Assises académiques des langues vivantes publié le 30/11/2008  - mis à jour le 28/04/2010

30 septembre 2008

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Conférence de Madame Maryse Renaud

Madame Maryse Renaud est Professeur des Universités. Spécialiste de Littérature hispano-américaine, elle est Responsable du Séminaire de Littérature Latino-américaine dans le cadre du CRLA (Centre de Recherches Latino-américaines).

Elle vient de publier un recueil de 10 nouvelles en Argentine, chez Corregidor, intitulé En abril, infancias mil .

Ouvrage en vente à la Librairie de l’Université, 70 rue Gambetta, POITIERS ; Librairie Gibert, 7 rue Gambetta, POITIERS, Librairie l’Harmattan, 16 rue des Ecoles 75005 PARIS V ; Librairie espagnole, 7 rue Littré 75006 PARIS VI


Une tour défraie aujourd’hui la chronique : celle que le maire de Paris, Bernard Delanoë, a commandé à deux architectes suisses — Jacques Herzog et Pierre de Meuron —, qui devrait s’élever dans le Parc des expositions de la Porte de Versailles. Une construction gigantesque en forme de triangle, haut, étroit, à l’allure avant-gardiste. Rappelons que c’est à ces deux architectes que l’on doit déjà le fameux Stade olympique de Pékin, le « Nid d’oiseaux ». Il faut s’attendre, bien évidemment, de la part des Parisiens et des Français en général à des réactions contrastées : enthousiasme, exaltation, d’un côté, mais aussi hostilité, voire dénigrement, de l’autre. Mais du moins les auteurs de cette tour provocante de deux cent onze mètres (un de plus que la Tour Montparnasse), qui n’est encore qu’un projet, n’encourent-ils pas la malédiction divine.

Tel ne fut pas le cas, en des temps fort anciens, des téméraires bâtisseurs de la Tour de Babel. A en croire le texte biblique (chapitre 11 de la Genèse), les descendants de Noé, après avoir subi le terrible déluge qui faillit avoir raison du monde, s’établirent dans une plaine et décidèrent d’y élever une ville à la verticale, une tour, qui devait les mettre définitivement à l’abri d’un nouveau déluge. Mais une autre pensée moins avouable, plus transgressive, les habitait. Cette tour gigantesque, censée monter jusqu’au ciel, faisait implicitement de l’homme un dangereux rival de Dieu. Il y avait dans ce projet prométhéen, titanesque, un désir d’affirmation de l’autonomie, de la liberté humaine. Et nous le savons tous, la loi du Père s’abattit sur ces fils indociles qui pour l’heure, il convient de s’en souvenir, ne parlaient qu’une seule langue, s’entendaient parfaitement et partageaient la même intolérable arrogance. Dieu décida donc de semer le trouble parmi les hommes. A cet effet, il créa délibérément une multiplicité de langues, véritable barrière qui devait avoir et eut effectivement pour conséquence l’incompréhension entre les bâtisseurs, l’abandon du projet de construction de la Tour de Babel et la dispersion des foules désemparées. Les hommes se répandirent horizontalement, se reproduisirent conformément à la volonté divine et s’appliquèrent désormais à dominer la nature. L’unicité triomphait donc de la pluralité, de la multiplicité, du moins dans le mythe de la tour de Babel. Un beau mythe, plein d’enseignement, et qui nous a donné par ailleurs dans la peinture occidentale de magnifiques tableaux (de Breughel, notamment).