Shimmering - une exposition de Daniele Genadry à la Chapelle des Dames Blanches et dans la Tour de la Chaine publié le 05/12/2023

un compte-rendu écrit par Karell Bringer et Abelone Hüni-Demain étudiantes en CPES-CAAP à La Rochelle

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affiche de l’exposition

La Tour de la Chaîne et la Chapelle des Dames Blanches accueillent du 30 septembre au 30 décembre 2023, l’exposition de l’artiste libanaise Daniel Genadry, SHIMMERING, dont le commissaire d’exposition est Fares Chalabi, philosophe.

Daniele Genadry, née en 1980, vit et travaille à Paris. Elle a étudié au Dartmouth College et à la Slade School of Art à Londres. Elle a participé à de nombreuses résidences et expose régulièrement en France et à l’étranger, notamment au Sursock Museum de Beyrouth, au Mucem à Marseille, au Centre Intermondes de la Rochelle ou à l’Institute of Arab and Islamic Art de New York où elle présente actuellement son travail jusqu’au 18 février 2024. Elle est représentée par la galerie In Situ-Fabienne Leclerc à Paris.

Dans un premier temps nous nous sommes rendus à la Tour de la Chaîne pour découvrir une première œuvre intitulée Tours d’Horizon. A l’intérieur de la tour, des images vidéo de la mer sont projetées sur des voiles translucides installés sur toutes les ouvertures de la pièce. L’horizon ici parfaitement aligné d’une projection à l’autre, s’effaçant dans la lumière renvoie à un principe de représentation de la profondeur en peinture, la perspective atmosphérique, qui est très présent dans son travail de peintre. Ici, l’artiste nous propose de voyager et nous offre son point de vue sur cette vie au bord de la mer et sur les histoires qu’elle suscite (ici et ailleurs) puisque les images projetées ont été filmées non pas à La Rochelle face à l’Atlantique mais depuis le port de Beyrouth face à la Méditerranée.

Mais dans cette œuvre où l’on voit la mer se mouvoir à l’infini, Daniele s’intéresse aussi à la perception de la lumière que l’on retrouve ici avec le ciel, l’obscurité de la salle et la lumière provenant uniquement des ouvertures. En effet, cette vidéo projetée suivant la forme des arcades amène l’œil du spectateur à aller percer l’espace de l’intérieur. Le spectateur peut également jouer un rôle dans l’œuvre en produisant une ombre sur la projection quand il passe devant. Interrogés sur leurs ressentis, les élèves ont évoqué avoir eu la sensation de tanguer grâce à la scénographie, d’autres un sentiment d’apaisement ou encore de solitude.

Dans un second temps, nous nous sommes rendus à la Chapelle des Dames Blanches. Dédiée à l’art contemporain, le site accueille la deuxième partie de l’exposition. Le lieu constitué de hauts plafonds, de ses vitraux et sa lumière singulière, nous donne à voir onze tableaux combinant peinture acrylique et huile, tous représentant des paysages maritimes.

Dans sa peinture, Daniele semble capturer un temps suspendu. Ses tableaux sont tous très lumineux et les paysages paraissent presque surexposés (dans un sens quasi-photographique). Le style et la technique de Daniele peuvent s’apparenter à du divisionnisme qui est une branche du pointillisme, puisqu’elle ne fait pas des points mais de fines traces juxtaposées de peintures. Georges Seurat, Paul Signac, sont d’ailleurs des inspirations majeures au sein de son travail. En particulier l’œuvre Entrée du port de la Rochelle, de Paul Signac, qu’elle revisite.

Pour comprendre ce que l’on regarde lorsqu’on observe un tableau de Daniele Genadry, il faut avoir une certaine distance nécessaire à la compréhension de ce qu’elle représente dans sa globalité et en détail. Les différences chromatiques et le voisinage des roses et roses-orangées contrastent entre touches mates et brillantes. Cela oblige l’œil du spectateur à s’adapter pour qu’il puisse se constituer une image détaillée et précise du paysage peint.

Une particularité du travail de Daniele est que sur ses œuvres sont souvent représentées des marges colorées qui contrastent avec les couleurs pastel et douces des tableaux (comme visible sur l’œuvre Still Signac, Signac Still plus haut). Elle porte une grande importance au cadrage de ses paysages et aux cadres qui bordent entièrement ou partiellement les paysages. Si d’une certaine façon, cette coupure horizontale du paysage peut être liée à la volonté de l’artiste de recréer des souvenirs comme si nous nous trouvions au bord d’une fenêtre, d’une terrasse, ou d’une porte ouverte, ce « cadre » a également pour fonction d’activer « le regard à l’œuvre ».

Sans nous en rendre compte face à une œuvre, notre regard fonctionne machinalement. Nous regardons d’abord le premier plan puis l’arrière-plan, ou le contraire, puis notre regard vient balayer les éléments situés entre ceux-ci. Le fait de mettre des sortes de barrières colorées à certains endroits nous oblige à nous faire revenir dans l’œuvre mais jamais au même endroit car notre regard rebondit sur ce cadre. Ce qui nous permet d’observer l’œuvre sous tous ses angles et dans sa globalité, d’y passer un temps lent durant lequel l’image apparaît finalement.

D’une certaine façon l’artiste nous interroge sur la notion du temps. Dans une société actuelle où tout va vite, et où nous avons accès à tout, tout de suite. Elle prend le temps par le biais de sa technique picturale longue et minutieuse. Elle donne le temps au spectateur de fixer des images en train de devenir.

pour aller plus loin : https://www.danielegenadry.com/

Compte-rendu de visite d’exposition réalisé par Karell Bringer et Abelone Hüni-Demain, étudiantes en CPES-CAAP