Les usages du passé en Europe publié le 07/12/2008  - mis à jour le 08/12/2008

Ce dossier électronique du centre d’histoire de Sciences-Po a été réalisé à l’occasion de la conférence internationale "Géopolitique, réconciliation et usages de la mémoire (Kiev, 4-6.12.2008)".

Photos de victimes anonymes à Auschwitz

Il est principalement construit autour de l’axe constitué par la mémoire des deux totalitarismes du 20e siècle, fascisme et communisme.

Pour ce qui est de la partie occidentale de l’Europe sont de ce fait retenus l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne.

Pour ce qui est de sa partie orientale, les pays de l’Ex-Yougoslavie sont écartés en raison du problème très particulier que représentent les guerres des années 1990 sur leurs territoires.

Ce dossier est constitué :

La fin du communisme en Europe centrale et orientale a renouvelé les débats sur l’histoire et ravivé les enjeux mémoriels. La concomitance avec les processus d’intégration européenne a eu un effet dynamisant.
Les usages de l’Europe ne se sont pas limités à l’apprentissage de l’acquis communautaire ni à l’interaction des acteurs institutionnels. Une intense activité symbolique impliquant plusieurs catégories d’acteurs, à l’intérieur et à l’extérieur, s’est engouffrée dans la fenêtre d’opportunité qu’a constitué la période transitoire avant l’élargissement. Après l’adhésion de nouveaux pays, des problématiques mémorielles inédites ont fait irruption dans l’espace élargi de l’UE et chez ses voisins les plus proches comme l’Ukraine ou la Russie. Tous ces pays nous mettent au défi d’analyser et de comprendre leurs héritages mémoriels.

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L’espace européen s’est enrichi de nouvelles tendances : il n’abrite pas uniquement l’axe de rotation mémoriel autour de l’Allemagne, même si ce dernier reste dominant. L’Europe est le théâtre de la récurrence des mouvements « mémoriels » tous azimuts, du Nord au Sud et d’Est en Ouest. Sans doute la politique de l’Union européenne d’encouragement des dispositifs et des actions de réconciliation agitelle comme une soupape qui évacue périodiquement le trop plein de pression, mais elle donne aussi de la visibilité aux acteurs qui prennent en charge les dissensions et les conflits de requalification des dossiers qui semblaient être définitivement classés.

l'incendie du Reichstag, photo mémorial de la Shoah


Depuis peu, on note le recours explicite à l’instrument historique dans la gouvernance de certains Etats, non pas comme ce fut le cas par exemple lorsque l’usage du passé conflictuel servait au couple Mitterrand et Kohl –, pour améliorer les relations bilatérales et la construction européenne, mais pour mobiliser l’électorat d’un parti ou d’une coalition autour d’objectifs de revendication identitaire, symbolique et belliqueuse, dans l’arène interne et face au monde extérieur. En Pologne, on va jusqu’à parler de « politique historique », partie constitutive des politiques publiques. Les conflits interétatiques qui semblaient appartenir au passé ressurgissent à travers les jeux mémoriels. Entre les anciens empires et les ex-colonies, on rappelle le solde mémoriel négatif. Des querelles symboliques sont parfois à l’origine de surenchères géopolitiques, dangereuses pour la stabilité régionale. On gère les relations internationales en mettant en scène des représentations conflictuelles de l’histoire du voisinage.

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guerre en Bosnie

La forme extrême des manipulations de l’histoire et de la mémoire tient à la volonté de certains auteurs des crimes de masse, souvent détenteurs du pouvoir, d’« en effacer les traces. Elles sont comme le prolongement du crime lorsque la vie est redevenue ‘normale’. Le conflit ex-yougoslave abonde en exemples de ce type.
Ces manipulations se manifestent sous d’innombrables formes comme la production de récits falsifiés des événements, l’effacement des preuves, l’interdiction ou la destruction des archives, la répression ou l’élimination des témoins, l’instauration de la censure et la criminalisation des producteurs des récits dissidents.
Pour beaucoup de pays libérés de la domination étrangère au 20e siècle les retrouvailles avec l’histoire occultée ou déformée par les puissances occupantes sont des moments forts de reconstruction des référents identitaires et de leur statut international.

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Auteur

 Madeleine Poncin