Révoltes et rébellions de 1837-1838 dans le Haut et le Bas-Canada publié le 20/07/2007  - mis à jour le 21/06/2012

Pages : 1234

Enjeux et perspectives

Ces évènements de l’Histoire du Canada ont suscité une intense production historique et un riche débat historiographique. Ils sont intéressants pour bien des raisons. Ils peuvent être mis en perspective avec les influences de la Révolution française, avec les révoltes et révolutions qui en découlent assez largement, y compris celle des insurgés américains. Ils ne peuvent pas non plus être évoqués sans un parallèle avec les insurrections et mouvements d’indépendances de l’Amérique latine contre les autorités coloniales. Ces révoltes ne peuvent être comprises sans avoir à l’esprit l’histoire propre du Canada.

Ce début du XIXe siècle est marqué par quatre sources de conflit :

  • la prise en main de la couronne britannique sur les territoires conquis et annexés par le traité de Paris de 1763,
  • les relations difficiles entre le Bas-Canada et le Haut-Canada, dont cherche à profiter Londres,
  • le sentiment national québécois et même canadien vis-à-vis de la couronne britannique,
  • la conquête de la démocratie.

Les interprétations du passé faites par l’historien ne sont jamais sans relation avec le contexte dans lequel elles sont produites. Une expérience historique aussi dramatique que l’échec des Rébellions de 1837-38 ne peut que marquer fortement la conscience historique d’un peuple. Alors que la plupart des nations américaines conquéraient leur indépendance, cette aspiration s’est vue refoulée au Canada français. Peu importent les raisons de cet échec, ce souvenir douloureux et humiliant semble tellement brûlant que notre historiographie évoque une longue suite de stratégies pour éviter de le voir en face. C’est ainsi que les Rébellions furent réduites par Groulx à une simple révolte défensive sciemment provoquée par le parti bureaucrate1 ; pour Gérard Filteau, elles ont conduit tout de même à la victoire de la démocratie et des aspirations nationales du Canada français2. L’historiographie récente a-t-elle contribué à accroître la conscience historique des Rébellions ?

Les rebelles sur la rue Younge se préparent à attaquer Toronto, décembre 1837 (Bibliothèque et Archives Canada, Charles William Jefferys, ANC, C-013988.)

Les événements

Une situation institutionnelle complexe et une situation économique difficile.

L’Angleterre qui s’est emparée de la Nouvelle-France, devenue le Canada par le Traité de Paris de 1763, n’a reculé devant aucun stratagème pour s’assurer d’installer et de maintenir une tutelle sur toute une population, pourtant installée depuis déjà des siècles sur ce territoire du continent nord-américain. Après avoir reconnu les droits naturels et historiques des Francophones d’Amérique en 1774, par le « Québec Act », sans doute aussi pour les détourner des invitations réitérées des Indépendantistes américains, Londres a créé le Bas-Canada en 1791 par le « Constitutionnal Act ».
Malgré une assemblée parlementaire élue au suffrage universel, le Bas-Canada n’était pas complètement démocratique, le Gouverneur, nommé par le gouvernement anglais, détenait l’essentiel du pouvoir. Les députés canadiens-français étaient incapables d’adopter les lois qu’ils proposaient. Les Francophones contrôlait le Parti canadien, dirigé par Joseph Papineau, le père de Louis-Joseph ; cependant malgré sa majorité en Chambre, ce parti ne pouvait rien ! Dans les années 1820, cette formation politique changea de nom pour devenir le Parti Patriote.

La situation économique amplifie les tensions, c’est une période difficile. Au Bas-Canada, les mauvaises récoltes amènent de nombreux Canadiens français au bord de la famine. La politique de favoritisme du lieutenant-gouverneur Francis Bond Head du Haut-Canada à l’endroit du Family Compact3 et des immigrants britanniques récemment arrivés irritent les colons d’origine américaine établis depuis longtemps. Les réformistes du Haut-Canada et le Parti patriote du Bas-Canada sont majoritaires dans leurs assemblées respectives. Les modérés, qui sont majoritaires au sein des deux partis, réclament l’avènement d’un gouvernement responsable. Cependant, les radicaux, qui sont minoritaires, demandent l’indépendance des deux colonies et leur remplacement par des républiques semblables à celles des États-Unis. Ces mouvements s’inscrivent dans un courant international, car dans plusieurs pays des mouvements exigent que le système soit réformé.

Un vaste mouvement social et politique s’est organisé sur l’ensemble de la Province avec des journaux, des associations de jeunes et de femmes, un drapeau, le tricolore dit canadien, une société nationale, la Société Saint-Jean-Baptiste, un programme connu sous le nom des 92 résolutions etc. À une époque où ni la télévision, ni la radio n’existaient, il est significatif de constater comment et combien ces idées de liberté et d’indépendance ont pu pénétrer aussi rapidement et efficacement de nombreuses couches de la population. Une mobilisation de masse, portant un sentiment d’inspiration nationale effraya fortement les autorités coloniales qui réagirent avec violence.

(1) Lionel Groulx Histoire du Canada français.

(2) Gérard Filteau, Histoire des Patriotes.

(3) Petit groupe de fonctionnaires dans le Haut-Canada qui domine le Conseil exécutif, le conseil législatif et l’administration publique. Ils sont unis par les liens familiaux, le favoritisme et une même vision politique. Ils souhaitent un développement marqué par la loyauté face à la Grande-Bretagne et l’hostilité envers les Etats-Unis

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Auteur

 Laurent Marien

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