Enseigner le lexique au collège publié le 14/09/2010

Travailler le lexique

Les pratiques

  • Les propositions d’activité se tournent volontiers vers l’observation de la langue dans sa dimension historique (diachronique), vers les possibilités de substitution des mots entre eux (aspect paradigmatique), vers la morphologie des mots.
  • Des hésitations sont mises en lumière : consacrer des séances spécifiques à l’étude du lexique ou pratiquer par saupoudrage ? Quel lien programmer avec les activités de lecture et d’écriture ?
  • On s’interroge sur les dispositifs qui peuvent permettre de s’assurer que le vocabulaire a été appris et retenu ; on s’interroge également sur les modalités d’évaluation.
  • On veut permettre aux élèves d’acquérir du vocabulaire nouveau et de le faire passer du vocabulaire passif au vocabulaire actif.

Les propositions

Il a été admis au cours des journées de stage que la réflexion sur le lexique ne peut prouver son efficacité que dans un rapport étroit avec un travail sur la lecture et l’écriture : les propositions qui sont faites ci-dessous sont à envisager dans un travail lié tout autant à l’étude de la langue qu’à la lecture analytique ou aux travaux d’écriture.

Structuration du lexique

Aspect morphologique

C’est l’aspect qui est le plus couramment abordé en classe. On peut cependant insister au cours de cet apprentissage sur ce qui fait sens plutôt que de fournir des batteries d’exercices qui aboutissent à des répétitions mécaniques sans favoriser la réflexion des élèves.

Exemple 1 : comprendre les sens distincts du préfixe « -re »
Exemple 2 : réfléchir aux distinctions de sens des suffixes : poirier et pommier // boucher et charcutier vs tablier

Aspect sémantique

C’est une approche structuraliste du lexique. Elle doit s’opérer à partir de mots très simples, connus des élèves et ne présentant pas d’ambigüité.

Exemple 1 : On peut proposer aux élèves de réfléchir à ce qui permet d’établir une différence entre les différents mots qui désignent des logements. Les élèves prennent l’habitude de confronter les mots entre eux pour en dégager les particularités significatives. Il est plus facile alors de montrer pourquoi un élève de 6ème s’est trompé lorsqu’il désigne par hutte ou villa l’habitation d’un personnage de conte.

Exemple 2 : On peut au cours de l’année de sixième confronter des mots comme narrateur, aède, griot de façon à mettre en lumière le fait qu’ils recouvrent des réalités semblables sans pouvoir se substituer les uns aux autres. La construction de ce savoir peut faire l’objet de rédaction de fiches que les élèves créent pour la classe ou pour le réseau du collège.

C’est également par cette démarche qu’on peut réfléchir à la façon dont les mots se « rangent » les uns par rapport aux autres. Cette démarche est de nature à créer des réflexes chez les élèves qui pourront s’en emparer quand il faudra retenir des mots plus abstraits.
Les autres matières peuvent participer à ce classement sémantique : Qu’est-ce qui permet de distinguer en géographie : fleuve, mer, lac, rivière, océan ?...

Exemple : Un travail sur le mot « chat » à été proposé : il a mis en lumière les effets de :

  • généralisation (quadrupède, mammifère)
  • caractérisation ( siamois, de gouttière)
  • particularité affective péjorative ou méliorative( boule de poil, matou, sale bête…)
  • substitutions possibles ( ce greffier, le félin) ou impossibles ( « mon quadrupède »* n’est pas substituable à « mon chat » s’il s’agit un terme affectueux adressé à un humain…)

Une démarche d’apprentissage de cette sorte est transférable à d’autres mots et les élèves prennent l’habitude de les « questionner ».

Exemple 1 : on propose très souvent aux élèves de remplacer un mot par un autre et de discuter sur les alternatives possibles . C’est aussi l’occasion de faire de la recherche dans un dictionnaire une activité dynamique.

Une alternative à cet exercice peut se faire grâce aux générateurs de synonymes/antonymes sur le net. En proposant aux élèves une réflexion critique portée sur un lexique offert sans structuration et sans nuance, on peut les aider à s’approprier les mots et leur donner l’occasion de s’emparer de stratégies pour se corriger à l’écrit.

Exemple 2 : les mots très polysémiques comme « vieux » peuvent faire l’objet de fabrications de corpus qui permettent d’éclairer les synonymes possibles ou impossibles.

Aspect syntaxique

Il s’agit d’observer le « comportement » du mot dans la chaîne de la phrase
On peut montrer comment des mots changent de sens selon leur environnement. C’est l’axe syntagmatique qui est privilégié ici.

Exemple 1 : On propose aux élèves d’écrire un mot suivi des différentes expansions qui lui permettent une caractérisation ( carte …à jouer, routière, grise, de bus, pomme de terre, de pin, de verre*).

On habitue les élèves à ne pas considérer le mot comme un élément isolé dans la phrase mais à observer tout ce qui peut faire comprendre son sens dans la chaîne du langage. C’est donner à l’observation de la langue une dimension concrète et nécessaire.

Exemple 2 : Le verbe « plaindre » a été observé dans ce sens. On propose aux élèves d’écrire des phrases pour composer un corpus. L’observation des différentes constructions (transitive ou pronominale), des sujets admis( humain/ non humain) met en lumière des sens différents. La comparaison avec les verbes "gémir", "geindre", "râler" permet d’affiner la sphère d’utilisation du mot.

Ces exercices sont inspirés de la méthode actantielle proposée par Picoche et Rolland dans leur Dictionnaire du Français Usuel.


Activités proposées

Ecriture

Les travaux d’écriture sont des moments particulièrement propices à la réflexion portant sur le lexique. On peut attirer l’attention des élèves sur ce qui constitue la trame lexicale d’un texte et comment elle est étroitement liée aux intentions qui président à sa rédaction.

Exemple :On peut proposer aux élèves de fabriquer des textes courts dans lesquels un réseau lexical permettra de mettre en lumière un mot « compliqué ».Cela permet de rendre saillant le fait qu’ un texte produit souvent un réseau de mots qui s’éclairent mutuellement.

Exemple : La fabrication de définitions simples peut être très formatrice (si elle se garde d’être purement académique) pour que les élèves s’emparent des lois qui président à la composition d’un article de dictionnaire. A partir d’un corpus proposé par la classe on peut réfléchir aux priorités qu’on accordera à telle ou telle entrée, à leur nécessaire classement, aux exemples qu’on attribuera à chacune d’entre elles.

C’est un exercice auquel peuvent participer avec profit les professeurs des autres matières et qui permettra de fixer les mots appartenant au vocabulaire abstrait.

Lecture

De l’utilisation des notes de bas de page...
Elles sont fréquemment utilisées pour pallier la pauvreté qu’on prête au vocabulaire des élèves.
Elles sont pourtant à utiliser avec discernement : la lecture analytique peut en effet peut tirer parti des mots inconnus des élèves pour procéder à un dévoilement du texte faisant ainsi d’une pierre deux coups : prouver aux élèves la nécessité de sentir les finesses de leur langue maternelle, montrer comment tel terme permet de créer une plus-value de sens.

L’exemple « La gent marécageuse » des fables de La Fontaine a été observée. Placer « grenouille » en note de bas de page priverait les élèves du plaisir que produit le dévoilement de ce groupe de mots énigmatique à première vue et rend improbable l’effort que l’élève devra produire pour y accéder.

Exemple : Un exercice productif comme alternative à la note de bas de page consiste à retirer quelques mots difficiles du texte distribué et de demander aux élèves quel mot ils placeraient dans ce « blanc » : les élèves proposent des mots moins précis, quelque fois des hyperonymes mais on peut ainsi leur montrer que le texte reste accessible pourvu on pose sur lui une lecture active.

Jeux

On peut fabriquer des jeux de cartes qui sont susceptibles de pousser les élèves à trouver le mot juste.

Exemple : quels mots précis utilise-t-on pour dire PLUSIEURS… casseroles, fleurs, poissons, clés…

Exemple : Quel est l’antonyme de frais/fraiche dans les groupes suivants : nouvelle fraiche ; viande fraiche ; temps frais ; herbe fraiche ; fleurs fraiches ; un accueil frais

La matière de ces jeux peut être progressivement constituée par les élèves eux-mêmes au détour des activités qu’on a été amené à produire en classe.

Conclusion

On peut reprocher à ces procédures d’apprentissage d’être chronophages mais elles mettent les élèves en situation de recherche et de construction mentale : conditions nécessaires pour qu’ils acquièrent du vocabulaire et se mettent en capacité de le réutiliser. Il devient plus facile d’évaluer leurs progrès car ce n’est pas tant le nombre de mots nouveaux retenus dont on peut vérifier l’acquisition que les capacités de l’élève à trouver des stratégies pour choisir le mot approprié et l’utiliser à bon escient.

Document joint
un document Bibliographie commentée (Word de 789.7 ko)

Bibliographie concernant l’enseignement du lexique en classe de Français

Impression

  Imprimer
  L'article au format pdf

Auteur

 Nathalie Tricoire

Dans la même rubrique

 Enseigner le lexique au collège