La mémoire et la concentration au service des apprentissages publié le 10/01/2022  - mis à jour le 11/01/2022

La mémoire et la concentration au service des apprentissages

Constats

Nous constatons, dans notre sphère personnelle ou dans notre sphère professionnelle face à nos élèves, que la mémoire est à la fois indispensable et à la fois complexe à maîtriser. L’oubli n’est jamais bien loin, il est perturbant, sournois, imprévisible… Qui n’a jamais rêvé de le dompter en retenant tout dès la première lecture ?
Les apprentissages et l’oubli sont intimement liés, je l’observe en classe en faisant trois constats :
"constat -" : certains élèves ne comprennent pas et sont en échec. Fréquent !
"constats +" : certains élèves comprennent, mémorisent, réussissent et oublient. Fréquent !
"constat +++" : certains élèves comprennent, mémorisent, réussissent et transfèrent durablement. Hélas, ce cas de figure est plus rare !

Les "constat -" et "constat +" regroupent la majorité de mes élèves. Ce classement est discutable mais cela reflète assez bien la réalité pour introduire mon article et les questions suivantes.

Cette situation est-elle évitable ? Les élèves qui possèdent cette capacité de transférer durablement, qu’ont-ils en plus ? Si nous considérons cette situation comme réaliste, y a t-il des solutions pour faire glisser, même ponctuellement des élèves dans le "constat +++" ?

Je fais ici deux hypothèses :

  • Les élèves qui transfèrent durablement dans n’importe quel contexte ont développé des stratégies pour lutter contre l’oubli. Ces techniques ne sont pas forcément intuitives pour tous et doivent donc être enseignées.
  • La répétition, l’entraînement (persévérance) et la concentration semblent indispensables pour apprendre durablement. J’ai longtemps cru que ces qualités étaient intrinsèques à l’individu alors qu’elles peuvent s’enseigner et donc être apprises.

Prise de conscience

Si vous lisez la suite, c’est peut-être pour chercher les réponses aux questions posées dans ma première partie ! Nous croyons trop souvent que se poser des questions consiste à chercher des réponses. N’en trouvant pas systématiquement, nous nous lassons et abandonnons notre questionnement. Cette fameuse réponse est souvent partielle, dépendante d’un contexte, d’une temporalité et finit par s’effacer pour laisser la place à autre chose. Je crois qu’interroger ses pratiques fait partie de la réponse, c’est une activité saine, utile et suffisante, elle nous permet de nous adapter, d’évoluer avec nos élèves et c’est finalement le plus important. Cet article n’est donc pas la réponse à un problème mais plutôt un exemple d’adaptation aux situations qui me préoccupent aujourd’hui.


Neuromythes

En me posant des questions sur mes connaissances au sujet de la mémorisation et des apprentissages, je me suis vite rendu compte que j’en connaissais encore moins que ce que j’imaginais ! J’avais des croyances erronées sur le fonctionnement du cerveau (c’est la définition d’un neuromythe). Ce n’est pas si simple de remettre en question ses connaissances, on a tendance, dans un premier temps à chercher des responsables ou à réunir ses arguments pour se défendre.
Je l’ai lu, on me l’a enseigné… Comment est-ce possible ?
Pourquoi j’ai l’impression que ces croyances se vérifient en classe (biais cognitifs) ? Il doit bien y avoir une part de vérité !
Et les neurosciences, elles changent leur fusil d’épaule sans prévenir (connaissances dépassées), les chercheurs ne devraient-ils pas communiquer davantage sur le remplacement d’une théorie par une autre ? Certains spécialistes le reconnaissent.
Sur les biais cognitifs (ce n’est pas ma spécialité), je vais être très bref même si le sujet est passionnant et vaste. Au moment d‘interroger ses pratiques, nous en subissons essentiellement trois. C’est important d’en prendre conscience, cela nous permet de ressentir quand ils prennent le dessus sur notre raisonnement même si nous ne pouvons pas les inhiber complètement. Le risque que des biais cognitifs nous éloignent de la réalité étant toujours présent, nous devons développer une vigilance continuelle !

  • Le biais de confirmation : il implique un focus vers tout ce qui va dans le sens de ce que l’on croit, et une cécité vis-à-vis de ce que nous rejetons a priori, voire un désir de le repousser. C’est ce biais qui renforce artificiellement nos connaissances erronées.
  • Le biais de surestimation : il tend à nous faire croire que nous en savons davantage sur un thème qu’en réalité. C’est celui qui m’a fait croire pendant très longtemps que je n’avais pas besoin de me former sur ce sujet.
  • Le biais de Dunning-Kruger : il exprime que la personne qui en sait peu sur un thème compliqué a l’illusion de le connaître, et inversement (« plus on sait, plus on sait que l’on ne sait pas », dit le proverbe populaire). Ce biais valide qu’il ne faut pas être désespéré de ne pas trouver LA RÉPONSE et continuer d’interroger ses pratiques (voir paragraphe "Prise de conscience").

Je vous encourage à limiter l’influence de ces biais cognitifs en suivant ces quelques pistes : ne croyez pas (vous aurez compris que je ne parle pas ici de la religion) ! Ne me croyez pas ! Lisez-moi, testez, informez-vous, formez-vous… Modifiez et testez à nouveau.


Les différentes étapes de mon parcours

Je me suis formé en ligne sur des plateformes comme M@gistère, Canopé, FUN… Cette modalité me convient bien, elle me donne accès à des ressources, elle me permet d’écouter et comprendre différents contenus, provenant de différents formateurs, de faire des enregistrements d’écrans des notions importantes… Évidemment, il y a aussi des limites à cette modalité de formation mais je ne souhaite pas m’étendre sur ce sujet dans cet article.

Mon premier besoin de formation était sur le fonctionnement de la mémoire. J’avais trop de croyances erronées pour travailler efficacement les constats présentés au début de cet article. Ces formations m’ont permis d’évoluer sur les questions suivantes :

C’est quoi l’oubli ? Pourquoi oublie t-on ? Remarque : j’ai appris que l’oubli était vital !
C’est quoi apprendre, rôle de la mémoire. Comprendre pour mémoriser ou mémoriser pour comprendre ? Remarque : similitude avec le très vieux débat : l’œuf ou la poule ?
Il y a bien des mémoires mais lesquelles ? Comment améliorer la mémorisation ou dit autrement, peut-on lutter contre l’oubli ? Comment favoriser les apprentissages sur le long terme ? Cette question est centrale depuis le début de mon article.

Une fois ces notions partiellement comprises, j’ai dû m’atteler à la suite de ma démarche : comment décliner ces concepts, ces théories en activités pédagogiques pour les élèves. Dans cette phase, il ne faut pas négliger le nombre d’essais / erreurs pour aboutir à une activité pédagogique satisfaisante. En effet, connaître n’est pas suffisant pour savoir faire. Ce savoir-faire s’acquiert en s’entrainant.
Juste un exemple ici, des élèves ont accès à des quiz que j’ai créés sur les notions importantes et les méthodes vues en classe. Une courbe de l’oubli simplifiée est proposée aux élèves. En autonomie, en fonction de leurs réussites ou de leurs erreurs, ils savent à quel moment ils doivent refaire chacun des quiz. Pour renforcer le nombre de connexions, je leur explique que j’ai un outil numérique me permettant de faire un bilan mensuel (évalué ou non) de leur travail. Je peux ainsi valoriser une notion clé dans la mémorisation, c’est la notion de répétition (persévérance). Je n’évalue plus des compétences à un "instant t" mais la progression des compétences sur un temps long.
Évidemment, mon travail sur la mémorisation ne se résume pas à cet exemple.

En classe, je constate encore trop d’échecs et je comprends rapidement que la lutte contre l’oubli ne dépend pas que de la répétition mais aussi de la concentration. Je reconnais ici un deuxième besoin de formation : la concentration, en soutien à la notion de répétition, est indispensable. Une deuxième série de questions se posent :

  • Comprendre le lien entre mémorisation et concentration pour agir.
  • Qu’est ce qui perturbe la concentration ?
  • Existe-t-il une liste de recommandations agissant sur l’amélioration de la concentration, au quotidien, dans n’importe quelle activité ?
  • Peut-on proposer des activités pédagogiques permettant de travailler ces recommandations ?

Sans oublier les sentiments et les émotions qu’on nous a trop souvent appris à cacher ou inhiber.

Un exemple ici pour illustrer.
Mes élèves ont souvent l’occasion de travailler une tâche complexe (démarche d’investigation) lors des mes travaux pratiques.
Un notion importante dans l’amélioration de la concentration est de donner des tâches simples, claires et compréhensibles pour que chaque élève se dise : "j’ai compris ce qu’on me demande et je sais faire". Cette petite phrase dans leur tête est un moteur de la motivation et de la concentration.
On est donc ici en contradiction entre les tâches simples utiles pour la concentration et les tâches complexes perturbant la concentration mais exigées au programme. Je donne donc une méthode en début de 6ème, qui sera utilisée pendant les quatre années de collège, expliquant aux élèves comment "découper" une tâche complexe en tâches simples et accessibles. Leur motivation et leur concentration se maintiennent alors à un niveau convenable jusqu’à la finalisation de la tâche complexe.
J’ai retenu cinq facteurs perturbants la concentration, j’ai créé des activités pour que mes élèves en prennent consciences et trouvent des solutions.

  1. Si le problème est trop compliqué alors vous oubliez votre intention (le but n’a jamais été clair). Une activité a été présentée dans le paragraphe précédent pour progresser sur ce point.
     
  2. Si vous travaillez sur plusieurs problèmes en même temps, alors vous perdez votre intention.
    Activités travaillées en classe : la double tâche (possible ou non ?). Comment gagner en efficacité ?
     
  3. Si vous ne pensez pas régulièrement à votre intention alors vous l’oubliez.
    Activités travaillées en classe : mettre en évidence l’objectif à atteindre et co-construire des techniques pour s’y référer le plus souvent possible.
     
  4. Si vous laissez le plaisir prendre le pouvoir, alors l’intention de départ ne sera pas atteinte. Activités : apprendre à contrôler le plaisir et l’ennui, deux forces incroyables !
     
  5. Si vous laissez un sentiment tourner en boucle dans votre tête, alors vous n’êtes plus concentré sur l’activité.
    Activités : travailler la pleine conscience. Honnêtement, ce n’est pas le plus évident !

Ces 5 préconisations viennent des neurosciences (J.P. Lachaux, INSERM), elles sont basées sur les théories les plus récentes faisant consensus sur le fonctionnement des mémoires, notamment la Mémoire De Travail (MDT). Cette mémoire nous permet de résoudre l’ensemble des problèmes que nous rencontrons. Elle a principalement deux limites : elle stocke peu d’éléments et oublie les informations mémorisées après quelques minutes. Malgré ces deux inconvénients, elle est déterminante pour alimenter toutes les autres mémoires (sémantiques, procédurales…), y développer des procédures, des habitudes, des réflexes.
Par la suite, la mémoire de travail saura utiliser ces automatismes nouvellement acquis pour, à son tour, gagner grandement en efficacité. A chaque fois que nous constatons qu’un de nos élèves progresse, c’est ce type de mécanisme qu’il apprend à mettre en œuvre (voir diaporama "apprendre à se concentrer pour apprendre"). Cet apprentissage est souvent lent et inconscient alors qu’il pourrait être enseigné !


Synthèse

Cette présentation peut donner le vertige. Pour se rassurer, chaque point se travaille indépendamment du reste tout en gardant en tête la place qu’il occupe dans cet ensemble. Il faut aussi accepter qu’un certain temps soit nécessaire pour aborder toutes ces notions.

Je finirai avec Grégoire Borst, Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Education de l’enfant (CNRS). Il explique que dans tous ses tests sur les enfants, il remarque que le contrôle de soi (émotions, sentiments, concentration) est davantage prédictif de la bonne santé physique et mentale de l’individu que la possession de solides compétences scolaires. Il y a donc un sujet d’étude…

Synthèse - Guillaume Daviaud

Synthèse - Guillaume Daviaud

Apprendre à se concentrer pour apprendre (PDF de 378.5 ko)

La mémoire et la concentration au service des apprentissages - CARDIE - Académie de Poitiers.


Sitographie

 Séminaire national, le déficit d’attention des élèves : comment agir ?
 Plateforme de formation FUN
 ATOLE (J.P. Lachaux), l’attention ça s’apprend