Projet Tele-Tandem cycle 3 : Leo et Yves publié le 21/06/2023 - mis à jour le 23/06/2023
1- Interview d’Elisabeth Legoupil (réalisée à Yves)
Coralie Guillemain :
Elisabeth Legoupil, vous avez enseigné à l’école du Marouilet pendant plusieurs années en cycle 3. Comment avez-vous découvert les projets Tele-Tandem ?
Elisabeth Legoupil :
L’école a été contactée par Eve Sälhoff. Parent d’élève dans une école de Leopoldshagen (en Poméranie-Occidentale), elle était à la recherche d’une école française pour mener un projet proposé par l’OFAJ. Au départ, il était question d’un échange épistolaire entre classes d’écoles élémentaires allemande et française.
CG :
De quelle façon le contact entre les élèves a-t-il été établi ?
EL :
Les élèves ont commencé par s’envoyer des cartes postales lors de la première année. L’idée était de se présenter de manière simple, en l’occurence sous forme d’images, et de commencer à tisser des liens.
CG :
Et comment ces échanges ont-ils ensuite évolué ?
EL :
Dès la deuxième année, Eve Sälhoff s’est tournée vers l’OFAJ afin d’envisager un projet un peu plus ambitieux, en l’occurence, celui d’écrire un livre ensemble, mais sans l’être physiquement.
CG :
Comment le thème a-t-il émergé ?
EL :
Leopoldshagen et Yves, les communes dans lesquelles se situent les deux écoles, se situent dans des marais en bord de mer. C’est de ce décor qu’est née l’histoire des deux personnages, Leo et Yves. L’idée était de trouver un fil conducteur permettant d’imaginer plusieurs aventures que Leo et Yves pourraient vivre. Les quatre éléments se sont présentés d’eux-mêmes. Le premier livre traitait de l’eau, avec comme point de départ le fait que Yves avait trouvé une bouteille à la mer.
CG :
Qu’est ce qui vous a séduit dans l’idée de ce projet ?
EL :
Tout d’abord le fait qu’il s’agisse d’un projet en lien avec la pluridisciplinarité, mais aussi le fait qu’il permette une ouverture culturelle.
CG :
Comment l’écriture s’est-elle déroulée concrètement ?
EL :
Les élèves de CM1-CM2 écrivaient un chapitre en français, qui était envoyé en Allemagne. Eve Sälhoff et son mari le traduisaient en allemand. Les élèves allemands illustraient le chapitre des élèves français et écrivaient à leur tour un chapitre, lui-même illustré par les élèves français, et ainsi de suite.
CG :
Comment avez-vous intégré ce projet dans votre pratique de classe ?
EL :
Les élèves ont travaillé en ateliers, par phases différentes dans l’année. Dans la mesure où le projet était en lien avec l’écriture, mais qu’il traitait également de science et d’environnement, il s’est intégré naturellement dans les apprentissages. Du point de vue de la production d’écrit, cela a été très riche.
CG :
Quel impact « Leo et Yves » a -t-il eu au niveau de l’école ?
EL :
Le projet ne s’est pas arrêté au premier livre. En réalité, trois opus ont été rédigés jusqu’à présent. Les deux autres portaient sur l’air (Leo revient en France grâce à une oie), puis sur la terre (Yvette, la sœur d’Yves, se retrouve dans la grotte d’un ours). On pourrait donc continuer en imaginant une histoire de Leo et Yves mettant le feu en jeu. Quoi qu’il en soit, plusieurs cohortes différentes ont travaillé sur les aventures de Leo et Yves. De plus, les animateurs du péri-scolaire se sont également emparés du projet, et des activités ont été proposées aux élèves en parallèle.
CG :
La langue a-t-elle été un obstacle ?
EL :
Il se trouve que je ne parle pas un mot d’allemand ! Le fait qu’Eve Sälhoff ait la double culture a été très aidant pour les échanges. Concernant les élèves, en plus de la rédaction du livre, des petits jeux ont été proposés l’année dernière. Ils ont par exemple fait des associations de photos et de portraits, joué au « qui est-ce ? », découvert Saint Nicolas… Les mots transparents permettent la communication. Ces petits jeux ont nourrit la relation.
CG :
Le numérique a-t-il facilité le projet ?
EL :
Malheureusement, l’école reçoit difficilement l’internet. Cependant, la page Tele-Tandem de l’OFAJ a permis d’échanger de façon sécurisée photos et messages vidéos. Par exemple, les Allemands nous ont envoyé une recette de Kartoffelsalat qui a été dégustée lors d’une visio.
CG :
Diriez-vous que cela a eu un impact plus large, au niveau des familles notamment ?
EL :
En un sens oui, car l’idée d’un jumelage a été évoquée, ainsi que des échanges en cycle 4 et au lycée, toujours dans le cadre de l’OFAJ. Je dois justement dire que l’OFAJ est très facilitant. Il n’y a qu’avec l’Allemagne que l’on peut mener de tels projets dans ces conditions aussi favorables.
CG :
Le projet a été lauréat du prix Tele-Tandem. Quel impact cela a-t-il eu ?
EL :
Outre celui d’une forme de reconnaissance, l’impact a été matériel. Grâce au prix que nous avons reçu, nous avons pu auto-financer l’édition du dernier livre.
CG :
Conseillerez-vous à un collègue de se lancer dans un tel projet ?
EL :
Oui, car les histoires de « Leo et Yves » ont été toutes les trois éditées. Et le fait de voir son travail sous la forme d’un livre a procuré beaucoup de plaisir et de fierté aux élèves. Je n’ai ressenti aucune contrainte, ni aucune lourdeur, notamment grâce à Eve Sälhoff. D’autre part, j’ai reçu le soutien de mon IEN, ainsi que de la CPD langues. J’ai perçu combien ce projet avait fédéré l’école, et en cela également, le projet aura été très positif.
2- Interview d’Eve Sälhoff (réalisée en visio)
Coralie Guillemain :
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Eve Sälhoff :
Je viens de Normandie où j’ai débuté l’apprentissage de l’allemand en 6ème. Après mes études universitaires lors desquelles j’ai passé deux semestres à Berlin, je suis devenue attachée d’administration. Un master franco-allemand destiné aux agents de la fonction publique m’a permis d’y retourner en 2010. J’y ai rencontré mon mari. Depuis, nous avons eu quatre enfants et nous vivons désormais près de Leopoldshagen, en Poméranie-occidentale.
CG :
Comment avez-vous eu l’idée de mettre en place cet échange avec une école française ?
ES :
Au moment du centenaire de la Grande Guerre, l’OFAJ a lancé un projet pour mettre en relation de très jeunes élèves français et allemands. Mon fils venait de commencer sa scolarité. Une belle occasion se présentait ! Il n’y a effectivement rien de tel que les échanges pour s’ouvrir au monde.
CG :
Comment l’équipe pédagogique de l’école de Leopoldshagen a-t-elle accueilli votre idée ?
ES :
Positivement ! Même si aucune enseignante ne parle le français (ici les regards sont plutôt tournés vers l’Est), l’idée a été bien accueillie. De plus, j’ai construit ma proposition en m’appuyant sur l’existant, à savoir le partenariat entre l’Académie de Poitiers et le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. J’ai fait quelques recherches afin de proposer cet échange à une école française qui ressemblerait à celle de mon fils. L’école du Marouillet était le partenaire idéal, au niveau de sa taille et de son implantation géographique. A proximité, des établissements scolaires de niveau supérieur offraient des perspectives aux élèves pour poursuivre la relation.
CG :
Elisabeth Legoupil a décrit le projet et son déroulement. Pourriez-vous évoquer les éléments facilitateurs du projet ?
ES :
Tout d’abord l’ouverture et la confiance des enseignantes qui ont accepté ce projet très novateur. Ensuite, mon mari allemand qui m’a encouragé et aidé pour les traductions. Et puis surtout l’OFAJ qui a soutenu ma démarche depuis le début. D’autres partenaires se sont ajoutés au fil du temps, notamment l’Institut français de Rostock. Tout cela a porté cette initiative qui a pris de l’ampleur, bien au-delà de l’échange initial de cartes postales.
CG :
La forme du projet Tele-Tandem que vous avez choisie peut paraître ambitieuse. Que pourriez-vous en dire ?
ES :
Notre livre à deux voix, comme tout projet Tele-Tandem, est un cadre que l’on peut agrémenter à sa façon. L’outil Tele-Tandem est assez intuitif et c’est en autodidactes que nous nous le sommes approprié. Chaque partie était libre de choisir le temps consacré et la pédagogie employée sur le projet. Ce concept a permis d’englober de nombreux enseignements et l’objet-livre est, selon moi, un vrai plus que les enfants pourront conserver toute leur vie.
CG :
Tout le travail se sera donc fait à distance ?
ES :
Oui et non. Oui pour les élèves encore trop jeunes pour un échange physique à cette distance, mais grâce à l’OFAJ et au programme de « mise en réseau des responsables et acteurs et actrices de jeunesse », mon mari et moi avons pu nous rendre sur place. J’ai ainsi rencontré Elisabeth Legoupil et ses collègues, mais également l’enseignante du collège de secteur, Catherine Laval, avec laquelle deux échanges Brigitte Sauzay ont déjà été montés. Le message que l’on donne à l’autre, par notre présence, est très important, et cette rencontre aura permis de vivre un accueil particulièrement touchant. C’est quand même le but en fin de compte : le numérique n’est qu’un outil destiné à faciliter les vraies rencontres !
CG :
Pour finir, auriez-vous un conseil à donner à toute personne qui aurait envie de mener un projet Tele-Tandem ?
ES :
Osez ! Lancez-vous ! Ce sont vos idées qui sont les germes des projets et des amitiés de demain.
Ressources du projet "Leo et Yves"
Description du projet Tele-Tandem de cycle 3 primé en 2019