A la découverte des peintures murales de Niort publié le 26/01/2013

Le 4 ème mur, une manifestation artistique qui s'impose dans l'espace urbain

Le 4ème mur

Le quatrième mur est une expression qui désigne l’écran imaginaire séparant l’acteur du spectateur...

C’est, depuis 2010, un festival annuel dédié au Street art, qui se tient à Niort. Organisée par Winterlong Gallerie avec l’aide de la Municipalité, la manifestation fait appel à des artistes internationaux connus pour leurs démarches novatrices.

affiche programme 2012

Cet article propose la découverte d’œuvres d’art ne nécessitant pas de réserver sa visite. Avec un peu de chance, le soleil saura vous accompagner.

Toutes les photographies sont d’Eric Surmont


SheOne & O. Two

SheOne & O. Two au Moulin du Roc

Les londoniens SheOne et O.Two, en novembre 2010, ont réalisé une peinture murale au centre d’action culturelle Le Moulin du Roc, côté parc. Cet emplacement favorise pleinement l’observation de l’oeuvre par un groupe.

Ce qui caractérise l’immense peinture murale1, c’est son parti-pris non figuratif associé à une seule couleur, le bleu. Une gamme presque complète de gris dialogue avec cette couleur, au point de former une sorte de narration. Il se passe "quelque chose" entre les balayages obliques et les zébrures noires ; cette œuvre abstraite se présente comme une composition picturale rigoureusement organisée entre un fond homogène et un jeu de formes2 s’envolant de ce même fond.

L’œuvre murale de SheOne et O. Two nous invite à relire cette phrase d’Harold Rozenberg, écrite en 1952 dans Art News à propos de l’action painting issu de l’expressionnisme abstrait : l’un après l’autre, les peintres américains commencèrent à considérer la toile comme une arène dans laquelle agir, plutôt que comme un espace où reproduire, redessiner, analyser ou exprimer un objet, réel ou imaginaire. Ce qui naissait sur la toile n’était plus une image mais un événement »


Tellas & 108

Les Italiens Tellas et 108 ont produit un véritable diptyque sur le mur qui longe l’escalier d’accès à la salle du CAMJI.

Précisons que l’oeuvre, située dans une cour intérieure, est visible indépendamment des heures d’ouverture de la salle de concert. Là aussi, le spectateur profitera d’un environnement propice à l’observation.

Tellas s’appuie sur des phénomènes naturels comme les nuages d’insectes, d’oiseaux ou de feuilles mortes pour en traduire la dynamique plastique. Ce à quoi s’oppose la très mystérieuse forme de 108, alias Guido Bisagni. Ce dernier procède par hybridation des expressions contemporaines, en passant par l’art informel et l’abstraction géométrique.

Le spectateur s’amusera à comparer et dissocier deux démarches spécifiques, reposant malgré tout sur une économie de moyens, chose plutôt novatrice dans le street art.

108 & Tellas au Camji


Vhils

Vhils, de son vrai nom Alexandre Farto, né au Portugal en 1987, est un artiste qui ne peut plus se passer de mur ! La technicité de sa démarche nous éloigne radicalement du graph pour mieux brouiller les pistes. Vhils est certainement le seul artiste du street art à travailler directement dans l’enduit qui recouvre les murs, une manière de rappeler l’origine de la fresque - a fresco dans le frais de l’enduit - avec cette différence de taille3 qu’il procède essentiellement par piquetage.

Aucune peinture sur le mur, rien que des matériaux soustraits. Faut-il encore parler de peinture ? Non, bien sûr, sauf si l’on veut continuer à brouiller les pistes puisqu’il s’agit d’une figuration perçue comme bidimensionnelle.

Tout l’intérêt de cette œuvre, qui n’est pas sans rappeler Ernest Pignon-Ernest, repose sur son ambiguïté d’image sculptée. Les matériaux, la localisation, la référence... plusieurs approches s’offrent au spectateur.

Vhils sur le site Boinot

On ne manquera pas de rapprocher l’oeuvre du site Boinot du visuel de l’affiche annonçant le festival, en page 1 de cet article.


Ericailcane

Ericailcane est un véritable illustrateur. Venu de Bologne, il a su tenir "conte" des lieux : un petit square avec son banc et ses arbres, une école bien en face et une Sèvre à canards pas loin derrière.

Il brosse des anatidés dans une scène énigmatique et, en jouant sur les angles du support, il transforme un pignon en mur historié. On peut penser à une page grande ouverte d’un conte pour enfants. On peut...

Ce qui interroge, c’est le rapport au street art : l’expression ne désigne plus un mouvement mais un espace. Avec Ericailcane, adepte des surprises, cet espace devient rencontres et une envie de poursuivre son imaginaire.

Ericailcane rue de Bessac


Escif

Escif est l’auteur de plusieurs œuvres murales, aux dimensions très variables mais toujours figuratives.

Escif commence le graffiti en 1997 dans la tradition de ce même mouvement : lettrages, murs, trains... Son travail évolue vers une forme et un contenu poétiques, parfois imprégnés de politique, où la création prend son sens à travers le support et l’actualité. Son travail n’est pas seulement la peinture sur le mur, c’est le mur lui-même.

Escif rue de Fontenay

On s’attardera sur le parking de la rue Fontenay à observer la synecdoque gestuelle du personnage : deux pieds, une main entre toiture et pièce de monnaie au sol. L’œuvre est savoureusement composée à proximité d’un supermarché.

Escif rue du Petit St Jean

(1) on réserve ici le terme fresque aux peintures réalisées dans le "frais" des enduits muraux

(2) j’ai écrit zébrures mais ce pourrait être signes ou calligraphies ou références à Hans Hartung...

(3) jeu de mot involontaire