La vie scolaire / Hachette Education, 1997 (note II) publié le 09/05/2008  - mis à jour le 23/06/2008

(Avec l’aimable autorisation des éditions WEKA) Cette note est extraite du "Recueil de notes de lecture pour le concours CPE"

L’auteur

Christian Vitali est diplômé de philosophie et conseiller principal l’éducation dans un lycée de Caen. Il est rédacteur en chef de la revue « Conseiller d’éducation », responsable de la formation des CPE à I’IUFM de Caen, et collabore à la rédaction du cours du CNED pour la préparation au concours de CPE.
L’ouvrage est préfacé par Jean-Pierre Obin, inspecteur général de l’éducation nationale.

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Point de vue

Cet ouvrage reste actuellement l’un des plus complets sur la vie scolaire même si d’autres ont depuis sa parution, apporté de précieuses contributions.
L’auteur développe une conception ambitieuse de la vie scolaire conçue comme une entité qui englobe l’acte d’enseignement.
L’historique de la notion est particulièrement éclairant, et les réflexions souvent pénétrantes.
On a le sentiment que l’auteur a recherché l’exhaustivité ce qui rend l’ouvrage un peu touffu et nuit parfois à la clarté du propos.
Mais au final le lecteur, et notamment le candidat au concours de recrutement des CPE, dispose là d’une somme de réflexions et d’exemples pratiques du plus grand intérêt.

L’essentiel

La notion de vie scolaire répond historiquement à une approche nouvelle de l’élève qui se traduit notamment par la création du foyer socio-éducatif, des délégués des élèves et des CPE.
La vie scolaire permet de faire évoluer - bien que lentement - la gestion du temps et de l’espace scolaires en ajoutant la dimension éducative à l’enseignement.
En plus du foyer et des délégués, les élèves ont acquis, depuis 1991, des droits importants (réunion, association, expression, publication) mais ils les investissent de manière limitée, en partie du fait de résistances institutionnelles.
Parce que les pratiques sociales et les jeunes évoluent la vie Scolaire doit évoluer dans ses pratiques, qu’il s’agisse de la discipline, du règlement intérieur de la gestion des absences ou encore du traitement des violences et des déviances.
L’émergence de la vie scolaire a introduit une rupture dans la tradition de l’école et dans le même temps les missions des différents acteurs ont dû évoluer profondément. C’est notamment le cas du CPE ancien surveillant général devenu CPE organisateur/animateur, puis CPE pédagogue.
Si la vie scolaire est désormais installée dans le système éducatif elle demeure fragile et doit encore s’y affirmer.


Introduction

L’introduction trace les contours de la vie scolaire, entre concepts et quotidienneté : « l’être-là, nous dit l’auteur, l’élève en retard ou renvoyé de cours, la retenue, le cartable volé... ». Il en dessine également l’historique. La vision de la vie scolaire dépend de la position de celui qui la voit (CPE, chef d’établissement, élève. , .) et l’on en trouve quelques caricatures : « l’instance disciplinaire, le pôle animation, le centre administratif . . . » . Mais au-delà de celles-ci, la vie scolaire est d’abord une réalité de terrain et une unité fonctionnelle, elle s’inscrit dans une approche globale du fonctionnement et du rôle de l’école dans la société, et à ce titre engage chacun des membres de la communauté éducative.

Des précurseurs à l’institution de la vie scolaire
La notion de vie scolaire répond historiquement à une approche nouvelle de l’élève dans le système éducatif, suivant les changements de la société et l’évolution des moeurs.
Elle trouve son origine à la fin du XIXe siècle et apparaît au sommet de sa vitalité dans les années 1960/1970.A partir des années 1980, elle trouve sa place au cœur de la pédagogie.
Historiquement, la vie scolaire trouve quelques précurseurs : l’américain John Dewey (expérimentateur de la méthode d’éducation libérale, vers 1860), le philosophe Henri Marion (1890), les chercheurs Jean Piaget et Henri Wallon, les pédagogues de l’éducation nouvelle, Célestin Freinet et Roger Cousinet, ainsi que les mouvements de jeunesse (Ligue de l’enseignement, Scouts, CEMEA, Francas, AROEVEN, etc,) du début du XXe siècle à nos jours.
Le plan Langevin Wallon (1947) et les mouvements pédagogiques contemporains des événements de 1968 jouent un rôle déterminant.
Un certain nombre d’événements contribuent à l’émergence de la vie scolaire : création de cafétérias et de clubs dans certains établissements dès les années 1960, bouleversements de 1968, apparition dès 1959 de l’autodiscipline et des foyers, modification du rôle des surveillants généraux en 1965, généralisation des foyers socio-éducatifs et création des délégués des élèves (1968), création des CE/CPE en 1970, définition de leur nouvelle mission en 1982.
L’établissement n’est désormais plus uniquement un lieu d’étude, mais aussi un lieu de vie, et il y a complémentarité entre éducation et pédagogie.

Les structures de la vie scolaire : temps et espace
L’auteur montre l’importance d’une bonne prise en compte du temps et de l’espace dans la vie Scolaire. Il montre comment la notion de vie scolaire permet de modifier et de mieux prendre en compte ces dimensions, même modestement.
Les emplois du temps traditionnels ne sont guère adaptés au temps vécu des élèves : souvent saturés de cours. Ils ne prennent pas assez en compte les rythmes biologiques, notamment la nécessaire pose de « 12/14 », et les besoins physiologiques propres des adolescents.
Sont examinés les apports positifs des différentes expériences de rénovation du temps Scolaire : « 1/3 temps pédagogique », « travail autonome », « 10 % », et la question de la place des activités périscolaires dans l’établissement (« supplément d’âme » ou concept central ?). L’auteur montre que le périscolaire s’est le plus souvent cantonné à occuper les temps morts des élèves.
Il montre aussi la difficulté à intégrer la vie démocratique (délégués des élèves), l’orientation et les thèmes transversaux (SIDA, prévention routière, toxicomanie, action culturelle), qui se heurtent à la conception traditionnelle de l’emploi du temps, et la résistance des élèves à s’investir dans des activités parascolaires qui prendraient sur leur temps libre.
L’auteur plaide pour une rénovation du temps scolaire : temps « capitalisé », développement de l’heure de vie de classe, emplois du temps souples, développement des pauses, etc., et insiste sur l’un de ses corollaires, à savoir une communication et des modes d’information performants dans l’établissement.

L’organisation traditionnelle de l’espace ne répond plus aux besoins actuels de la pédagogie et de la vie scolaire : travaux de groupes, audiovisuel, convivialité, autant de faits qui nécessitent des évolutions, prises en compte dans les nouvelles constructions,
La permanence doit être rénovée dans le sens d’une plus grande convivialité, mais aussi la demi-pension et l’internat dans bien des cas, même si les avancées y sont plus importantes.
La rénovation des internats est un moyen d’enrayer leur déclin ; la cafétéria modifie partiellement la relation des lycéens à leur établissement ; les clubs doivent trouver des lieux adaptés à leur bonne marche ; le CDI doit être accueillant et bien équipé ; les salles de travail doivent être réellement adaptées à l’étude, il s’agit à la fois d’accompagner le progrès pédagogique et de mieux tenir compte de la vie collective, de donner aux élèves un sentiment d’appartenance et l’envie de rester dans l’établissement en dehors des heures de cours.


Les nouvelles voies de la vie scolaire


Modèle associatif et foyer socio-éducatif (FSE)

Dans les années 1960, des évolutions importantes interviennent, telles que le FSE et le système de représentation des élèves, constituant une rupture avec la tradition autoritaire.
En 1991 , de nouveaux droits sont reconnus aux lycéens, même s’il y a un fossé important entre les droits et leur application.
Le FSE, généralisé en 1968, apporte beaucoup à la vie scolaire et constitue un précieux complément d’éducation en terme d’apprentissage de l’autonomie, même si l’on constate très vite des dérives du FSE, souvent simples structures sans vie réelle.
La maison des lycéens, instituée en 1991, devait, en leur succédant, relancer la vie des FSE, mais elle se heurte dans l’ensemble à une démobilisation des jeunes pour ce type de structure : est-elle réellement adaptée à leurs souhaits ?

Délégués des élèves et représentation
La représentation des élèves est le deuxième pilier essentiel de la vie scolaire.
L’institution des délégués des études, également en 1968, remet profondément en cause l’ordre établi. Mais là aussi, cette institution dont les principes sont positifs et novateurs s’avère inadaptée - le délégué se trouve écartelé entre l’élève (soumis) et le représentant (insoumis) - et fonctionne plutôt mal dans les faits, au-delà de son aspect formel et réglementaire.

Toutefois, les dispositions nouvelles depuis 1991 ont apporté un nouveau souffle à la représentation : des crédits ont été débloqués (fonds de vie lycéenne, fonds social lycéen, etc.),
Le conseil des délégués a été créé, la formation des délégués relancée. Là où cette dernière est bien menée, elle fonctionne, mais force est de constater que la représentation des élèves a encore souvent des difficultés à s’imposer dans les établissements.

Les droits des élèves et leurs limites
Les jeunes disposent depuis 1991 de droits importants (de réunion, d’expression, d’association, de publication, etc.) qui sont potentiellement très formateurs en termes d’apprentissage du débat, de coopération associative, de respect de la parole de l’autre et de gestion de projet.
Mais il y a là aussi un contraste important entre les droits et leur usage. Les élèves, dans l’ensemble et pour des raisons diverses, les investissent peu ; l’institution les met en place mais s’en préoccupe peu ensuite ; les enseignants y sont encore souvent réticents.

Les élèves ont des droits, et l’ouverture effective de cet espace de droit est un défi important actuellement pour la vie scoIaire, consistant à encourager une pratique active des droits, porteuse d’un réel projet éducatif.

« C’est en réinfectant de l’éducation dans la pratique des savoirs que l’on peut espérer redonner du sens à l’acquisition des connaissances », nous dit l’auteur.

Ordre et désordre dans la vie scolaire
La vie scolaire tente de fonder un nouvel ordre dans l’établissement sur les ruines de la discipline. Le règlement intérieur constitue pour cela un outil éducatif pertinent. Mais cet ordre reste fragile, car l’établissement, à l’image de la société, est perturbé par l’érosion des valeurs.


La discipline

Elle est une exigence tout à la fois civile, éducative et morale.
Elle est travaillée par des contradictions, et il faut prendre garde aux dérives : la dérive libertaire sous forme d’autodiscipline n’a pas fait ses preuves, mais il convient également de se garder des dérives sécuritaires actuelles. Le challenge de la vie scolaire n’est pas de restaurer la discipline, mais de construire un nouvel ordre.


Le règlement intérieur

Le » style » des règlements intérieurs suit l’évolution historique : phase disciplinaire (du XVIe siècle aux années 1960), phase libérale (années 1960/1970) et phase juridique (depuis la fin des années 1980).

On observe, des années 1960 à nos jours, un mouvement allant d’une approche disciplinaire puis libérale à une approche éducative, « de la loi de l’ordre à l’ordre de la loi »
.
S’impose progressivement un règlement intérieur fondé en droit et qui se donne des objectifs éducatifs. C’est l’émergence de la citoyenneté. Il s’agit certes de maintenir l’ordre, mais aussi de former le citoyen ; d’imposer des devoirs, mais de donner des droits.

La sanction elle-même évolue : il faut certes faire respecter la loi, mais aussi être juste, prononcer une sanction proportionnée, socialisante, éducative.
Il en va de même du conseil de discipline, qui doit être une instance de droit.

Les pratiques sociales dans la vie scolaire et les stratégies des élèves
La vie scolaire est au cœur de contradictions entre deux cultures : le monde des élèves, plus ou moins solidaire, inspiré souvent par la « loi des pairs », et la culture enseignante avec ses traditions pédagogiques.
Il faut gérer les « pro » (qui adhèrent au projet de l’école) et les « anti » (qui la rejettent, voire y font oeuvre de violence), répondre dans certains établissements aux vœux d’excellence des « héritiers », gérer les nouveaux publics en décalage avec la culture scolaire, prompts à utiliser des stratégies dérivées pour réussir : le plus de résultats avec le moins de travail, le semblant en lieu et place de l’effort, les manipulations diverses, ..

Contrôle des absences

Le contrôle des absences est lié historiquement à l’obligation scolaire.
Le traitement des absences demeure fondamentalement le même qu’autrefois et s’avère actuellement inadapté, du fait du développement des absences lié à l’évolution du rapport des élèves et des familles à l’école.
On assiste au déclin de l’obligation scolaire, qui ne s’impose plus aux usagers comme une évidence, L’informatique aide au traitement, mais ne règle rien sur le fond, Car au-delà du contrôle, ce qui importe, c’est l’élève et son projet scolaire, d’où l’importance du suivi de l’élève, de l’analyse des absences et de la prévention, qui doit revêtir un caractère éducatif pour les jeunes.

Déviances et confrontations dans scolaire
La vie scolaire doit aussi faire face à des déviances, violences et confrontations. Il peut s’agir de formes « banales »ou « dures » de toxicomanie, d’alcoolisme, de fugues ou de tentatives de suicide. Pour cela, elle use d’informations, d’écoute, de travail de prévention.
Les violences et actes de délinquance font l’objet de sanctions, de partenariats avec la police et la justice, mais l’établissement se doit là aussi de jouer la carte de la prévention.

Les acteurs de la vie scolaire
L’apparition de la vie scolaire introduit une rupture avec la tradition de l’école, un changement qui se construit dans le même temps où s’impose la notion de communauté éducative.
Concomitamment, les fonctions des différents acteurs se transforment, car la communauté éducative, c’est la prise en charge par tous des finalités de l’école : formation, instruction et éducation.
La fonction enseignante opère lentement sa mutation, les professeurs entrent dans la vie scolaire, ce qui engendre des changements dans l’autorité pédagogique, la forme de l’enseignement et les pratiques pédagogiques.
La fonction des assistantes sociales monte en puissance, l’infirmière glisse des soins vers la prévention, les agents de service ont un rôle à jouer dans la vie scolaire. Les missions des MI/SE évoluent dans les faits, les conseillers d’orientation ont pour mission d’aider le projet individuel de l’élève et deviennent les COP ; les documentalistes jouent désormais un rôle central dans la vie scolaire, dont les frontières avec la pédagogie s’amenuisent.
On passe du surveillant général chargé de la discipline au CPE chargé d’éducation et « d’épanouissement ». . . des élèves , organisateur, médiateur et animateur tout à la fois.
Le chef d’établissement joue, quant à lui, un rôle central dans la vie scolaire : il impulse, pilote, anime et évalue.

Conclusion

La vie scolaire est désormais définitivement installée dans le lsystème éducatif français, mais, après trente ans d’existence, il lui reste à s’affirmer encore sur bien des points. Elle est irréversible parce que tournée vers l’avenir, mais ses acquis sont fragiles, car la nostalgie de la discipline, de la sanctuarisation et de l’élitisme demeure forte.
Il doit y avoir pour l’avenir cinq exigences, qui sont inscrites dans la vie scolaire : développer la représentation des élèves, faire de la vie scolaire un moteur de l’établissement, mettre en place une évaluation de l’élève qui dépasse les simples aspects scolaires, développer la citoyenneté, prendre en compte le caractère global de l’éducation.

François Albaret