Bruno Courtet
Bruno Courtet ©Blanche Courtet
Bonjour Bruno Courtet,
Vous êtes le fondateur et le directeur éditorial des éditions Le Muscadier, quel est votre parcours ?
Mon parcours n’est pas spécialement classique. Après mon baccalauréat, j’ai en effet d’abord suivi un cursus d’ingénieur pendant cinq ans, avant de me tourner vers les métiers du livre – qui correspondaient davantage à mes aspirations personnelles.
Cette double compétence, scientifique et éditoriale, m’a permis d’intégrer directement les éditions Dunod – éditeur de livres scientifiques et techniques (entre autres) – où je suis resté pendant huit ans. C’est chez cet éditeur universitaire que j’ai fait mes armes, d’abord en tant qu’assistant, puis en tant qu’éditeur responsable de collections. En 2005, j’ai quitté Dunod et j’ai fondé une première maison d’édition, qui publiait principalement des ouvrages destinés aux étudiants de médecine. Puis, en 2011, j’ai vendu mes parts de cette société pour créer Le Muscadier, dont la ligne éditoriale était clairement plus littéraire et plus engagée.
Une petite anecdote liée à l’actualité : lors de ma formation aux métiers du livre, à Nanterre, en 1995-96, j’ai eu la chance d’avoir, parmi mes professeurs, Hervé Le Tellier, le tout récent lauréat du prix Goncourt. C’était, à l’époque déjà, quelqu’un de très intéressant et qui fourmillait d’idées.
Qu’est-ce qui vous a amené au choix du nom "Le Muscadier" ?
Le choix d’un arbre pour le nom de notre maison n’est pas innocent. Un arbre, c’est d’abord une graine que l’on plante dans une terre fertile et qui pousse, croît, se déploie. Cette symbolique évoque tout naturellement notre volonté de semer dans l’esprit de nos lecteurs de petites graines (nos publications) qui les feront grandir. Notre choix s’est porté sur le muscadier car son fruit est une épice aux saveurs très caractéristiques, et nous aimons l’idée que nos livres vont pimenter la vie de leurs lecteurs.
Quelle est la ligne éditoriale des éditions Le Muscadier ?
Le Muscadier publie principalement, à travers sa collection “Rester vivant”, des romans et des recueils de nouvelles qui s’adressent aux ados et aux jeunes adultes. Qu’ils fassent rire aux éclats ou pleurer à chaudes larmes, qu’ils se déroulent dans la frénésie d’une mégapole ou dans la sérénité d’un village de campagne, qu’ils entraînent leurs lecteurs et lectrices dans l’exaltation du cœur ou dans la noirceur de l’âme, nos livres ont tous le même objectif : stimuler le bon sens et titiller la réflexion. Nos auteurs et autrices refusent le prémâché quotidien, le prêt-à-penser et tous les types de formatages. Leurs textes prônent l’ouverture aux autres, aux différences, au vivre-ensemble – tout simplement à l’humain et à son écosystème.
Nous avons également lancé en 2019 la collection “Saison psy“, qui traite de questionnements liés au quotidien des adolescent·e·s (addictions aux écrans, alcoolisme, bipolarité etc.). Chaque livre propose une double approche : sous forme de fiction, d’une part, et sous forme documentaire, d’autre part. Les réponses données au fil des pages permettent d’alléger voire de dissiper le désarroi des lecteurs et des lectrices face à certaines situations compliquées de la vie.
Enfin, nous sommes également partenaire de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), avec qui nous éditons la collection “Choc santé”, qui propose des petits livres de 128 pages faisant le point, dans un style vulgarisé, sur l’état de la recherche en santé publique (dépression, suicide des ados, vaccination, activité physique, autisme, etc.).
Travaillez-vous avec des auteurs de la région ? Sont-ils ouverts aux rencontres avec les scolaires ? Plutôt en collège, en lycée ?
Nous travaillons avec des auteurs et des autrices de toutes les régions – et même de l’étranger (Belgique, Suisse, Canada etc.).
Parmi ces personnes de talent, nous avons la chance de publier la célèbre autrice de polars Claire Gratias, qui habite en Charente Maritime. Avec elle, nous avons publié en 2019 un roman noir extraordinaire, "Je voulais juste être libre", ainsi qu’un recueil de nouvelles qui peut être lu dès 9-10 ans, au titre évocateur : "Marre d’être sage !" (un livre à la fois drôle et intelligent qui est proposé en lecture de classe à des élèves de 6e dans certains collèges de la région). Et puis, nous préparons pour 2021 la parution d’un polar qui s’adresse aux lycéens, avec un suspense insoutenable : "Mortel printemps". Claire se déplace régulièrement dans les établissements de la région, que ce soit en collège ou en lycée – pour elle, aller à la rencontre de ses lecteurs et lectrices (quand la situation sanitaire le permet, évidemment) est un véritable plaisir.
Vous même, intervenez-vous dans les établissements scolaires pour présenter le métier d’éditeur ? Qu’attendez-vous de ces rencontres ?
Il m’arrive de temps en temps d’être sollicité dans des collèges ou des lycées pour présenter le métier d’éditeur. Lors de ma dernière intervention de ce type, organisée par la professeur documentaliste du lycée hôtelier de La Rochelle et l’une de ses collègues de français, il s’agissait de présenter nos collections à des élèves de CAP cuisine. L’intervention s’est faite bien sûr dans le respect le plus strict des gestes barrières, et l’accueil de la part des élèves (une vingtaine de lycéen·nes âgé·es de 16 à 18 ans) a été vraiment très enthousiaste. C’est toujours un plaisir pour moi de constater à quel point les jeunes, tant au collège qu’au lycée, sont attentifs, intéressés voire “exaltés” dès lors qu’on leur propose des lectures qui correspondent à leurs goûts et à leurs préoccupations – et qui ne les prennent pas pour des imbéciles... En l’occurrence, il est vrai que nos romans et recueils de nouvelles, souvent courts (moins de 250 pages) et abordant des sujets de société qui touchent directement les ados (racisme, écologie, handicap, etc.), sont particulièrement bien adaptés à des publics comme les élèves des lycées professionnels, qui peuvent s’avérer parfois un peu rebutés par des ouvrages plus volumineux et plus “classiques”.
Dans quel secteur intervenez-vous ?
Habitant à Cognac, je me déplace principalement sur les deux Charentes, mais je peux, à la demande, étendre un peu plus mon champ d’intervention (à partir du moment où je ne passe pas plus de temps dans les transports que devant les élèves !).
Dans quelle mesure les éditions Le Muscadier participent-elles à la Responsabilité Sociétale des Entreprises ?
D’un point de vue écologique, notre maison est évidemment très attachée à minimiser autant que possible son impact sur l’environnement – c’est d’ailleurs l’une des thématiques que nous abordons régulièrement dans notre collection “Rester vivant”, qui est dirigée par Christophe Léon, un auteur particulièrement impliqué dans la défense de la nature.
Tous nos livres sont imprimés sur des papiers PEFC principalement, composés de fibres naturelles, renouvelables et recyclables, qui adoptent un mode de gestion responsable et durable, respectueux de la biodiversité, des équilibres écologiques et de la stabilité économique des populations locales. Une très grande partie de notre production est également imprimée en France, afin de réduire au maximum notre bilan carbone.
Pour la même raison, nous ne travaillons quasiment qu’en télétravail, ce qui limite les déplacements inutiles et permet de gagner beaucoup de temps.
La fabrication de livres implique de nombreux intervenants, et nous attendons de l’ensemble de nos prestataires qu’ils soient, également de leur côté, aussi respectueux que possible de la RSE. En outre, nous sommes très vigilants à la qualité intrinsèque de l’objet livre que nous fabriquons – ainsi, nous avons récemment arrêté de travailler avec l’un de nos imprimeurs qui utilisait, pour le brochage des livres, une colle qui ne correspondait plus à nos exigences de qualité.