Coup de projecteur sur l’Atelier Narr’actif publié le 16/05/2022

Prévention langage oral GS-CP

I- Genèse du projet

Depuis plusieurs années, les professionnels de terrain font le constat d’une augmentation de cas d’élèves en difficulté persistante pour l’acquisition de compétences expertes dans la maîtrise de la langue, surtout dans les zones rurales. Ces élèves « résistent » aux différentes formes d’aide mises en œuvre par l’Éducation Nationale et se retrouvent en difficulté dans la maîtrise de la langue ; ce qui risque de les conduire en situation d’illettrisme à l’âge adulte. En effet, 2 500 000 personnes (3 100 000 en 2004), soit 7 % (9 % en 2004) de la population âgée de 18 à 65 ans résidant en France métropolitaine et ayant été scolarisée en France, est en situation d’illettrisme1.

Des chiffres pour éclairer les décisions (PDF de 275.7 ko)

L’évolution de l’illettrisme en France - Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme - Janvier 2013.

  • 4 % des 18 - 25 ans (4,5 % en 2004)
  • 5,5 % des 26 - 35 ans (6 % en 2004)
  • 7,5 % des 36 - 45 ans (9 % en 2004)
  • 8 % des 46 - 55 ans (13 % en 2004)
  • 12 % des 56 - 65 ans (14 % en 2004)
    Plus de la moitié des personnes en situation d’illettrisme ont plus de 45 ans. La proportion des personnes en situation d’illettrisme est plus forte pour les groupes d’âge les plus élevés. 60,5% sont des hommes. Dans les Zones Urbaines Sensibles, deux fois plus de personnes en situation d’illettrisme (14%). 51% ont un emploi.

Devant un tel constat, Alain Gaufreteau conseiller pédagogique ASH2 École Inclusive pour la DSDEN79, a mis en place une expérimentation.

Importance du contexte social

Alain Gaufreteau, initiateur du projet a écrit un mémoire en 2012 sur les « Fonctions discursives et prévention de l’illettrisme » où sont comparées les habilités linguistiques des élèves de même niveau scolaire en zone urbaine ou en zone rurale. Les participants doivent produire une narration orale à partir d’un support imagé. Les résultats obtenus révèlent des déficits spécifiques dans le traitement du langage oral et au niveau de la connaissance du schéma narratif et de l’utilisation des expressions évaluatives.

Naissance de l’Atelier Narr’actif

Activité de production narrative auprès d’élèves de GS-CP, dans le but de développer les capacités de langage oral, notamment les habiletés linguistiques structurales et pragmatiques.


II- Mise en œuvre sous forme d’une recherche-action formation

Un collectif d’enseignants, spécialisés et non-spécialisés, s’est mobilisé à l’échelle du département, et l’appui de collègues enseignants-chercheurs du laboratoire CeRCA et de l’INSPE de Poitiers. M. Leclerc, DASEN des Deux-Sèvres, soutient depuis le début ce projet innovant en permettant aux collègues du collectif d’être libérés pour des journées de travail.

Originalité de ce dispositif

  • Le type d’intervention
    Il est axé sur le développement des repères représentationnels et sur la structuration des informations linguistiques essentielles à la compréhension des situations de communication. Dans la littérature scientifique, plusieurs études rapportent les effets bénéfiques de ce type d’intervention auprès d’élèves en difficulté pour l’acquisition de compétences.
    Peu de travaux ont testé l’impact d’une intervention ciblée en production narrative, en début d’apprentissage, sur le développement des compétences langagières.
    Dans le cadre de cette recherche-action, 2 hypothèses seront testées :
  • Un entraînement basé sur l’identification des caractéristiques clés d’une narration permettrait d’améliorer les capacités langagières des jeunes élèves repérés comme étant en difficulté de langage.
  • Le fait de cibler l’entraînement uniquement sur les élèves en difficultés de langage oral permet des progrès plus importants.

3 phases d’expérimentation : 450 élèves mobilisés et 11 intervenants

Les objectifs visés sont de valider les hypothèses de recherche et de créer l’outil définitif Atelier Narr’actif pour une mise en œuvre accessible par les enseignants. Du côté des élèves, il s’agit de les mettre en confiance et de les rendre actifs au sein de petits groupes, leur permettre d’interagir entre eux.

Du côté des enseignants mobilisés, cette action permet de faire du développement professionnel avec la mise en œuvre de gestes professionnels nouveaux comme "l’ intervention-conversation" et la prise de connaissance des derniers apports de la recherche autour des compétences langagières orales favorisant la compréhension mais aussi de produire des contenus pédagogiques et de construire des outils de suivi.

Descriptif de l’action :

  • Les conditions :
    • Deux séances par semaine de 30 minutes, pendant 7 semaines consécutives soit 14 séances.
    • Lieu avec le moins possible de distracteurs visuels ou sonores.
    • Pour l’installation, privilégier des chaises installées en arc de cercle.
  • Les supports utilisés :
    Série « Histoire sans parole »
  • Les modalités d’intervention :
    Deux séances pour chaque album :
    Un petit nuage, Petit poisson voit du pays, Chagrin d’ours, Le voleur de poules, La revanche du coq, La grosse graine, Partie de pêche Collection Broché
    • 1ère séance : Les enfants élaborent un récit à partir des images de l’album, sous forme de conversation libre.
    • 2ème séance : La même histoire est reprise avec une intervention de l’enseignant de type « conversationnelle ». Celui-ci pose des questions sur les causes, les événements (en termes de lien logique et chronologique), les motivations des comportements des personnages (motivations, intentions, émotions), sans toutefois offrir de réponse.

III- Analyse et évaluation

Résultats sur le plan linguistique

Les résultats indiquent clairement que tous les élèves, quel que soit leur groupe d’appartenance, ont amélioré leurs performances linguistiques entre l’évaluation initiale et l’évaluation finale. Toutefois, les progrès étaient plus notables en évaluation finale sur tous les indicateurs pour les élèves du groupe expérimental (GE) comparés à ceux du groupe témoin (GT).

Résultats sur le plan linguistique

Evolution du nombre de noms produits

Résultats sur le plan discursif

Tous les élèves ont progressé dans la connaissance du schéma narratif mais les élèves du groupe expérimental (GE) ont progressé de façon plus importante que ceux du groupe témoin (GT). Les résultats indiquent clairement l’efficacité d’une intervention ciblée sur le développement des compétences langagières des élèves en difficulté de langage.

IV- Perspectives

La troisième phase de recherche est en cours. Les résultats pour validation des hypothèses permettront de se lancer dans l’élaboration d’un prototype, avec la création des sept albums supports, en lien avec un auteur et un illustrateur.
La mallette « Atelier Narr’actif » sera ensuite testée au niveau académique, avec des réajustements éventuels. La dernière étape consistera à développer et à diffuser l’outil à plus large échelle.
Que ce soit pour la deuxième comme pour la 3e phase, les retours des collègues sont très positifs, notamment autour de la prise de parole des élèves en grand groupe.

Cette action est candidate pour la journée nationale de l’innovation
 Fiche innovathèque

Voici une vidéo qui résume cette action :

Présentation de Narr'actif (durée 02:31) (MPEG4 de 34.5 Mo)

Présentation de Narr’actif

Bibliographie

  • Besse, Guérin-Pace (2002). Une évaluation des compétences sur l’écrit. L’enquête « information et vie quotidienne », Economie et humanisme, 363, Lyon, p 17 à 21.
  • Besse, Luis, Paire, Petit Charles (2003-2004). Evaluer les illettrismes. Diagnostic des modes d’appropriation de l’écrit : guide pratique, Paris, Retz.
  • Bentolila, A. (1996). De l’illettrisme en général et de l’école en particulier. Plon, Paris.
  • Bentolila, A. (2004). Tout sur l’école. Odile Jacob, Paris.
  • Eme, E. (2006). L’examen psycholinguistique et neuropsychologique de personnes en situation d’illettrisme. Revue de Neuropsychologie 16, 3–40.
  • Eme, E. , Reilly, J. , & Almecija, Y. (2009). Compétences narratives et communicatives chez des personnes en situation d’illettrisme. Revue européenne de psychologie appliquée 59 (2009) 123–138.
  • L’évolution de l’illettrisme en France, ANLCI édition 2018
  • Makdissi, Boisclair & Sirois (2009) : La littératie au préscolaire, une fenêtre ouverte sur la scolarisation, 107-144
  • Roth, F.P., Speece, D.L., Cooper, D.H. (2002). A longitudinal analysis of the connection
    between oral language and early reading. Journal of Educational Research 95, 259–272.
  • Veneziano, E. :Théories de l’esprit et acquisition du langage chez le jeune enfant » Spirale, 75, 119-136
  • Veneziano, E., & Hudelot, C. (2006) : États internes, fausse croyance et explications dans les récits : Effets de l’étayage chez les enfants de 4 à 12 ans. Langage et l’Homme, 41(2), 119-140.

(1) Selon l’agence nationale de lutte contre l’illetrisme

(2) Adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés

Portfolio