Une "Moticlasse" au collège François Albert de Celles-sur-Belle publié le 04/12/2023

Présentation de l’établissement

Le collège de Celles-sur-belle accueille 540 élèves environ, c’est un collège labellisé E3D et collège en poésie. Il a aussi une section handball féminin.

Ce collège est très attentif aux besoins des élèves et à leur bien-être.

Collège François Albert Celles sur belle

Collège François Albert Celles sur belle

A ce titre Madame la Principale du collège, souligne la qualité du travail des équipes vie scolaire, santé et social ainsi que l’implication des enseignants et des personnels (comme les agents, les secrétaires et les personnels de direction) qui œuvrent tous en ce sens. Ce collège permet aux élèves de réussir dans un environnement apaisé.

La situation de départ, le contexte et la mise en œuvre du projet MOTICLASSE

Constatant le poids important des émotions dans le cadre psychosocial et cognitif, Adeline Clochet, professeure d’espagnol, réfléchit à la question des outils de prise en charge émotionnelle des élèves.
Madame Clochet observe que les émotions des élèves ne sont pas prises en compte dans le cadre scolaire, ce qui conduit à une souffrance importante pouvant impacter leur réussite scolaire.
Parallèlement, elle reconnait que l’inter-performance systémique et le stress inhibiteur, en situation d’évaluation, entraîne la démotivation, voire le décrochage chez les élèves les plus fragiles.
Il apparait donc nécessaire de composer avec la réalité cognitive et émotionnelle des élèves pour ne pas en laisser de côté et favoriser le bien-être et la réussite du plus grand nombre.

Les objectifs du projet MOTICLASSE

Il convient de favoriser la motivation et les progrès de l’élève en :

  • allégeant la pression évaluative « couperet » ;
  • majorant le rapport de confiance à l’enseignant ainsi que la confiance en soi, en sa capacité à apprendre ;
  • diminuant le rapport d’inter performance au profit de l’auto performance en accord avec le rythme de l’élève ;
  • valorisant l’internalité chez l’élève, sa responsabilisation par métacognition ;
  • travaillant la mémorisation en cours de façon décloisonnée (outil “mémo classe” utilisé dans différentes disciplines).

Il est nécessaire de favoriser son bien être en :

  • prenant en compte la composante émotionnelle de l’apprenant (initiation à des techniques de relaxation/yoga et ateliers d’initiation à la communication apaisée ; gestion des émotions dans le cadre cognitif, autorégulation chez l’élève)
  • accompagnant le développement des compétences psychosociales de façon transversale (co animation CPE/PP).

La Moticlasse (classe de 5èmeC)

Classe de 5èmeC

Classe de 5èmeC

La volonté est d’étendre cette pédagogie (évaluation positive, métacognition) à une équipe et de fonctionner de façon concertée sur la question "émotions" (ateliers de communication apaisée gérée en coanimation et dans l’idéal en équipe).


L’évaluation positive

Il s’agit d’expérimenter une démarche évaluative focalisée sur la validation potentielle (pas d’enregistrement d’invalidation) en mettant en relief les réussites et potentiels sans négliger l’indication des axes pour progresser.

Selon l’apport des neurosciences, pour apprendre sereinement, il est bon de :

  • dédramatiser l’évaluation ;
  • créer un rapport positif à l’erreur ;
  • valoriser les efforts et le travail ;
  • valoriser l’autoperformance au détriment de l’interperformance ; (les élèves habituellement en échec réussissent mieux s’il n’y a pas de comparaison sociale.)

Concrètement, les compétences sont attribuées si et seulement si l’élève atteint le niveau attendu dans la compétence. Il n’y a pas de « leurre » sur le niveau atteint par l’élève et le niveau d’acquisition dans la discipline est clairement indiqué sur le bulletin (chiffre de 1 à 4).
L’évaluation positive n’est pas « magique », elle ne promet pas la réussite, elle est davantage envisagée comme levier pour apprendre plus sereinement, en accord avec les valeurs d’égalité portées par l’école.

La métacognition

Réfléchir aux processus d’apprentissage, ça se développe !

Quesako ?

Quesako ?

Dès la rentrée, les élèves remplissent une fiche de mise en objectifs pour les inciter à la métacognition.
Même si le feedback enseignant est très important à la remise de la copie notamment, l’auto bulletin de l’élève (bilan points positifs et points négatifs, expression du vécu, démarche de progrès) doit être effectué.
Dans une classe donnée est développée la métacognition par mise en objectifs individuel, auto bulletin officieux trimestriel.

Voici un exemple de bulletin  :

Appréciation par l’élève : Pour mon deuxième trimestre, mes satisfactions sont mes notes en histoire-géographie, en anglais et en espagnol. J’arrive à exprimer mes ressentis aux professeurs quand je me sens en difficulté. Je ne rencontre pas de difficultés particulières en cours. Pour progresser je dois faire porter mes efforts sur ma participation en classe. Pour mes notes, il faut que je me concentre en sport et en mathématiques et revoir mes méthodes d’apprentissages en général. Mes objectifs pour le troisième trimestre sont de me concentrer plus sur moi et ne pas me laisser distraire par d’autres personnes.

Le lien émotion-cognition

Afin de favoriser l’auto régulation chez l’élève et l’expression (apaisée) de ses ressentis dans le cadre cognitif et de valoriser les compétences transversales liées aux parcours Santé et Citoyen :

  • des ateliers d’initiation à la communication apaisée sont menés en coanimation avec la conseillère Principale d’Éducation : Madame Tendron et la professeure principale ; préparation des autobulletins qui seront lus par les délégués en conseil de classe.
  • des ateliers initiant aux techniques du yoga et de relaxation sont menés avec Madame Duhurt : professeure documentaliste et professeure de yoga ;

Cette vidéo présente ces ateliers :

Présentation de la Moticlasse (durée 07:42) (MPEG4 de 158.5 Mo)

Présentation de la Moticlasse


L’expérimentation et son évaluation

Effets positifs constatés

Témoignage et avis de Madame Clochet

Quelles sont les effets de la mise en place de la moticlasse ?

MMe Clochet

Tout d’abord, la cohésion de la classe est forte dans un tel dispositif : bonne entente, ressenti positif sur le bien-être côté élèves. De plus, le développement des compétences psychosociales chez les élèves est indéniable : empathie, expression émotionnelle, entraide, prise d’initiatives de communication envers les adultes dans des projets créatifs en dehors de la classe, un esprit collectif se développe au détriment de l’esprit de compétition.
Je note chaque année une adhésion des élèves à l’évaluation positive (car « ça m’aide » ou « ça aide les autres »), en découle un rapport de confiance de qualité avec l’équipe pédagogique au sens large et le progrès des élèves fragiles grâce aux remédiations et à la différenciation.

Quelles sont les difficultés constatées ?

Je constate une difficulté à homogénéiser la pratique de l’évaluation positive au sein des équipes pour plusieurs raisons. Il y a parfois des freins touchant aux valeurs sous tendues par l’évaluation (que cherche t-on à faire lorsqu’on évalue ? faire progresser ? trier ? cultiver l’inter-performance ? l’auto performance ?). Se retrouve parfois également une crainte d’évoluer à plusieurs vitesses avec le groupe, fondée sur une peur de perdre le contrôle, or, la pédagogie différenciée constitue un axe fort sur le plan pédagogique et c’est précisément souvent par un assouplissement du modus operandi (différenciation) que les élèves libèrent leur potentiel, car c’est en s’adaptant au rythme de l’élève que ce dernier peut réellement être en mesure de progresser. Le cadre implicite peut alors reposer davantage sur le lien de confiance en soi et à l’enseignant que sur le respect d’un cadre normatif auquel tous doivent s’adapter au prix de dégâts cognitifs et émotionnels. La question liée à "se situer" dans ses apprentissages revient par ailleurs et notre travail consiste aussi à déconstruire le rapport classificatoire à la note (inter-performance). On a vert ou on a blanc, et si on a blanc on pourra, à la prochaine occasion, progresser pour transformer l’essai et le faire passer au vert, c’est à dire valider la compétence. L’idée est de déconstruire le regard habituel sur la note qui n’est plus un couperet. La note, et surtout les conseils précisés sur la copie doivent servir à progresser et non à se classer sur une échelle d’inter performance. On casse un peu les codes et au départ certains peuvent être déconcertés tant côté prof qu’élève ou parent. Néanmoins, le bénéfice est en grande majorité vite ressenti et palpable (au niveau cognitif, relationnel, sur l’estime de soi) et cette question tend à s’effacer au cours du premier trimestre au profit d’un ressenti positif.
A chaque nouvelle équipe se pose la question de l’adhésion à ce dispositif de la part des enseignants, chacun est libre de s’y inscrire ou non. Il n’y a pas d’imposition de pratique mais je constate que la plupart des enseignants acceptent d’essayer et que les pratiques s’égrainent avec le temps. En outre bien enseigner ne repose pas sur la pratique de l’évaluation positive et il ne s’agit pas d’opposer les pratiques aux autres. Expérimenter suppose humilité quant à l’appropriation par chacun et respect envers ceux qui ne sont pas prêts ou ne le souhaitent pas. Chaque enseignement, qu’importe sa forme, est une valeur ajoutée pour les élèves qui travaillent leur capacité d’adaptation, et donc leur intelligence. La diversité pédagogique quoiqu’il en soit reste enrichissante pour les élèves au sein d’une équipe, d’autant plus que chacun-e s’empare et soutient à sa façon le projet (remédiation ponctuelle, évaluation positive de révision, projet avec les élèves, utilisation du mémoclasse, expertise de la Vie scolaire sur le volet psychosocial par la co animation PP/CPE, entretiens CPE de régulation et d’écoute, médiations, etc).

Par ailleurs certaines contraintes disciplinaires (densité du programme, faiblesse du volume horaire/semaine) freinent la pratique de la remédiation indépendamment des valeurs ou de l’adhésion de l’enseignant.

Malgré la diversité des moyens de communication utilisés, nous n’atteignons pas toutes les familles (réponses aux sondages, réunion d’information), ce qui constitue une difficulté en raison d’un partenariat bancal subséquent (manque de compréhension du dispositif, manque de retours), le partenariat tripartite visé n’est pas total mais en cours d’évolution très encourageante cependant.

Nous constatons également, une augmentation du nombre d’élèves en souffrance (manque de disponibilité cognitive) au fur et à mesure des années impliquant une priorisation du travail de soutien émotionnel de la part de l’équipe au détriment de la métacognition en tant que telle même si cette dernière reste active.


Conclusion

Une attention particulière au profil de classe doit être portée avant de tirer des conclusions sur une expérimentation. Sa répétition, son perfectionnement ainsi que la façon dont les adultes s’en emparent comptent. L’évaluation positive, la métacognition et l’initiation à la communication apaisée ne sont pas magiques mais permettent d’autonomiser l’élève, de lever certaines inhibitions, de travailler la confiance en soi et le rapport de confiance à l’adulte, sans lequel les apprentissages ne peuvent s’épanouir. Ces approches pédagogiques évitent le décrochage ou la démotivation et sont très bien accueillies par les élèves car elles répondent à des besoins et contribuent à leur bien être en situation d’apprentissage. Un élève qui se sent bien est un élève qui apprend mieux.

Pour conclure, je dirais que l’esprit d’équipe, la transversalité et la co animation constituent des axes forts qui donnent de la cohérence au projet et favorisent la motivation de l’élève et sa réussite. Je remercie vivement les collègues qui ont accepté de se joindre, ponctuellement ou de façon répétée à cette aventure, de tester des outils, d’expérimenter une nouvelle approche et de l’avoir enrichi. Je tiens également à remercier pour son soutien Laurence Audé, cheffe d’établissement alors en fonction au collège de Celles/Belle, sans laquelle le projet n’aurait pu initialement voir le jour, ainsi que les équipes de direction qui se sont depuis succédé pour leur confiance et leur appui. Cette expérimentation n’aurait pas lieu sans l’ouverture et le concours de chacun-e.