pour qu’un collège puisse intégrer l’expérimentation du BYOD au projet d’établissement, en vertu de l’article L401.1 du Code de l’éducation.

(1) Les expériences évoquées ici ont eu lieu au titre de l’innovation (art.34) avec l’autorisation du chef d’établissement et du DAN