Une publication : vers une poétique de l’essai entre les XVIIIe et XIXe siècles publié le 08/03/2018

Présentation du dernier numéro de la revue La Licorne, PUR, 2017

Pages : 12

Le dernier numéro de La Licorne explore la question de l’essai au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. En voici une présentation en lien avec l’objet d’étude : « La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVIe siècle à nos jours ». N’hésitez pas à passer commande !

L’essai, généalogie anthropologique d’un nouveau genre argumentatif

La publication de Promenade et flânerie : vers une poétique de l’essai entre les XVIIIe et XIXe siècles donne un appui supplémentaire à la construction d’un projet didactique consacré à l’un des objets d’étude du programme de littérature en classe de première : « La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVIe siècle à nos jours ». L’analyse de la renaissance de l’essai au « tournant des Lumières » (Michel Delon, L’idée d’énergie au tournant des Lumières, PUF, 1988) permet tout d’abord de donner sens au projet humaniste de Montaigne, celui-ci demeurant le modèle fondamental des essayistes des Lumières, non seulement comme référence incontournable mais aussi comme premier praticien d’une écriture « à sauts et à gambades », délibérément digressive et décousue. Cette renaissance de l’essai est bien évidemment féconde en matière de poétique des genres mais révèle également, outre une évolution majeure du genre, une nouvelle forme d’argumentation indirecte, non méthodique, mais fortement persuasive. Procéder à une enquête généalogique sur l’essai dans la période 1760-1830 permet par conséquent d’ouvrir un questionnement sur la forme de l’argumentation, l’écriture littéraire qu’elle peut alors emprunter, la diversité des genres qu’elle sollicite. La mutation de l’essai induit une évolution notable du genre argumentatif, en même temps qu’elle pose une nouvelle équation entre écriture et réflexion anthropologique, philosophique. La réinvention de l’essai au tournant des Lumières est un point nodal de l’évolution des genres de l’argumentation du XVIe siècle à nos jours.

Écrire : un nouveau genre d’ouverture de l’homme à soi

Une pratique neuve de la subjectivité et de la libre écriture

Le parcours de lecture que propose le collectif Promenade et flânerie, de Rousseau à Diderot, de Rétif à Mercier, propose de saisir l’importance déterminante de la promenade dans la réinvention de l’essai entre les XVIIIe et XIXe siècles et met ainsi en pleine lumière une nouvelle forme d’argumentation, ainsi qu’une nouvelle expression organisée d’idées et de convictions. Les travaux de P. Glaudes et J.-F. Louette dans L’Essai (Armand Colin, 2011) ont déjà montré que ce type d’écrit devient après Montaigne une pratique littéraire majoritairement anglo-saxonne (Bacon, Locke, Hume), largement délaissée en France au XVIIe siècle, période de « sommeil de l’essai ». C’est au XVIIIe siècle qu’il renaît, d’abord comme œuvre à tendance polémique, éloquente et rhétorique, dépendante d’un système de pensée et pourvue d’une méthode, comme dans l’Essai sur l’origine des langues de Rousseau. Mais une révolution épistémologique est à l’œuvre, qui va renouer avec ce que Marielle Macé nomme « l’esprit de l’essai » inauguré par Montaigne. Dans les années 1776-1782, les Rêveries de Rousseau et l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron de Diderot témoignent notamment d’une nouvelle dynamique de l’essai, liée à l’expérience d’un autre rapport à soi et au monde, d’une solitude rêveuse et heureuse, ainsi qu’à l’expérimentation de la libre association d’idées. Non plus auteurs mais essayistes, des écrivains majeurs des Lumières comme Rousseau et Diderot s’affirment comme les artisans d’une nouvelle pratique de l’essai, liée à une nouvelle pensée de la subjectivité et à l’émergence d’une poétique de la conversation fondée sur la nonchalance et la digression. L’argumentation, ni méthodique ni rationnelle, utilise plutôt les ressources de la persuasion, peut-être alors plus efficaces pour obtenir l’adhésion aux thèses que l’on propose à l’assentiment d’un lecteur. Ouvrage méditatif et informe, lié à une expérience subjective et existentielle de l’essai-promenade, de l’essai-rêverie et de la marche intérieure, mobilisant davantage le cœur et l’imagination que la raison, la forme même de l’essai au tournant des Lumières contribue à la production d’une réflexion anthropologique et philosophique argumentative propre à la période.

L’écriture vagabonde, une promenade intime

Mais la promenade n’est pas univoque dans cette période nodale s’étalant globalement de la fin des années 1760 au début des années 1830. Pour l’auteur des Rêveries du promeneur solitaire, elle doit être effectuée dans la nature, alors que la première moitié du XIXe siècle consacre la figure du flâneur urbain, qui deviendra plus tard le « rôdeur » baudelairien. Elle demeure cependant une promenade à pied, gratuite et sans but. Aussi est-ce la triade marcher-penser-écrire qui demeure le dénominateur commun de cette évolution du genre et de l’ethos du poète qu’il véhicule. Pas d’écriture vagabonde sans posture de l’écrivain-marcheur : l’ethos du déplacement dans l’espace influence le mode de pensée et d’écriture. Le modèle pérégrin et intimiste fondé par J.-J. Rousseau fait émerger une nouvelle pratique d’écriture, celle de l’essai, écriture vagabonde, libre, naturelle, spontanée, sans normes, sans méthode, ne visant initialement qu’à transcrire des rêveries, des errances de l’esprit. « Vous dire en me promenant » : la formule anodine de J.-J. Rousseau devient progressivement la déclaration-slogan de tous les essayistes qui envahissent subitement l’espace littéraire au tournant des Lumières. La période est aux bouleversements, et la poétique des genres ne sera pas épargnée par une reconfiguration fondamentale des pratiques d’écritures, des écrits qui en résultent, du statut de cet auteur. La restructuration des systèmes de genre n’est pas une décision subite de révolutionner les normes d’écriture, ainsi qu’une réforme délibérée du statut d’auteur. C’est peu à peu, au fur et à mesure des compositions, que les frontières génériques de l’essai se dessinent, non pas artificiellement, en édictant les règles de l’écriture essayiste, mais par l’expérience même de ce type d’écriture particulier.

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