Voyage d'étude à Auschwitz publié le 25/03/2013  - mis à jour le 26/03/2013

Cette année, la formation à l’histoire et l’enseignement de la Shoah, proposée par le Mémorial de la Shoah en partenariat avec le Pôle Civique de l’académie de Poitiers a eu lieu du 13 au 16 décembre 2012. Elle s’inscrivait dans le cadre d’un projet pluridisciplinaire Lettres, Philosophie et Histoire-Géographie portant sur la singularité et la place de la Shoah dans les récits évoquant cet événement et sur la place et le rôle du témoignage dans la transmission de la mémoire de la Shoah.

Le groupe, composé principalement de professeurs d’histoire géographie, de lettres et de philosophie mais également de professeurs d’autres disciplines et de personnels d’administration et d’encadrement, s’est rendu à Paris le 13 décembre pour une journée de formation au Mémorial de la Shoah. Trois conférences lui ont été proposées :

  • Georges Bensoussan1 a présenté une conférence portant sur les étapes de la « Solution finale ». Il a voulu montrer que la décision de l’extermination des Juifs ne date pas de la conférence de Wannsee ou des semaines qui la précèdent mais de l’entrée en guerre elle-même. Il est donc revenu sur les différentes "solutions" envisagées pour régler le "problème" :
     l’émigration (Madagascar) tout d’abord,
     puis, le problème change de nature lors de l’invasion de la Pologne. En effet la communauté juive est si importante que l’émigration ne pourra pas s’organiser facilement.
     ce qui conduit donc les nazis à envisager le "problème" de façon différente : la seule solution, c’est l’élimination systématique des Juifs d’Europe.
  • Johann Chapoutot2 a proposé une conférence sur l’idéologie nazie. Dans un premier temps, il a évoqué la question récurrente de la nature du nazisme en replaçant le débat à un niveau historique, au delà des habituels poncifs tels que « les nazis étaient des barbares, des fous, etc ». Pour ce faire il a expliqué qu’il s’agissait d’ « êtres humains, qui évoluaient dans un monde humain, c’est à dire dans un monde structuré par du sens, structuré par des valeurs ». Aussi sidérant que cela puisse nous paraître aujourd’hui, les nazis étaient convaincus « de la justesse, de la beauté de ce qu’ils faisaient ». Il faut donc prendre cela au sérieux et s’interroger sur ce système de valeur, sur cette idéologie qui a structuré l’Allemagne nazie. Afin de comprendre ce discours, cet « univers mental nazi dans lequel les actions des acteurs ont un sens », Johann Chapoutot a donc proposé une analyse à partir de quelques termes de la langue nazie « comme autant de coordonnées pour cartographier cet univers mental et culturel ».

  • Tal Bruttmann3 s’est exprimé sur les différentes politiques de répression et d’extermination mises en œuvre en Europe entre 1939 et 1945 en dressant dans un premier temps avec le groupe un tableau des catégories de populations qui furent la cible des politiques répressives nazies. En analysant le sort réservé à chacune d’entre elles, il démontré au bout du compte que seuls les Juifs furent la cible d’une politique de mise à mort systématique, décidée et orchestrée par les nazis, visant à la destruction totale du peuple juif.

À la fin de la journée, le groupe a bénéficié d’une visite guidée de l’exposition permanente du Mémorial de la Shoah.

Mémorial de la Shoah

Le vendredi 14 décembre, le groupe s’est rendu à Cracovie, sur les traces de la communauté juive de la ville. Il a ainsi pu visiter l’ancien quartier juif de Kazimierz : la synagogue et le cimetière de Remuh, la vieille synagogue et le centre Galicja ainsi que l’emplacement du ghetto de Cracovie. Afin de poursuivre la réflexion de la journée sur la place de la communauté juive dans la vie de Cracovie avant 1939, le groupe a assisté à la projection de deux documentaires de 10 minutes, réalisés en 1939 en yiddish, présentant la communauté juive de Cracovie et de Pologne avant la Shoah. Par ailleurs, Tal Bruttmann a également proposé une réflexion sémantique sur la pertinence ou non de l’utilisation des mots « génocide », « holocauste », « hurban » ou « Shoah », appliqués à l’histoire de la Shoah.

Maisons de Kazimierz

Puis, le samedi 15 décembre, le groupe s’est rendu à Auschwitz II-Birkenau. La visite a commencé par la « Judenrampe », située à l’extérieur du camp, là où sont arrivés les Juifs déportés de France. La visite, qui s’est poursuivie sur le site du centre de mise à mort d’Auschwitz II, a duré plusieurs heures. Elle a permis au groupe de prendre conscience de la coexistence à Auschwitz de deux logiques distinctes : la logique économique et concentrationnaire et la logique idéologique et exterminatrice des nazis. Cette prise de conscience s’est faite grâce à une approche topographique soutenue par une visite proposée conjointement par deux guides polonaises et Iannis Roder4 et Tal Bruttmann.

Auschwitz II

À l’issue de la visite, le groupe a également traversé le site du camp de concentration. Enfin, le groupe s’est rendu sur le site d’Auschwitz I, transformé en musée.

Auschwitz I

Le retour en France s’est effectué le dimanche 16 décembre. À l’issu de ce voyage d’étude, une journée de formation pédagogique sera proposée aux participants, axée sur la place et le traitement de l’histoire de la Shoah dans les manuels et les programmes des différentes disciplines concernées par le projet. Par ailleurs, le Pôle Civique de l’académie de Poitiers proposera, en partenariat avec le Mémorial de la Shoah, la mise en place d’une exposition sur Benjamin Fondane5 à Poitiers, accompagnée d’une demi-journée de conférences.

 Mémorial de la Shoah

 Exposition Bejamin Fondane

 Memorial and museum Auschwitz-Birkenau

(1) Historien et rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah. Il a publié de très nombreux ouvrages dont une Histoire de la Shoah

(2) Maître de conférences à l’université Grenoble II, membre de l’Institut Universitaire de France et auteur, entre autres du numéro de la Documentation photographique de janvier 2012 Le nazisme. Une idéologie en actes.

(3) Historien, chargé de mission et commissaire scientifique de la nouvelle exposition temporaire du Mémorial de la Shoah : La spoliation des Juifs, une politique d’État (1940-1944). Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages dont Au bureau des affaires juive, dans lequel il montre comme l’administration française de la IIIe République a mis en œuvre les lois antijuives.

(4) Professeur d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis et responsable de la formation au Mémorial de la Shoah

(5) Ecrivain Juif né en Roumanie, Benjamin Fondane, déjà reconnu dans son pays, s’établit à Paris à l’âge de 25 ans. Poète, penseur, dramaturge et cinéaste, résolument « moderne » et attentif à l’avant-garde, il se tient néanmoins à distance des écoles et des doctrines, des mouvements politiques et littéraires et cherche sa voie propre, sa réponse personnelle aux questions intemporelles comme à celles posées par son époque.
Durant les années 1930 et 1940, Fondane dialogue avec les personnalités marquantes de son temps : Artaud, Bachelard, Camus, Cioran, pour n’en citer que quelques-uns. Déterminante est la rencontre avec le philosophe existentiel Léon Chestov dont il devient le disciple. Parmi ses amis artistes, Brancusi, Brauner, Man Ray nous ont laissé de lui des portraits étonnants.
Arrêté le 7 mars 1944, il est incarcéré à Drancy. Sa femme réussit à obtenir sa libération, mais il refuse d’abandonner sa soeur Line, arrêtée en même temps que lui. Déporté vers Auschwitz, il est assassiné dans une chambre à gaz le 2 ou 3 octobre 1944.

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Auteur

 Emilie Poncin