Comparaison sociale et réussite scolaire publié le 16/12/2019

Le rôle des comparaisons sociales dans l’amplification des inégalités scolaires

Dans une série d’études, Goudeau et Croizet (2017)1 ont mis en évidence le fait que les situations de comparaison sociale forcées par le contexte de classe, jouaient un rôle dans l’amplification des inégalités scolaires. Ces comparaisons délétères résultent du fait que les situations scolaires mettent en scène les écarts de réussite entre élèves d’une manière qui ignore l’inégale familiarité vis-à-vis de l’arbitraire culturel scolaire, ce qui oblige les élèves à interpréter ces (dés)avantages comme le reflet de différences de capacités intellectuelles, interprétation qui peut interférer avec le fonctionnement cognitif des élèves désavantagés.

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Comparaison sociale et réussite scolaire

Une première étude réalisée auprès d’élèves de Sixième révèle ainsi le fait que rendre visibles les différences de réussite entre élèves (i.e., comparaison sociale) durant une tâche de lecture-compréhension (i.e., lever la main lorsque l’on a répondu à une question) perturbe la performance des élèves de classe populaire. Dans une deuxième étude, les auteurs ont manipulé expérimentalement le niveau de capital culturel d’élèves de CM2 afin de montrer comment la non reconnaissance des différences initiales de capital culturel pouvait entraver la réussite des élèves les moins familiarisés des normes scolaires. Dans une première étape, les élèves étaient plus ou moins familiarisés avec un nouveau système arbitraire d’écriture. Dans une deuxième étape, ce nouveau système d’écriture faisait l’objet d’une évaluation. Pour une moitié des élèves, cette évaluation se réalisait dans un contexte de comparaison sociale où ils devaient lever la main lorsqu’ils pensaient avoir codé un mot, rendant ainsi les écarts de performance visibles dans la classe. Pour l’autre moitié des élèves, cette tâche se réalisait sans que ceux-ci aient la possibilité de situer leur performance par rapport à celle des autres élèves. Les résultats de cette étude indiquent que les élèves peu familiarisés avec le nouveau code d’écriture voyaient leur performance diminuer en situation de comparaison sociale comparativement à la condition contrôle. N’étant pas conscients des différences de familiarisation avec la tâche, ces élèves, désavantagés parce qu’ils avaient été moins entrainés, n’avaient pas d’autre choix que d’interpréter leur moindre réussite comme le signe d’une infériorité intellectuelle, ce qui faisait chuter leur performance. En revanche, une troisième étude a permis de montrer qu’il était possible de neutraliser ces effets menaçants de la comparaison sociale en amenant les élèves à interpréter les écarts de réussite comme la conséquence de différences d’entrainement plutôt que de différences de capacités. Ces résultats sont en accord avec d’autres travaux sur la comparaison sociale ayant montré que voir réussir autrui mieux que soi peut être inspirant, mais à la condition de penser qu’il est possible d’atteindre le niveau de réussite d’autrui.

(1) [Goudeau, S., & Croizet, J. C. (2017). Hidden Advantages and Disadvantages of Social Class : How Classroom Settings Reproduce Social Inequality by Staging Unfair Comparison. Psychological Science, 28, 162-170. doi : 10.1177/0956797616676600