Le Poitou, mémoire et patrimoine d’une Acadie et de migrants transatlantiques publié le 11/07/2007  - mis à jour le 29/03/2012

Des déportations…

Trop longtemps l’historiographie a privilégié les migrations de la France vers la Nouvelle-France en considérant ce phénomène comme définitif. Les études sur les mouvements migratoires montrent aujourd’hui qu’il s’agit souvent d’une étape. Dans certains cas, des migrants, en particulier des acadiens, ont effectué un voyage retour vers la métropole et le Poitou en particulier. Le conflit anglo-français a souvent été la cause de ces nouveaux départs.
Lorsqu’une grande partie de l’Acadie, la partie la plus peuplée, est cédée par la France à l’Angleterre en 1713 par le traité d’Utrecht, la Couronne britannique a garanti aux acadiens leur droit de propriété de leurs terres et le respect de leur culte catholique. Les départs d’acadiens restent par conséquent assez faibles.
L’année 1754 ouvre une nouvelle période d’incertitude. La guerre de Sept Ans, aussi qualifiée de French and Indien War conduit à une décision brutale de Charles Lawrence, le gouverneur de la désormais Nouvelle-Écosse. Prétextant le refus des « Français » de prêter serment de fidélité à l’Angleterre, ce dernier décide de remplacer les acadiens par des anglo-Américains : cette déportation massive et planifiée est connue sous l’expression de « Grand dérangement ». Près de 6000 acadiens sont embarqués sur des navires à partir de l’été 1755 et cette population est dispersée le long de la côte atlantique et le golfe du Mexique (les Cajuns de Louisiane).
La traque continue et s’accentue après la chute de Louisbourg à l’automne 1758, durant lequel 35000 acadiens sont déportés en France. La moitié d’entre eux ne survivent pas au voyage alors que les déportations se poursuivent jusqu’à l’été 1762.
Le traité de Paris en 1763 met un terme à la guerre entre les Français et les Anglais et suscitent de nouveaux départs de population, mais le plus souvent ceux-ci sont volontaires. Certains se dirigent vers les Antilles, en particulier Saint-Domingue, ou le Québec ; quelques 3000 acadiens choisissent la Louisiane, d’autres préfèrent « un retour aux sources » : la France. Les chercheurs estiment que 750 à 9000 acadiens périrent de 1755 à 1763 .

...aux projets d’installation !

Site d’installation
des Acadiens en Poitou
Photo offerte par
www.pixaile.com

Le premier véritable recensement des réfugiés acadiens en France date de 1773 ; il dénombre 2 566 « vrays acadiens ». Cependant des erreurs comme à Belle-Île amènent à évaluer le nombre de ces migrants à 2 900 personnes en 1773 . De nombreux projets virent le jour pour installer et même fixer ces populations. Deux projets doivent être mis en exergue : l’installation de 77 familles soit 357 personnes, réussie aux deux tiers, sur Belle-Île à partir d’octobre 1765, et l’installation partiellement réussie seulement de 1 472 personnes en Poitou à partir de 1772-1773.
Ce projet poitevin, une aventure de deux années, fut orchestré par le marquis de Pérusse des Cars, seigneur engagiste du duché-pairie de Châtellerault. Il s’agit tout d’abord de tenter une installation agricole, permettant d’établir 2000 acadiens formant 200 familles, chacune des familles recevant un terrain de 17 ha 40 sur lequel sont construits une maison avec sa laiterie et son étable pour 2 bœufs, 2 vaches et autres animaux, une grange et une serre. Les travaux sont rapidement engagés, les maisons sont construites : 20 en 1773, 130 en 1774 et 50 en 1775 .

Ce projet du marquis est cependant transformé par le ministre. Le 15 août 1773, le commissaire de la Marine chargé des réfugiés acadiens reçoit l’ordre de regrouper ces populations dispersées dans plusieurs ports pour les fixer vers l’établissement du Poitou. L’accueil est réalisé dans la confusion, ainsi on réussit à loger les 1472 individus vers Tarzé, et surtout Monthoiron, Archigny, Leigné-les-bois et même Chauvigny à 30 km de Chatellerault .

L’échec global de l’installation des acadiens dans le Poitou (1773-1784)

Entre 1775 et 1776, 1360 acadiens reprennent la route ou le fleuve vers Nantes. Il ne reste en 1776 que 25 familles soit 157 habitants, qui témoignent de leur volonté d’intégration par des mariages entre acadiens et Poitevins. Pourtant ce petit groupe continue jusque dans les années 80 à se disloquer. Le succès de cette installation reste donc très relatif. En 1784, on ne dénombre plus que 91 personnes, incluant par le mariage des Poitevins. Selon Dominique Guillemet et Damien Rouet, trois motifs peuvent expliquer les nombreux départs :

  • les métairies accordées aux acadiens devaient être en état de culture ; dans la plupart des cas des travaux de mise en culture restaient à faire
  • les titres définitifs de propriété des terres ne sont remis aux colons encore présent qu’en… 1793, alors que ces derniers avaient été distribués dès 1766 et 1768 à Belle-Île-en-mer.
  • la rumeur d’un départ des acadiens vers la Louisiane, pour ceux qui le désiraient, a alimenté de nouveaux départs du Poitou vers Nantes entre 1783 et 1784.
    Ces acadiens ont encore des descendants dans notre région et, outre des correspondances épistolaires avec des acadiens reparties, de nombreux éléments patrimoniaux permettent de redécouvrir cette épopée avec les élèves en alliant ainsi préoccupations mémorielles et patrimoniales, en particulier à Archigny.

On pourra lire avec profit :
 Du Québec à la Louisiane, sur les traces des Français d’Amérique,
éditeur : GEO-Histoire, hors série, octobre 2006.

 Histoire des acadiens de Bona Arsenault,
éditeur : Fides, Sant-Laurent / Québec, 504 pages (1ère édition, 1965)

Sur la Nouvelle-France et la Louisiane en particulier, on recommande le site La Louisiane française.

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Auteur

 Laurent Marien

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