Assises académiques des langues vivantes publié le 30/11/2008  - mis à jour le 28/04/2010

30 septembre 2008

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A quoi sont dues depuis toujours les réticences, jamais levées, suscitées par l’espéranto ? A ses limites, assurément. Apprendre une langue ne consiste pas à retenir mécaniquement un ensemble de signes ; c’est s’ouvrir à une culture autre, plus ou moins semblable à la nôtre, dans certains cas, mais présentant également, nécessairement, un certain nombre de singularités, de différences. Chaque langue perçoit le monde de façon singulière et c’est cette singularité qui nous attire et peut nous enrichir. Aussi faut-il prendre au mot les directives de l’Union européenne visant à promouvoir l’apprentissage des langues. Puisque sont aujourd’hui créés, dans le cadre des sections européennes, des enseignements d’histoire ou de géographie dispensés en anglais, allemand, espagnol, etc., saisissons cette opportunité pour promouvoir réellement le développement des langues. De toutes les langues, et non pas seulement des deux langues dominantes du moment — l’anglais et l’espagnol —, au détriment de l’italien, du portugais, de l’allemand, du russe, aujourd’hui en difficulté. Gardons-nous de cette étrange fascination ressentie par les élites, semble-t-il, pour l’anglais, qui irait jusqu’à éclipser, si l’on n’y prenait garde, l’usage même du français. Fascination puérile et parfois même grotesque pour un anglais souvent de pacotille, mal prononcé de surcroît, qui fait dire à certains que les avions « se crashent », ou encore parler des « wineurs et des wineuses » lancés dans de rudes « challenges », à la prononciation incertaine, quand ce n’est pas de « best of », à longueur de journée. Ne peut-on apprendre l’anglais et se souvenir également qu’en français les avions s’écrasent au sol ou s’abîment en mer, qu’il y a des gagnants et des perdants, des défis à relever, et qu’il existe encore en France... des florilèges. L’apprentissage des langues, on le voit, n’est pas étranger aux rapports de force, changeants, comme on le sait, ni aux contradictions inhérentes à l’institution elle -même. Il ne suffit pas d’affirmer théoriquement, officiellement, de l’intérêt pour la pluralité des langues. Encore faut-il que le moteur institutionnel (l’école, l’université) se fasse le garant de l’organisation d’un apprentissage suivi, d’une diffusion cohérente et régulière desdites langues, qui ne sauraient être tantôt portées au pinacle (ce fut, il y a quelques années, le cas du russe, puis de l’allemand, langue d’excellence, semblait-il), tantôt jetées à bas de leur piédestal.

Depuis 2005, le plan de rénovation de l’enseignement des langues vivantes semble vouloir réellement faire des jeunes Français des polyglottes. La priorité serait, semble-t-il, donnée à l’expression orale, sans que pour autant soit négligée la maîtrise de l’écrit. On parle également d’introduire l’apprentissage d’une seconde langue vivante dès le primaire. Toutes ces ambitions sont légitimes, mais ne doivent pas faire oublier que la condition sine qua non d’une bonne maîtrise de toute langue vivante, quelle qu’elle soit, suppose préalablement la bonne maîtrise de la langue maternelle. Ce qui est loin d’être le cas de nos jours.