Un modèle analogique simple pour expliquer la forme du géotherme publié le 27/04/2016  - mis à jour le 23/06/2017

Géothermie - Terminale S - Modélisation

Nos motivations pédagogiques

Dans la partie traitant les propriétés thermiques de la Terre, (Thème 2 : enjeux planétaires contemporains) la difficulté n’est pas de faire comprendre que les mouvements convectifs n’ont lieux que dans le manteau. Les élèves savent ce qu’est la lithosphère, ils ont compris les remontées asthénosphériques de magma en première S, avec le fonctionnement des dorsales et des points chauds.
Par contre, chaque année, au moment du cours récapitulatif, nous "butions" dans nos explications sur quelque chose de paradoxal pour un élève de terminale : comment se fait-il que la pente du géotherme dans le manteau soit moins marquée que dans la croûte, alors que c’est justement dans le manteau que le transfert thermique est le plus efficace (du fait de la convection) et qu’en plus, on se rapproche du noyau, donc de la source d’énergie thermique ?

Autrement dit : Comment se fait-il que la température augmente davantage (ou + vite...) dans la croute terrestre que dans le manteau alors que celui-ci est plus proche de la source de chaleur et que la convection est plus efficace que la conduction dans le transfert de chaleur ?

Même si nos TP étaient centrés sur cette problématique, le modèle classique utilisant l’eau + thermoplongeur ne permettait pas de mettre en évidence que les transferts de chaleur se font différemment suivant les propriétés du milieu puisque nous n’utilisions que de l’eau. Par ailleurs, quand le chauffage se fait par le haut (simuler la conduction), cela ne permet pas non plus de comprendre ce qui se passe dans la terre puisque la chaleur se propage dans la masse du manteau avant d’arriver en surface.

Enfin, pour certains élèves la courbe même du géotherme est difficile à appréhender tant qu’ils ne l’ont pas « simulée » par eux-mêmes. Le graphique prend du sens quand ils doivent le construire et il n’est pas rare que les inversions des axes soient aussi une source de blocage. En effet, ici le géotherme correspond à l’évolution des températures en fonction de la profondeur. Or, avec la "règle" du y=f(x), ils s’attendent à avoir les températures en ordonnées et les profondeurs en abcisses...

L’activité que nous proposons ici est entièrement axée sur l’explication du géotherme terrestre qui est d’ailleurs donné en document de référence. C’est l’objectif de la séance : expliquer la forme du géotherme présenté dans le document à l’aide des résultats d’expérimentation d’un modèle analogique.

Document tiré du manuel TS Nathan (programme 2012) page 230

Les connaissances préalables

Pour favoriser l’autonomie dans la réflexion, quelques termes sont définis :

  • La géothermie ou l’énergie thermique en provenance des profondeurs de la Terre est utilisée depuis l’Antiquité. Elle provient de la désintégration d’éléments radioactifs (235U, 238Th, 232Th, 40K) dans les différentes enveloppes terrestres.
  • Le flux géothermique correspond à la quantité de chaleur qui a diffusé des profondeurs jusqu’en surface (donc mesurée au niveau du sol). Ses nombreuses variations sont logiquement dépendantes du contexte géologique de la zone étudiée...
  • Le gradient géothermique correspond à un relevé direct ou indirect des températures du sous-sol. Plus on s’enfonce, plus la température augmente. La courbe des températures en fonction de la profondeur constitue le géotherme. L’allure du géotherme renseigne sur la faisabilité d’exploitation des ressources géothermiques.
  • La tomographie sismique est la technologie utilisée pour évaluer indirectement les températures du globe au delà de quelques km de profondeur. La vitesse des ondes sismiques (qui dépend de la T°C des roches traversées) est traduite en couleur étalonnées en % de différence de vitesse / vitesse normale. Quand les ondes ralentissent, la zone traversée, moins dense, est plus chaude...

La tomographie sismique est aussi définie car le TP se prolonge par l’étude de sites d’exploitations géothermiques avec l’aide de l’application flash de Philippe Cosentino.


Modélisation expérimentale des transferts énergétiques dans deux milieux différents.

Les élèves travaillent en binôme, au total, leur temps de manipulation n’est que de 20 minutes, mais ils n’ont droit qu’à un seul essai, le protocole distribué doit donc être suivi très scrupuleusement pour garantir des résultats exploitables.

Matériel pour le TP sur le géotherme

Le protocole expérimental

Vous disposez de deux béchers contenant l’un de la pâte Slime à 5%, l’autre de la pâte à 10%.

  1. Allumer le réchaud et placer le thermostat sur la position n°3. Attendre quelques minutes qu’il chauffe (60-70°C max).
  2. Si les graduations ne sont pas visibles (présence de bulles dans la pâte), marquer/souligner au feutre les graduations des deux béchers.
  3. Placer un des deux béchers sur le réchaud et faire chauffer exactement 5 minutes. Observer le contenu du bécher pendant le réchauffement.
  4. Placer ensuite le bécher sur la plaque isolante en liège. Mesurer la température à la surface, puis de plus en plus profondément pour chaque graduation du bécher (en enfonçant progressivement la sonde dans la pâte). Attendre 5 secondes pour relever chaque mesure puis passer à la graduation suivante.
  5. Procéder à l’identique pour le 2ème bécher.
  6. Construire sur un même graphique (papier) l’évolution des températures en fonction de la profondeur pour les deux béchers.

Préparation de la pâte Slime

Pour ce TP, nous avons acheté des béchers de 100 mL relativement hauts, pour augmenter le nombre de valeurs prises.

 Le Slime® est une pâte gluante composée de polymères et de borax.
 La "recette" qui suit provient du site Eduscol Culturescienceschimie
 C’est le PVA en poudre qui donne la densité du Slime® (5% ou 10%).
 Il est important d’avoir un PVA avec une masse molaire supérieure à 80000 g/mol pour avoir un bon Slime®, celui que nous avons utilisé pour nos tests de concentration est à M > 130 000 g/mol

Solution aqueuse d’alcool polyvinylique :

  • Chauffer 100 mL d’eau à 80°C (ne pas porter l’eau à ébullition) dans un Erlenmeyer de 250 mL.
  • Ajouter très lentement 5 g (ou 10 g) d’alcool polyvinylique (PVA) à l’eau chaude tout en agitant vigoureusement la solution. La solution doit être homogène (Cela dure environ 30 minutes).
  • Une fois homogène, faîtes refroidir la solution à température ambiante (en s’aidant éventuellement d’un bain d’eau froide).

Solution de tétraborate de sodium (appelé également borax) :

  • Préparer environ 10 mL d’une solution aqueuse contenant 400 mg de borax par dissolution. La solution obtenue est une solution dite saturée, c’est-à-dire que l’on ne peut pas solubiliser davantage ce solide dans l’eau. Elle est conservée dans ce bécher.

Préparation du Slime®

  • Ajouter lentement la solution de borax à la solution aqueuse de PVA tout en agitant à l’aide d’une baguette en verre ou d’une spatule. Cela prend en masse : c’est le Slime® !

Si les préparations sont réalisées la veille du TP, les pâtes à 10% renferment de très nombreuses bulles, celle à 5%, nettement moins. Quand les béchers sont remplis 3 jours à l’avance, pratiquement toutes les bulles sont remontées en surface et pour éviter le dessèchement, les béchers sont recouverts de parafilm.


Résultats expérimentaux

Avec une température ambiante de 20°C, voici le type de données que l’on peut obtenir après exactement 5 minutes de chauffage et 2 minutes pour la prise des températures. Il est préférable de faire construire le graphique sur papier plutôt qu’avec un tableur car les élèves, sachant qu’ils doivent raisonner sur des pentes, sont tentés d’ajouter automatiquement une courbe de tendance. Si la convection ne s’est pas faite sur toute la hauteur du bécher (à 5%), la rupture de pente biaise totalement l’interprétation pour la densité 5%.

Interprétations des résultats et astuces manipulatoires

L’activité a été passée avec 4 groupes de TS. Globalement, ils ont enfin compris par eux-mêmes la relation entre les variations de gradient thermique des différentes enveloppes terrestres et les transferts de chaleur par conduction dans la lithosphère ou par convection dans l’asthénosphère. Malgré tout, c’est une compréhension souvent intuitive, du fait des observations réalisées, car bien peu sont capables d’expliquer clairement et sans ambiguïté l’homogénéisation des températures dans la pâte à 5%.

L’image suivante résume les explications données lors de la correction du TP et/ou du cours.

Quelques remarques manipulatoires

  • Nous avons testé plusieurs densités. Avec notre PVA, ce n’est qu’à 5% que la convection se met en place, à 6%, le fond du bécher se liquéfie trop vite et la convection n’est pas visible. En dessous de 5% la pâte ressemble trop à un liquide.
  • Avec une densité à 10%, quand on utilise des sondes thermiques en plastique avec des têtes trop larges, ces dernières entraînent avec elles de la pâte lors de leur enfoncement ce qui fausse le gradient de température.
  • Le colorant n’a volontairement pas été ajouté, les élèves déduisent donc la convection au travers de leur résultats. Malgré tout, ajouter à la seringue du colorant au fond des béchers ne fonctionne pas, il remonte en suivant les parois plus chaudes et traduit plutôt la conduction à travers le verre.
  • Quand la solution à 5% est "fraiche", les quelques bulles se mettent en mouvement après 3 ou 4 minutes de chauffe, les élèves attentifs les remarquent.
  • Quand on chauffe trop longtemps, le bécher à 5% est complètement homogène et la plupart des élèves pensent que "ça ne marche pas"...
  • Il est possible de réutiliser les béchers sur plusieurs groupes, mais il est impératif de les mélanger à nouveau, surtout pour la pâte à 10%. En s’échauffant, la base du bécher a tendance à se liquéfier et perd en densité, si on re-chauffe, même après refroidissement, il peut y avoir ébullition au fond du récipient avant la fin du temps fixé (5 minutes).

Les limites du modèle

La pâte Slime introduit une fausse idée sur la densité des roches dans les enveloppes terrestres. Ici, la densité à 5% correspond à la roche du manteau asthénosphérique donc la péridotite plus dense, tandis que la densité 10% correspond aux croûtes et au manteau lithosphèriques, en réalité moins denses (en tout cas pour les croûtes). Il faudrait donc plutôt parler de viscosité du matériau (à rapprocher de la ductilité) et "éviter" le mot densité dans ce TP...

Plus généralement, il faut également veiller à ne pas transcrire les résultats de cette modélisation comme vérité scientifique. Le modèle analogique n’a pas la valeur d’une expérimentation directe et les mouvements constatés dans le bêcher à 5% ne rendent pas compte de la diversité des mouvements convectifs réels du manteau (une couche convective, deux couches, ou le modèle intermédiaire confirmé par la tomographie sismique). Ils n’illustrent que le mécanisme physique qui conduit au déplacement de matière.