La transmission d'un patrimoine oral entre nos deux territoires, ( transferts et adaptations ) publié le 06/08/2007  - mis à jour le 25/06/2012

Soirée contes à l’hôtel Queen D’Amos
(Abitibi-Témiscamingue).
Le Québec en image, CCDMD

Au Québec, l’oral est resté longtemps le premier et le seul moyen de communiquer. Les circonstances historico-politiques de la naissance et du développement de la colonie française, avec une longue période de domination anglaise suivie de la difficile naissance du Québec, expliquent cette situation.
Pour les Français venus s’installer en Nouvelle-France, mais également pour les générations suivantes jusqu’à la démocratisation du système scolaire au début des années 60, la tradition orale est restée forte et a marqué de son influence la culture québécoise.

Au tout début de la colonie , les premiers Français apportent avec eux leurs bagages culturels (parlers, patois et modes de vie, de Normandie, de l’Aunis, de la Saintonge, du Poitou...et de l’île-de-France d’où sont originaires de nombreuses femmes). Mais tous vont devoir se mettre au français, souvent avec l’aide de leurs épouses afin de pouvoir communiquer entre eux. Les conditions de vie ne laissent pas beaucoup de temps pour aller à l’école quand il y en a une, surtout dans les campagnes.
Lorsqu’on est bien installé et que les choses s’améliorent, on reçoit le voisinage au cours de soirées où l’on parle du passé, des légendes du Poitou, de l’Aunis. On reprend ensuite les refrains des chansons populaires de ces régions d’origines ou encore les chants à la mode, transmis par les soldats qui logent chez l’habitant l’hiver.
Ces veillées seront de plus en plus nombreuses, surtout à partir de la conquête anglaise, où le colporteur "le personnage du quéteux" devient le conteur, celui qui apporte des nouvelles dans la paroisse et qui constitue le lien avec le monde inconnu. Certains de ces colporteurs, conscients de l’importance de la parole, de l’invention verbale du récit sans limites, répondent donc à ce désir de curiosité et de croyance propre à la plupart des individus. Ils donnent naissance aux premiers contes et légendes du Canada.

Le canot volant de la
Chasse-Galerie
Dessin d’Henri Julien

Ces aventures imaginaires (contes et légendes) sont pour certaines imprégnées de culture européenne et seront régulièrement réadaptées en fonction des réactions de l’auditoire. C’est notamment le cas pour un des plus célèbres contes québécois désormais étudié par les élèves du secondaire : "la Chasse-Galerie". C’est un des exemples d’adaptation de conte français.
A l’origine, c’est l’histoire d’un noble, le Sieur de Galery qui est condamné à chasser à courre éternellement dans les airs après sa mort, parce qu’il s’était livré à ce passe-temps favori le dimanche, oubliant par la même occasion ses devoirs religieux. Au Québec, cette légende va se transformer en conte et être adaptée aux forestiers, c’est-à dire aux bûcherons qui vivent dans la solitude des forêts des Laurentides, de la Mauricie ou de la Gatineau...désireux de s’évader pour rejoindre leurs "blondes" (fiancées ou femmes) dans les villes de la vallée du Saint-Laurent, comme Montréal.
Beaucoup de ces légendes vont réussir à survivre en s’adaptant, mais ce sont les contes dans la tradition héritée du moyen-âge et basée davantage sur l’imaginaire que sur les circonstances, ou bien les chansons qui ont le plus de succès. Aujourd’hui, ce sont plus de 10 000 contes francophones qui ont été recensés et enregistrés au CELAT (le Centre d’étude sur la langue, les arts et les traditions populaires des francophones en Amérique du Nord) basé à l’université Laval à Québec.

Festival interculturel
de contes du Québec

Cette quête réalisée par des écrivains et divers érudits a permis de sauver et d’enraciner une part importante de la culture québécoise. Le chiffre de 10000 contes témoigne de l’inventivité des Québécois. D’ailleurs, La vitalité de ce patrimoine oral est toujours d’actualité et de nombreux conteurs sillonnent encore aujourd’hui la "belle province" et font toujours autant preuve de fantaisie dans les nombreux festivals d’été ou dans des soirées organisées l’hiver.

Aujourd’hui comme hier, les conteurs québécois font souvent référence aux choses mystérieuses, à la mort et aux feux follets qui font croire à un monde surnaturel et où le diable n’est jamais totalement absent. Il réutilisent dans leur contes et après de nombreux collectages une partie du fonds des récits, des parlers de la Nouvelle-France, d’inspiration française et parfois du Poitou-Charentes.

Hommage à la culture orale.
Personnage des contes de
Louis Fréchette réalisé par
Sébastien Brassard à Nicolet.
Le Québec en image,CCDMD

Certains de ces contes ont tellement imprégné la culture québécoise que les artistes (peintre, sculpteur...) les ont représentés dans leurs œuvres. C’est le cas d’Henri Julien au 19° siècle qui a réalisé de nombreux dessins et peintures consacrés à "La Chasse-Galerie", ou d’Alfred Liberté qui a sculpté trente bronzes représentant des légendes comme celle de Madeleine de Verchères, héroïne nationale qui à l’âge de 14 ans a su résister seule et mener une troupe d’enfants face à des raids d’Iroquois.


Bibliographie

 BOIVIN Aurélien, le conte fantastique québécois au 19°siècle,
éditeur : Montréal,Fides,1987.

 CELAT (centre d’étude sur la langue, les arts et les traditions populaires des francophones en Améique du nord) basé à l’université Laval à Québec.

 FAUBERT Michel, Contes du Québec, la grande forêt du roy,
éditeur : Jasmin édition

 LABERGE Marc, Comme une odeur de soupe et autres contes du Québec,1998
éditeur : Lansman

 LEMIEUX Germain Les vieux m’ont conté,
éditeur : Bellarmin

 MUZI Jean, 14 contes du Québec,
éditeur : Flammarion

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Bibliographie

Auteur

 Jocelyn Sala

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