Modéliser les contrôles hormonaux du cycle sexuel féminin publié le 09/02/2022

Corps humain et santé / Hormones et procréation en seconde. Un modèle analogique visualisant le rôle fluctuant des oestrogènes sur l'hypophyse.

Le contexte pédagogique

Le BO, nouveaux programmes 2019 de seconde

Cette partie concernant la procréation humaine était traitée en première S dans l’ancien programme, elle est à présent basculée en seconde générale. On retient que la compréhension des régulations du cycle sexuel féminin est nécessaire pour expliquer aux élèves la contraception hormonale et les traitements disponibles dans l’aide médicale à la procréation. Globalement les mêmes objectifs de compréhension sont attendus, mais il y a une précision de taille dans le BO : "La connaissance des différents types de rétrocontrôle n’est pas attendue..."

Un extrait du BO :
Partie Corps Humain et Santé / Procréation et sexualité humaine /Hormones et procréation humaine :
"Le fonctionnement de l’appareil reproducteur repose sur un dispositif neuroendocrinien faisant intervenir l’hypothalamus, l’hypophyse et les organes sexuels. La connaissance de plus en plus précise des hormones naturelles endogènes contrôlant les fonctions de reproduction humaine a permis progressivement la mise au point de molécules de synthèse exogènes qui leurrent ce système et permettent une maîtrise de la procréation"..." ces molécules de synthèse sont utilisées dans la contraception régulière"..."Selon les problèmes de stérilité ou d’infertilité, différentes techniques médicales peuvent être utilisées pour aider à la procréation (AMP)"

Motivation pédagogique

C’est la limite plaçant quasiment le rétrocontrôle positif hors programme, qui m’a conduit à proposer à mes élèves un modèle leur permettant de visualiser un mécanisme simple, dans lequel l’action d’une hormone sur l’organe cible change radicalement, selon sa quantité présente dans le sang.

Puisque la différence entre rétrocontrôle négatif et positif n’est pas clairement identifiée dans le BO, mais qu’elle est absolument indispensable à la compréhension des régulations, il était délicat de reprendre la démarche explicative utilisée en première S. Il me fallait une approche différente, j’ai donc remplacé le basculement du rétrocontrôle par la notion de "trop plein". Quand la quantité d’hormone sécrétée par les ovaires dépasse une certaine limite, ce ne sont plus les mêmes "acteurs" moléculaires qui interviennent et le cerveau change de comportement. Alors qu’il était freiné dans sa sécrétion de LH, il est subitement stimulé.

La régulation du cycle sexuel de la Femme est pour moi un des cours plus compliqué à illustrer et malgré toutes les astuces déployées (animations, vidéos, études de documents, exercices de raisonnement divers), la plupart du temps, les élèves finissent par mémoriser un schéma bilan qui regroupe la succession des étapes de la régulation du cycle sexuel féminin. Or, chacun sait que mémoriser un schéma sans en comprendre les concepts pose problème sur la pérennité des connaissances...

Avec ce modèle, en seconde, je n’attends qu’une chose en terme de raisonnement, qu’ils comprennent le rôle du trop plein d’œstrogènes sur le cerveau et expliquent logiquement les sécrétions de LH (avec bien entendu le pic au 14e jour) au cours du cycle sexuel.


Considérations scientifiques sur les régulations hormonales

Si la communication hormonale et la nécessité qu’un message chimique puisse avertir le cerveau du fonctionnement des ovaires est bien intégrée, quand on interroge les élèves sur le fait qu’une même substance puisse à la fois freiner ou accélérer le fonctionnement de l’hypophyse en fonction de sa concentration plasmatique, la réponse "explicative" du rétrocontrôle hormonal la plus fréquente est "c’est comme ça, il faut le savoir" !

J’ajoute que si la même question m’est posée aujourd’hui, "qu’est ce que c’est que cette bizarrerie de signal hormonal mixte des œstrogènes sur l’hypophyse ?", et bien je n’ai toujours pas de réponse claire. J’avais différé la rédaction de l’article pour cette raison, mais l’activité fonctionne avec les élèves, alors je décide de la partager malgré tout

Pour construire cette activité, je suis parti du principe qu’il existe des récepteurs moléculaires à œstrogènes de deux types, activateurs ou inhibiteurs sur la transcription des gènes. Ils sont présents en proportions variables, dans les cellules tumorales du cancer du sein (ER+ ou ER-). Je suppose donc qu’il peuvent exister sur des cellules hypophysaires. Par contre, le déclenchement du rétrocontrôle positif est pour l’instant en dehors de mes compétences. Il existe de nombreux co-régulateurs non stéroïdiens (inhibines, activines) qui boostent ou inhibent l’accrochage du complexe récepteur-œstrogène sur l’ADN. Il existe non seulement des récepteurs nucléaires, mais aussi des récepteurs membranaires à l’œstrogène et selon le type de récepteur sollicité, ce ne sera pas les mêmes facteurs de transcription qui agiront. Certaines combinaisons moléculaires activent, d’autre inhibent la synthèse protéique.

Si les élèves me demandaient une explication cohérente, je leur proposerais la suivante (qui est assurément scientifiquement fausse) : les deux types de récepteurs + et - n’auraient pas la même affinité pour l’œstrogène, les récepteurs - étant plus attractifs capteraient en priorité les œstrogènes circulants, et quand ils seraient tous occupés, l’œstrogène pourrait aller se fixer sur les récepteurs +, qui seraient beaucoup plus efficaces que les récepteurs - dans leur action sur le cerveau.

Dans le modèle, je n’évoque que les œstrogènes et la LH, alors qu’en fait, le rétrocontrôle des œstrogènes sur l’axe hypothalamo-hypophysaire se fait plutôt via la FSH. C’est une erreur scientifique que je tolère pour ne pas complexifier le modèle avec une deuxième hormone hypophysaire.


mise en œuvre de l’activité)

La construction du modèle analogique

Deux récipients sont reliés par un tuyaux mais à deux hauteurs différentes pour que le contenu de l’un puisse se déverser dans l’autre. Des tuyaux de vidange avec robinet sont également ajoutés à la base des deux récipients. La longueur des tuyaux doit permettre à la fois leur positionnement sur deux balances de labo, et un écoulement des vidanges dans un évier à proximité sur les paillasses.

Au moins une des deux balances doit avoir une possibilité de changement d’unité, de façon à ce que l’affichage, pour une même masse d’eau, soit plus important pour la balance + (réglage sur once ou sur livre pour la balance -)

Les prérequis

Les élèves ont déjà vu en travaux pratiques l’anatomie des organes génitaux, la production des cellules sexuelles dans les testicules et les ovaires, avec les follicules à différents stades (observations microscopiques). La chronologie et le synchronisme des cycles ovariens et utérins est connue mais aucune courbe des taux plasmatiques d’hormones n’a été montrée.

Avec le recul, un rappel du principe de la communication hormonale, vu au cycle 4 est certainement nécessaire, cela évite de revenir sur la question durant la séance.

Un texte introductif contenant rappels et éléments nécessaires à la réflexion

  • Une femme pubère est capable d’enfanter, ses règles sont le signe d’un utérus qui se renouvelle chaque mois pour accueillir un éventuel ovule expulsé de l’un de ses 2 ovaires. Le cycle dure en général 28 jours.
  • C’est le cerveau qui contrôle les cycles, grâce à plusieurs hormones comme la LH produite dans l’hypophyse. L’ovaire, quant à lui, produit d’autres hormones, comme les œstrogènes qui déterminent l’apparition des caractères sexuels secondaires. C’est en détectant les œstrogènes dans le sang que le cerveau « sait » que les ovaires fonctionnent correctement.
  • Un des signes que le cerveau contrôle bien les cycles sexuels, c’est qu’en cas de stress prolongé, les règles peuvent devenir irrégulières, douloureuses, voire même s’arrêter, tout ça parce que le cerveau ne délivre plus les quantités habituelles d’hormones…
  • Important : c’est le follicule (ovule + cellules qui l’entourent) qui produit l’œstrogène. Le follicule ne fait que grossir durant les 14 premiers jours du cycle, l’ovulation (expulsion de l’ovule hors de l’ovaire) a lieu au 14e jour, juste après une forte décharge de LH.

Les documents à renseigner et les consignes de travail

Objectif de la séance : Comprendre comment l’œstrogène est indirectement responsable de l’ovulation.

  1. Réaliser vos expériences et renseigner judicieusement le tableau de résultats.
  2. Expliquer par quelques phrases ce que vous avez cherché à faire, ce que vous avez compris.
  3. Proposer une courbe des taux d’œstrogènes durant le cycle sur le graphique incomplet
  4. Remarque : quand vous aurez choisi / déduit quelle est la balance qui stimule (balance +) et la balance qui freine l’hypophyse (balance -), appeler le professeur.

Le matériel et les précisions de mise en œuvre

  • Le matériel :
    • 2 balances,
    • 2 récipients reliés par des tuyaux et dotés d’une vidange,
    • 1 éprouvette graduée
    • 1 bécher de 500 mL
    • 1 graphique des concentrations sanguines en LH
  • Informations méthodologiques :
    • Une balance = récepteurs hypophysaire de l’œstrogène qui stimulent la production de LH.
    • Une balance = récepteurs hypophysaires de l’œstrogène qui freinent la production de LH.
    • Chaque récipient du modèle est posé sur une balance.
    • L’eau « ajoutée » correspond aux œstrogènes circulant dans le sang.
    • L’éprouvette permet de mesurer une concentration sanguine en œstrogène.
    • De nombreuses aides sont disponibles, il suffit de les demander.

Aides apportées au cas par cas durant la séance

Observer les élèves en activité est comme d’accoutumé très instructif, voici une liste des aides délivrées oralement ou sur papier prédécoupés. En utilisant cette stratégie, environ la moitié des binômes ont compris le rôle du trop plein dans l’inversion du rétrocontrôle.

  • Balances : dans le TP, elles ne sont plus des outils pour peser, elles sont « devenue » des indicateurs d’activité de l’hypophyse, plus la valeur affichée est grande plus le frein ou la stimulation sont importants.
  • Balances : peser le contenu des éprouvettes ou des béchers n’a pas d’intérêt ici
  • Balances : mesurer avec précision les quantités d’œstrogènes versées n’est pas essentiel
  • Balances : Les récipients sont placés sur les balances, la tare doit être vérifiée avant de verser l’eau
  • Balances : Quelle est la balance qui stimule, quelle est celle qui freine l’hypophyse ?
  • Vidange : la vitesse d’écoulement dans les tuyaux de vidange n’a pas d’intérêt, cela évite simplement d’avoir à retourner les récipients entre chaque expérience
  • Vidange : Si on ne considère pas ce qui reste dans le fond des deux récipients, ce qu’on récupère par les vidanges correspond toujours à la quantité qui a été versée dans les récipients (utile quand un groupe se met à mesurer les quantités qui s’écoulent du modèle)
  • Vidange : quand les vidanges ont fini de vider les récipients, la journée (l’expérience du jour) est terminée.
  • Protocole : chaque remplissage correspond à une expérience, donc à un jour du cycle
  • Protocole : le sang circule dans un seul sens, il arrive au cerveau par les artères et repart dans les veines (utile quand les élèves remplissent simultanément les deux récipients)
  • Protocole : tout le tableau ne doit pas être rempli, choisir quelques jours qui vous semblent importants ou représentatifs durant le cycle
  • Montage récipients : regarder à quel niveau sont reliés les deux récipients
  • Montage récipients : La vidange correspond à ce qui "sort" du cerveau, après avoir agit sur l’hypophyse, ce serait par exemple les œstrogènes qu’on récupère dans les urines.
  • Éprouvettes : Elles sont utiles pour mesurer globalement la quantité d’œstrogènes arrivant au cerveau, on pourrait associer la quantité d’œstrogènes aux zones grisées dans les follicules en développement

Améliorations possibles du modèle

  • La vidange du récipient n°2, celui posé sur la balance +, devrait permettre de tout vider.
  • Le récipient n°1 devrait être un peu plus haut que le récipient n°2, de façon à pouvoir remplir davantage et donc obtenir des quantités d’œstrogènes plus importantes dans le tableau de résultats.
  • Quand les balances sont choisies, régler les unités : g > lb (g/2) > oz (once = 28g) de façon à ce que l’affichage de la balance « + » soit supérieur à masse égale, à la balance « - ». Si vous n’avez pas de possibilité de modifier l’unité, indiquer aux élèves qu’il faut multiplier par dix les données affichées sur la balance +.
  • Par rapport au volume de vos récipients, il faut dans l’idéal caler un facteur multiplicateur de la balance qui stimule de façon à ce que quand les deux vidanges sont terminées, il n’y ait pas plus de stimulation que de frein.
  • Au niveau logique manipulatoire, surveiller ceux qui remplissent directement le récipient n°2 sans passer par le récipient 1 (balance -).
  • Dans le modèle photographié, Il faut à peu près 200 mL dans le récipient n°1 pour que le liquide commence à s’écouler dans le récipient n°2.

La séance suivante, après le modèle

Rétrocontrôles et concentrations en EE (Ethynil Estradiol) dans les pilules ?

Quand les rétrocontrôles sont compris, il est temps d’expliquer le rôle de la pilule, donc comment l’Homme exploite le rétrocontrôle négatif. Cependant, si on propose aux élèves d’étudier les concentrations d’œstrogènes dans les pilules contraceptives, ce n’est pas aussi "simple" qu’il n’y parait.

En regardant un graphique classique de l’évolution des taux plasmatiques d’œstradiol sur 28 jours, on remarque qu’au maximum, selon les sources, les ovaires sécrètent 200 à 300 picogrammes d’hormones endogènes par millilitre de sang. Une remarque à ce sujet qui n’est pas anodine, la majorité des élèves interrogés pensent avec ces graphiques, que sous pilule, il n’y a pratiquement plus d’hormones dans le sang. Il est bon de préciser que ces documents font toujours référence aux hormones endogènes !

En effet, dans les pilules combinées, on trouve maintenant des concentrations de 15 à 35 microgrammes. Un simple calcul avec une réflexion sur les unités de masse, rapporté au volume de sang d’une femme (environ 5 litres) montre que les comprimés contiennent au moins 10 fois plus d’hormones exogènes que ce que les ovaires produisent (15 µg comparés à 300 pg/mL).
On atteint alors les limites du modèle, ce ne serait pas la dose d’œstradiol qui déclencherait le pic de LH, mais la variation de quantité au cours du cycle.

Le traitement hormonal de première intension

On le prescrit en cas d’infertilité d’origine ovulatoire. Il s’agit de booster les ovaires en administrant des anti-œstrogènes qui bloquent les récepteurs de l’hypothalamus, il s’en suit une augmentation de la sécrétion de GnRH qui à son tour élève le taux de FSH puis de LH. Il existe différents protocoles mais le traitement classique repose sur 5 jours de prise à partir du 3e ou du 5e jour du cycle. Des documents traitant du sujet peuvent faire le lien avec une suppression du rétrocontrôle négatif compris avec la modélisation.

La stimulation ovarienne dans le cadre d’une AMP

Dans ce cas, les traitements vont agir sur le rétrocontrôle positif. Il y a en général 3 phases qui peuvent toutes être exploitées pour affiner la réflexion des élèves sur le fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire, mais j’insiste davantage sur la troisième.
 La première phase bloque les ovaires grâce à des antagonistes de la GnRH, qui bloquent l’hypophyse.
 La deuxième phase stimule les ovaires avec des gonadotrophines qui vont initier la croissance des follicules
 Avec la troisième phase, quand l’échographie montre des follicules matures, l’ovulation est déclenchée avec une injection de LH recombinante.