Olivier Barrot succombe aux charmes de la "Mitteleuropa" publié le 24/04/2015
Olivier Barrot écrivain ?
Le téléspectateur averti connaît bien le présentateur de l’indétrônable série "Un livre, un jour", mais il soupçonne peut-être un peu moins l’écrivain qui sommeille en ce passionné de littérature.
Après s’être aventuré en 2012 dans un voyage très intime sur les traces du père dans "Le fils perdu", Olivier Barrot déclare en 2015 sa flamme à l’Europe centrale et orientale. Le brillant anglophile qu’il est a de tout temps été fasciné par l’outre-Manche et puis, plus récemment, par l’outre-Atlantique.
Dans ce petit livre, il tourne le dos à l’Ouest pour partir à la rencontre de la Mitteleuropa. Lui qui ne parle pas allemand entreprend en effet un voyage dans des territoires au fort pouvoir d’évocation littéraire. Son objectif : retrouver les traces de sa grand-mère maternelle originaire de la lointaine Bessarabie (l’actuelle Moldavie). Cette aventure l’amène à sillonner de nombreux pays d’Europe centrale où il fait escale. Ces étapes sont autant de prétextes pour faire revivre des voix de légende et évoquer des lieux magiques. Il nous gratifie ainsi au gré d’une plume alerte de récits de voyages nourris de références culturelles qui forcent le respect.
De Vienne à Prague en passant par Brno (la patrie de Kundera et Hrabal), Budapest (occasion d’évoquer le destin tragique de l’écrivain Sandor Marai qu’il adule et qu’il élève au rang des "maîtres de l’Europe centrale" aux côtés de Canetti, Zweig et Rezzori), Bratislava, Varsovie, Berlin et j’en passe, Olivier Barrot accomplit "un voyage mental, un voyage historique, un voyage littéraire, un voyage artistique." (p.75)
Mais ce livre n’est pas que voyages sur une carte d’Europe depuis remodelée. Ce livre nous replonge dans le "Monde d’hier" si cher à Stefan Zweig. Barrot exhume en effet le passé le temps d’une petite centaine de pages et ramène à la surface des noms que la modernité a souvent effacés. Il rend au passage des hommages appuyés à ses maîtres à penser.
Parmi eux, placé en bonne position, on retrouve l’écrivain roumain Elias Canetti, l’auteur de "La langue sauvée". Olivier Barrot écrit à propos de cet ouvrage : "Il est légitime d’écrire d’un livre qu’il a changé votre vie, et, pour moi, tel est le cas de celui-ci." (p.45) Et il rajoute un peu plus loin : "L’oeuvre autobiographique de Canetti n’égale évidemment pas celle de Stefan Zweig seulement dans sa saisie d’un monde d’hier, elle transcende le contingent pour accéder à l’intemporel." (p.46) Et de citer l’auteur roumain lui-même : "La langue allemande restera la langue de mon esprit, cela parce que je suis juif. Je veux conserver en moi, en tant que juif, ce qui reste d’un pays dévasté de toutes les manières possibles. Le sort de ses fils est aussi le mien. Je veux rendre à leur langue ce que je lui dois." (p.46)