Une modélisation simple des mouvements isostatiques publié le 22/09/2017

Isostasie - Terminale S - Modélisation. Mise en évidence d'une racine crustale ou pas...

Contexte de l’élaboration du modèle

Nous avions besoin d’un montage permettant de visualiser en classe les mouvements isostatiques, quelque chose que les élèves pourraient manipuler simplement sans autre aide que leur logique face à un relief à représenter.
Il existe bien des animations sur le net, mais la démarche d’investigation qui en découle est limitée et est surtout très éloignée du contexte manipulatoire que nous recherchions ici (voir par exemple l’outil de simulation Isostasy).

Les exemples de modèles analogiques mimant les équilibres isostatiques sont maintenant assez nombreux sur la toile, nous nous en sommes bien évidemment inspirés.

  • Nous avons testé des montages utilisant des pièces de bois (1/4 de rond) de longueurs et de densités différentes s’enfonçant dans des éprouvettes remplies d’eau. Les élèves manipulaient en binôme, sur 2 éprouvettes mais le bois avait tendance à se coller à la paroi en verre ce qui amenait parfois à des observations contradictoires. En outre, le matériel à prévoir en nombre de morceaux de bois est conséquent (les élèves doivent avoir du choix...)
  • Une autre tentative utilisait des chevilles en bois. Afin de modifier leur densité, certaines étaient creusées (disposées trou vers le haut, la bulle d’air qu’elles renferment les allège), d’autres non. La hauteur de la colonne de roche dépendait du nombre de chevilles entassées. Chaque binôme expérimentait cette fois dans 6 tubes à essais sur portoir. Ils étaient remplis d’un même volume d’eau. Mais là encore, des résultats contradictoires survenaient au deuxième essai (les chevilles de bois mouillées n’ont plus la même densité et se collent souvent au tube).
  • Nous avons ensuite travaillé avec des petits tasseaux déposés à la surface d’un bêcher de 500 ml rempli de pâte Slime® . La dynamique du mouvement observable nous a tout de suite séduit, l’enfoncement est lent (contrairement aux montages utilisant l’eau). Le niveau de référence (altitude zéro) permettant de comparer l’enfoncement des tasseaux parait fixe à l’œil nu (contrairement au liquide déplacé vers le haut quand le bois s’enfonce dans les tubes de verre). En outre, ce substrat ductile nous semble représenter bien plus avantageusement l’asthénosphère que l’eau. Enfin, nous utilisons à nouveau la pâte Slime® en guise d’asthénosphère, plus tard dans la progression, quand nous abordons la géothermie (voir "un modèle analogique simple pour expliquer la forme du géotherme").

La fabrication du modèle

Le matériel

Au total, quatre personnes ont participé à l’élaboration définitive du modèle, Mme Supervie et moi même par les nombreux tests effectués en situation avec les élèves, mais aussi M. Heurtebise et M. Bouvet par leurs idées judicieuses sur le matériel adéquat à utiliser.

Matériel modèle isostasie

 Nous avons trouvé le contenant idéal pour notre pâte Slime® , une petite boîte plastique (voir photo matériel) qui remplit exactement la base de nos portoirs métalliques à bain-marie, en hauteur comme en largeur.
 Des tubes à hémolyse sont remplis avec des hauteurs variables de farine ou de craie (rouge) pour simuler les différentes hauteurs de colonnes de roches.
 La farine étant moins dense que la craie, on retrouve notre deuxième paramètre variable, la densité.
 La teneur en PVA (alcool polyvinylique) de la pâte Slime® est ajustée en fonction du remplissage et de l’enfoncement des tubes (entre 10 et 12%).

Préparation de la pâte Slime®

 Le Slime® est une pâte gluante composée de polymères et de borax.
 La "recette" qui suit provient du site Eduscol Culturesciences chimie
 C’est le PVA en poudre qui donne la densité du Slime® (10%).
 Il est important d’avoir un PVA avec une masse molaire supérieure à 80000 g/mol pour avoir un bon Slime®, celui que nous avons utilisé pour nos tests de concentration est à M > 130 000 g/mol

  • Solution aqueuse d’alcool polyvinylique :
    1. Chauffer 100 mL d’eau à 80°C (ne pas porter l’eau à ébullition) dans un Erlenmeyer de 250 mL.
    2. Ajouter très lentement 10 à 12 g (à ajuster en fonction des tubes)) d’alcool polyvinylique (PVA) à l’eau chaude tout en agitant vigoureusement la solution. La solution doit être homogène (Cela dure environ 30 minutes).
    3. Une fois homogène, faîtes refroidir la solution à température ambiante (en s’aidant éventuellement d’un bain d’eau froide).
  • Solution de tétraborate de sodium (appelé également borax) :
    Préparer environ 10 mL d’une solution aqueuse contenant 400 mg de borax par dissolution. La solution obtenue est une solution dite saturée, c’est-à-dire que l’on ne peut pas solubiliser davantage ce solide dans l’eau. Elle est conservée dans ce bécher.
  • Préparation du Slime®
    Ajouter lentement la solution de borax à la solution aqueuse de PVA tout en agitant à l’aide d’une baguette en verre ou d’une spatule. Cela prend en masse : c’est le Slime® !

Mise en œuvre du modèle : la séance

Déroulé de la séance

Cette séance est donc le premier TP du thème traitant des caractéristiques de la lithosphère continentale.
Elle a pour objectif de mettre en évidence et expliquer les variations d’altitude et d’épaisseur de la croute terrestre : réflexion sur les altitudes moyennes de la croûte océanique versus la croûte continentale, et mise en évidence et explication de la présence d’une racine crustale.
On cherche à à faire en sorte que les élèves réfléchissent par eux-mêmes sur la dynamique lithosphérique et son rééquilibrage permanent sur l’asthénosphère.

  • Le TP peut débuter par un bref rappel des notions de 1S : l’étude des ondes sismiques a montré que la limite inférieure des croûtes terrestres est marquée par une surface de discontinuité, (responsable de la réflexion des ondes sismiques) : le Moho.
  • Ensuite, pour mettre en évidence les variations d’altitude de la croûte terrestre, les élèves réalisent un profil topographique via Google Earth, (traçage des profils d’élévation).
  • On peut alors leur demander de tracer approximativement le Moho sous leur profil topographique. Quand on débute par cette activité manipulatoire sans avoir déjà montré "les solutions" en cours par des documents illustrant les épaisseurs des croûtes, on constate, tout à fait logiquement, que l’existence d’une racine crustale est loin de s’imposer à tous les élèves.
    La confrontation des différentes propositions des élèves (problèmatisation) justifie l’utilisation d’un modèle analogique pour tester la plausibilité de leur hypothèse (tracé du Moho)...

Objectif de la modélisation : avec des tubes à essai remplis soit de craie, soit de farine, avec 3 niveaux de remplissage correspondant à la hauteur des colonnes de roche, reproduire un relief qui ressemble aux Alpes, ou bien représenter les différences d’altitudes entre le plancher océanique et le continent...

  • Pour exploiter judicieusement les résultats de la modélisation, ils ont les densités de la craie, de la farine, de la pâte Slime® et ils doivent mesurer (avec échantillons, balances et éprouvettes) la densité de la péridotite, du basaltes, du gabbros et des granites. Ces roches sont associées à leur enveloppe respective (manteau, plancher océanique, continent).
  • Chaque binôme ne mesure qu’un ou deux échantillons, la mise en commun des résultats donne les valeurs de densité moyennes des 4 roches.
  • Une schématisation du résultat de la modélisation est attendue avec une légende appropriée faisant la correspondance avec les enveloppes terrestres.
  • Les résultats du modèle sont confrontés à la réalité grâce au fichier KMZ de Google Earth qui donne les profondeurs du Moho. (Ce fichier est disponible avec bien d’autres sur le site eduterre de Lyon).
  • Les élèves critiquent leurs résultats, expliquent leurs choix, leur logique expérimentale (très instructif pour évaluer la démarche d’investigation ou la cohérence scientifique) et proposent éventuellement des limites au modèle.
  • Les deux modèles, Airy et Pratt, sont par la suite étudiés en cours.
  • Il convient de rappeler que les observations réalisées ne reposent "que" sur un modèle, qui peut s’éloigner par certains aspects des conditions réelles et qui est avant tout utile pour s’imprégner du concept du réajustement isostatique permanent de la lithosphère sur l’asthénosphère.

De très nombreuses combinaisons sont effectivement proposées par les élèves durant la séance, certains parviennent à obtenir des reliefs en mélangeant les hauteurs de colonnes et les densités différentes...

Voici quelques photos illustrant le fonctionnement du modèle (démonstration du professeur lors de la correction du TP).

densite_differente

Deux colonnes de roches de même hauteur mais de densités différentes

oceanique_vs_continent

Illustration de la différence d’altitude entre le plancher océanique (plus dense) et une croûte continentale avec des reliefs


Succession de clichés montrant l’enfoncement des colonnes de roches avec apparition d’une racine crustale (illustration du modèle d’Airy)

Quelques astuces

  • La pâte Slime® est conservée plusieurs jours au frigo dans sa boîte avec son couvercle fermé pour éviter son dessèchement et permettre la remontée des bulles d’air. Au bout de 3 jour, la pâte devient translucide.
  • Le portoir doit permettre la descente des tubes mais aussi les guider pour ne pas qu’ils basculent lors de leur enfoncement.
  • En faisant pivoter le montage de 180°, les élèves peuvent rapidement faire plusieurs tests d’affilée, car quand on travaille sur un bord, l’autre se rééquilibre.
  • Les tubes en verre sont à proscrire, car même vides, ils sont plus dense que la pâte Slime® .
  • Il y a un peu de temps à passer pour caler les différentes épaisseurs de craies et de farine par rapport à la densité de la pâte Slime® préparée.
  • Attention ! Si le montage est laissé trop longtemps en fonctionnement, les tubes les plus lourds finissent par toucher le fond de la boîte. Les élèves doivent donc repérer dans un délai raisonnable les résultats pertinents. Éventuellement, augmenter légèrement la densité de la pâte Slime® ou alléger de quelques grammes les tubes les plus lourds.