"Mythologie et surréalisme" publié le 28/12/2012  - mis à jour le 18/12/2015

Le thème de la reprise dans les arts

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III. « Je suis fou… » de la Vénus de Milo

A. Les reformulations de Dalí

1. La Vénus spatiale

Vénus spatiale

Reproduction de La Vénus Spatiale (1977) de Dalí,
installée devant la Tate Modern de Londres.
Fond de l’auteure

La Tate Modern : un musée à connaitre.
Piste en Arts Plastiques.
Citez des œuvres connues exposées dans ce musée. (Ex. Boccioni, Louise Bourgeois…)

La Vénus spatiale (1977-1984) : Dalí a une excellente connaissance de l’art antique et de celui de la Renaissance (il se réfère souvent à Michel-Ange ou Raphael). Il a en outre fréquenté l’Académie des Beaux Arts de Madrid. Il a admiré Velázquez au Musée du Prado.
Vénus, déesse de la Beauté semble avoir été la première femme admirée et modelée par Dalí enfant. Cette sculpture illustre bien le processus dalinien de reprise d’un modèle : le buste de la déesse, pour lui ajouter ses propres symboles, ce qui a pour effet de corrompre la signification initiale de la sculpture. Il scinde toutefois le buste en deux, décalant les deux blocs, exactement au niveau de la césure antique placée sous le bourrelet de l’himation.
La montre molle posée sur le cou de Venus peut nous délivrer deux messages : la beauté de la chair est éphémère et la beauté de l’art, elle, est éternelle. Les montres molles sont chères à Dalí.
L’œuf est un objet que Dalí affectionnait pour le contraste de texture qui le caractérisait : pour la dureté de sa coquille et la mollesse de sa matière interne. (Sa théorie du dur et du mou ; la beauté comestible).
Ici, il est placé à l’endroit où devrait se trouver normalement l’utérus, symbolisant ainsi la renaissance et l’ultime renouveau.
Enfin, les fourmis symbolisent chez Dali l’anéantissement et la destruction. Elles sont présentes ici pour nous rappeler le caractère périssable de l’être Humain.
(La référence à la fugacité des choses nous ramène aux vanités, et bien avant encore, à la philosophie du Carpe Diem).

B. Les arcanes d’un mythe

1. Documents vidéos à visionner

Consignes possibles :
Comment Dalí fait-il voyager son œuvre d’art ?
D’où Dalí est-il originaire ? Pourquoi est-il attaché à Perpignan ?
L’œuvre doit être exposée à Tokyo, en 1964, en même temps que la Vénus de Milo du Louvre. Quelles sont les expectatives du peintre ?
Quelle procédure adopte-t-on aujourd’hui pour réaliser une installation dans une exposition ?
Quels termes liés à la nourriture utilise Dalí ?
A quoi la mouche emprisonnée dans une matière fait-elle penser ?

2. La Vénus aux tiroirs. Dalí. (1936-1964)

La Vénus de Milo aux tiroirs

Document n° 3 : « Vénus de Milo aux Tiroirs » Salvador Dalí -1936- bronze peint. Ajouts de pompons en place des boutons de tiroirs.
98 x 32,5 x34 cm. Rotterdam. Museum Boysmans van Beuningen
(N.B- différentes versions existent de cette statue : en plâtre, en bronze, avec pompons…)

La Vénus aux tiroirs. Dalí. (1936-1964)

En 1936, Dali transforme une reproduction en plâtre de la célèbre sculpture grecque, la Vénus de Milo, en l’ouvrant par le biais de 6 tiroirs situés : 1 sur le front, 4 sur le buste et 1 sur le genou gauche.

Vêtue du seul drapé consacré traditionnellement à Aphrodite, dénuée de bras, elle présente mêmes torsion, déhanché, position de la jambe genou fléchi, même coiffure.
Le remake  :
Les personnages à tiroirs font partie de l’iconographie de Dali, ils reviennent souvent dans ses dessins, sa peinture, mais ici c’est à la sculpture classique qu’il applique son motif. Dans la symbolique freudienne les tiroirs correspondent aux profondeurs du psychisme et Dali, qui vénérait le père de la psychanalyse, suit cette conception.
Réunir dans une œuvre d’art la Grèce antique et la psychanalyse signifie pour l’artiste dépasser les codes de la beauté idéale, pour accéder à la vérité d’un corps travaillé par l’inconscient, avec ses zones d’ombre et ses parties cachées. (les choses refoulées, interdites par des codes) - (En ce sens, son allusion au christianisme dans l’interview est très intéressante. Dalí est profondément mystique)
Seule la psychanalyse peut, pour Dali, ouvrir ces tiroirs. En s’attachant à ce modèle canonique de l’art occidental, Dali est au cœur de l’esthétique de la profanation si chère aux surréalistes.
Lorsque Dali évoque son travail de réactualisation pour sa fameuse Vénus de Milo aux tiroirs, il le fait en ces termes : " J’invente la Vénus de Milo aux tiroirs et le cabinet anthropomorphique " soulignant par là qu’au-delà du sculpteur, Dali en appelle à une vision paranoïa-critique de l’art.
Dès lors il va multiplier toutes les interprétations de l’icône antique pour une sculpture réinventée par le filtre de son propre surréalisme. Dali dit « Avec les tiroirs, il est désormais possible de regarder l’âme de la Vénus de Milo à travers son corps » Pour Dali, les tiroirs représentent les pensées cachées et l’inconscient des gens.
Théoricien de l’art convaincu de la justesse de ses affirmations, Dali se positionne face aux artistes de son temps et développe ses places fortes dans un texte fondamental " La conquête de l’irrationnel " où seules quatre personnalités du mouvement surréaliste lui servent de référence pour illustrer « les nouvelles images délirantes de l’irrationalité concrète » : Eluard, Breton, Magritte et Picasso.