Dispositifs construits par l’homme. Comment mesurer une durée ? : Synchronisation. publié le 30/12/2008

Avoir une mesure précise du temps est une chose. Synchroniser les horloges en est une autre.
L’heure universelle, réglée sur le méridien de Greenwich, est tellement entrée dans les mœurs qu’elle semble avoir existé de tout temps. Pourtant, son installation fut loin d’être chose aisée. Tout commença en gros en 1875 avec la signature à Paris de la « Convention du mètre » qui consacrait la création du Bureau International des Poids et Mesures, site du BIPM.
Dans le même esprit de rationalisation et compte tenu de la mondialisation — déjà ! — des échanges en tout genre, se posa alors le problème de la rationalisation de l’heure — et accessoirement des mesures angulaires à base non décimale. En effet, à cette époque, chaque ville avait son heure.
Or, le développement des chemins de fer allié à celui de la télégraphie électrique nécessitait de plus en plus d’harmoniser toutes ces heures. Ainsi, quelqu’un qui prenait le train à Brest était-il en face de trois heures différentes : celle de Brest, celle dans la salle d’attente synchronisée sur Paris et celle du quai, en retard de trois à cinq minutes pour rendre irrecevables les contestations de voyageurs.
La télégraphie, développant une véritable « toile » en réseau sur le globe, donnait l’occasion de synchroniser les horloges, la chose étant plus facile à dire qu’à faire. Il y a certes les problèmes techniques, et au travers eux les problèmes théoriques — propagation du signal électrique — mais aussi des problèmes d’ordre économique, politique, diplomatique, géographique, voire nationaliste.
En 1884, après une conférence houleuse qui eut lieu à Washington, un traité fut signé instituant le méridien de Greenwich comme méridien de référence. Les Français qui, pratiquement seuls contre tous, militaient pour la neutralité de la référence horaire — en tout cas tout, mais pas Greenwich et de préférence Paris —, ne se rallièrent à ce traité qu’en... 1911 et restèrent ainsi en avance sur le monde de 9 minutes 21 secondes pendant 27 ans.
L’immense physico-mathématicien Henri Poincaré (1854-1912), membre du Bureau des Longitudes en 1893 — il en devint le président en 1899 — fut ainsi confronté à l’ensemble des problèmes soulevés par la cartographie électrique usant tout d’abord du télégraphe électrique, puis de la télégraphie sans fil après 1900. Voulant décimaliser les mesures angulaires — les fameux « grades » — et horaires, il fut en butte à l’opposition des... physiciens : en effet, décimaliser le temps contraint à modifier toutes les unités où il intervient.
Quoi qu’il en soit, établir avec précision les longitudes conduisit rapidement à se poser des questions de fond : comment synchroniser deux horloges qui ne sont pas au même endroit ?
Que signifie que deux évènements sont simultanés ? En 1898, Poincaré montra ainsi combien la mesure du temps est affaire de « convention » — « La simultanéité de deux événements ou l’ordre de leur succession, l’égalité de deux durées, doivent être définies de telle sorte que l’énoncé des lois naturelles soit aussi simple que possible. »

Pour en savoir plus, on ne peut que vivement recommander la lecture du livre passionnant de Peter Galison sur la question, à savoir L’empire du temps, les horloges d’Einstein et les cartes de Poincaré (Robert Laffont, 2005).