Les conseillers principaux d'education / PUF, 2000 publié le 02/05/2008  - mis à jour le 23/06/2008

(Avec l’aimable autorisation des éditions WEKA) Cette note est extraite du "Recueil de notes de lecture pour le concours CPE"

Les auteurs

Régis Rémy est CPE au lycée Jean Rostand de Caen. Responsable syndical au SNES il est élu du personnel. Il participe à la formation des CPE à I’IUFM de Caen.
Pierre Sérazin est CPE honoraire, il a d’abord exercé comme surveillant général de 1962 à 1971 .
Il a été durant quatre ans formateur aux CEMEA, et a occupé des responsabilités syndicales nationales au SNES comme secrétaire national CPE et élu du personnel.
Christian Vitali est CPE au lycée Malherbe à Caen. Membre des jurys de concours depuis 1983, il collabore à la préparation au concours de CPE du CNED depuis 1994, et est responsable de la formation des CPE à I’IUFM de Caen. Il anime la Revue de la vie scolaire depuis 1982 .

Point de vue

L’ouvrage est une « bible » pour les professionnels de la vie scolaire et les candidats au concours.
Il s’appuie sur une longue pratique des établissements, même s’il est plus axé sur le lycée que le collège.
Le contenu est d’une grande valeur, même si certains passages peuvent faire sourire les praticiens d’établissements difficiles soumis à l’urgence, et qui auront parfois du mal à se reconnaitre dans la vision très pédagogique et noble du métier que développent les auteurs.
Cet ouvrage est un hymne à la profession de CPE. L’ambition qui le traverse donne envie de devenir CPE à ceux qui ne le sont pas, et de le rester à ceux qui le sont déjà.
Bien qu’ assez récent, « Les conseiller d’éducation » est un ouvrage de référence, à lire par tous.

L’essentiel

Le CPE succède en 1970 au surveillant général.
En trente ans, progressivement et parallèlement à la massification scolaire et aux évolutions de la société, il est devenu un spécialiste de l’éducation intervenant avec ses partenaires dans le champ pédagogique, et investi d’une large mission.
Organisateur de la vie scolaire il place les élèves dans les meilleurs conditions possibles d’étude.
Pédagogue, il suit les jeunes dans tous les aspects de leur scolarité et contribue avec ses partenaires - notamment les enseignants - à mener les actions d’aide dont ils ont besoin.
Porteur de la loi, de normes et de valeurs fondamentales, il promeut la formation du citoyen dans tous les domaines.
En ces années 2000, l’enjeu fondamental de sa mission est l’articulation de la réussite scolaire avec la socialisation et l’apprentissage de la citoyenneté.

Introduction

D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Que font-ils ? Voici les questions auxquelles l’ouvrage tente d’apporter des réponses


Historique

L’arrivée des surveillants généraux

Le surveillant général est créé en 1847 au sein du lycée impérial, pour assurer la transmission des valeurs à l’élite de la nation. De service permanent, tenu de loger au lycée (d’abord sans sa famille), il ne peut sortir sans autorisation du proviseur.
Il est chargé de l’ordre et de la discipline, des absences et retards, de la tenue et de la propreté des élèves.
La notion de vie scolaire est inexistante, les jeunes sont des disciples qui doivent le respect à leurs maîtres, C’est l’époque du « surgé » .
La fonction va cependant évoluer pendant un siècle, suivant l’évolution de la société.

Le surveillant général éducateur

Après 1945 coexistent trois types d’établissements : le cours complémentaire (futur collège), les lycées classiques et modernes, les établissements techniques.
Les CET deviennent le champ d’expérimentation des surveillants généraux, qui vont y faire évoluer leurs pratiques vers l’animation.
Le statut des MISE est créé en 1937, générant des équipes de surveillance de qualité et à haut potentiel.
Les internats font le plein et les élèves y passent beaucoup de temps. Dans les CET, la qualité du climat de l’internat joue fortement sur l’établissement, et les surveillants généraux vont y accorder de l’attention. Ils portent leur intérêt sur l’animation pour occuper les internes durant les nombreux temps libres, l’animation se développe et les MI, proches des élèves et souvent motivés, s’y investissent.
On voit apparaître de nombreux clubs entre 1955 et 1965.
Les surveillants généraux portent leurs efforts sur la vie collective, innovent dans leurs pratiques, ajoutant au maintien de l’ordre une dimension éducative. Les associations d’éducation populaire prospèrent à cette époque et se crée la FOEVET (Fédération des Ouvres éducatives et de vacances) pour fédérer les activités éducatives des CET. C’est d’elle qu’est issu le FSE, dont les principes constituent une petite révolution, notamment l’égalité entre élèves et adultes et la cogestion.
Les surveillants généraux se trouvent engagés dans ce domaine, ce qui modifie leurs pratiques.
Dans les années 1950/1960, les centres de vacances pour les jeunes rencontrent un grand succès. Les AROEVET organisent de nombreux séjours, que les surveillants généraux dirigent souvent.
Les mouvements d’éducation nouvelle (GFEN, CEMEA, etc.) font évoluer les conceptions de l’éducation dans les établissements, l’objectif étant de lier pédagogie et éducation.

Vers une nouvelle fonction

Au début des années 1960, les pratiques ont beaucoup évolué en CET, mais pas dans les lycées. Il y a notamment peu de FSE. Une conception nouvelle de la Surveillance générale apparait dans les CET, qui va transformer les pratiques des surveillants généraux.
L’lnspection générale jouera d’ailleurs un rôle important, comprenant l’intérêt éducatif de cette évolution, et cherchant à la généraliser. elle met notamment en place des stages de formation pour les surveillants généraux dans ce but.
La circulaire de 1965 sur la mission ajoute officiellement à la discipline une dimension pédagogique et éducative à leur métier. L’explosion des collèges, l’amélioration de la qualité des équipes éducatives et la mixité « tirent » dans le même sens,
Mais, si le climat de la vie scolaire et son contenu sont meilleurs, les FSE piétinent.
A la fin des années 1960, l’ennui des jeunes apparait dans les établissements. Le malaise grandira jusqu’au 1968, aussi bien chez les élèves que chez les surveillants généraux qui ont des difficultés à répondre à l’évolution des jeunes et qui ne supportent plus leur titre, décalé par rapport à leurs pratiques. Leurs organisations syndicales demandent la révision de leur statut.
Mai 1968 survient, de nombreux surveillants généraux y participent, et leurs relations avec élèves et professeurs vont en sortir radicalement transformées. Ils rejettent leur statut et revendiquent leur rôle éducatif aux côtés des enseignants.

Les héritiers

Le statut de 1970 met fin aux surveillants généraux et crée les CE/CPE. Il est accueilli avec joie par le plus grand nombre des SG..
Mais la circulaire d’application de 1972 sera marquée du sceau de la régression, sous la pression des personnels de direction, hostiles à cette évolution. C’est la déception et la colère face à ce texte qui freine l’évolution du métier.
Les FSE déclinent, les aspirations des élèves changent. Les CPE ne progressent guère dans les années 1970.
Néanmoins, le recrutement par concours depuis 1971 amène une nouvelle vague de CE/CPE qui rompent avec les anciennes pratiques et avec « l’équipe de direction ». La circulaire de 1972 est contestée par les CPE.

Une nouvelle identité

La circulaire de 1982 sur la mission arrive comme un texte libérateur. Elle confère une nouvelle dignité au métier, offre un cadre horaire légal (39 heures), précise les fonctions, donne une définition progressiste de la vie Scolaire, invite à l’innovation.
La fonction acquiert une vraie reconnaissance aux yeux de tous, exception faite des nostalgiques.
Les CE/CPE deviennent les spécialistes de la vie scolaire, et se rapprochent des enseignants. Confrontés à la massification et à son cortège de difficultés scolaires, ils développent les fonctions d’écoute et de suivi, l’aide personnalisée et le travail en équipe. Ils sont invités par le décret de 1989 à s’investir également avec professeurs et COP dans le champ de l’orientation.
Les FSE périclitent, le comportement des élèves change dans leurs rapports à l’école vers la fin des années 1980 dans le sens du consumérisme et de l’absentéisme endémique et sélectif.
Le CPE a acquis une place dans la cité scolaire, et une image positive affirmant un rôle d’éducation et d’apprentissage de la citoyenneté.

Le CPE dans l’équipe éducative

La loi de 1989 conforte cette évolution. Les CPE sont positionnés au sein de l’équipe pédagogique. La profession est unifiée : le corps des instructeurs disparait, le recrutement des CE est stoppé, et tous sont progressivement intégrés dans le corps des CPE. La formation a désormais lieu dans les IUFM, avec les enseignants. Les CPE quittent définitivement les équipes de direction.
Dans les années 1990 apparaissent des difficultés (risque d’absorption sociale, retour d’une demande sécurisante en direction des CPE) mais aussi un nouvel axe positif de travail : la citoyenneté.


Identité et pratiques professionnelles

La scolarisation s’est massifiée (6 % de bacheliers en 1950, 61 % en 1999), et c’est durant ces trente années que les CPE subissent une transformation profonde : leur nombre double entre 1978 et 1998, le corps se féminise et se rajeunit.

Recrutement et formation

Après avoir relativement stagné, le recrutement et la formation évoluent beaucoup : concours externe à partir de 1986, formation en IUFM dès 1992, refonte des épreuves en 1996 et définition d’un programme.
La formation devient pluridisciplinaire et comporte trois axes : adolescence, connaissance du système éducatif et mission du CPE.
Le concours est très sélectif et les candidats souvent d’un haut niveau.
Les IUFM exercent une grande responsabilité dans la formation et contribuent à façonner largement et positivement la profession. Cependant, la formation commune avec les enseignants reste faible, les plans de formation très disparates selon les IUFM, il y a manque de cohérence.

La formation continue

Les CPE sont très exposés aux changements de l’environnement, et ils ne peuvent mener seuls cet effort d’adaptation.
Ils ont donc particulièrement besoin de formation continue.
Par ailleurs, de nombreux CPE n’ont jamais reçu de formation initiale. Il y a des besoins importants de mise à jour théorique en sociologie, psychologie et sciences de l’éducation. Enfin, la demande est forte.
Or, la Situation d’insuffisance est patente, et les CPE reprochent à la FC son inefficacité et son inadaptation. De toute évidence, l’institution devrait définir des axes solides de FC et se donner les moyens de les mettre en oeuvre.

Les pratiques professionnelles

Selon qu’il travaille en lycée, LP ou collège, le CPE doit s’adapter.
Au lycée, les effectifs sont souvent importants. Les problèmes de société y sont très présents : mal-être, consommation de drogues, dégradation des conditions de vie. Les « nouveaux lycéens » ont souvent une attitude qui exige des CPE des réponses adaptées : écoute, suivi et aide. Une demande d’intégration professionnelle s’exprime, La relation des lycéens à l’école s’est modifiée, ils veulent un rapport personnel aux adultes, empreint de communication. Le post-bac s’est développé, créant de nouvelles demandes pour les CPE.
En lycée professionnel, le CPE est très confronté à la difficulté scolaire et sociale, à une population disparate, à la démobilisation scolaire et aux abandons, à l’absentéisme.
C’est là que l’on trouve le plus grand nombre de jeunes travaillant en plus de leurs études. La motivation est souvent faible pour l’enseignement général, les actes de violence et les conduites à risque plus fréquents. Le CPE y est souvent très investi dans le travail d’équipe et l’action éducative, le métier y porte une dimension sociale globale.

Le collège est le domaine de l’hétérogénéité des publics et des difficultés du collège unique. C’est à ce niveau que le mal-vivre est le plus perceptible. Souvent, le CPE y est seul, accaparé par les questions de sécurité, de surveillance, le traitement de dysfonctionnements, et donc en difficulté pour assurer le suivi des élèves et des classes. Les CPE de collège ont le sentiment d’être absorbés par le fonctionnement au détriment des autres axes d’action professionnelle. De plus, ils pallient fréquemment le manque de personnel médico-social.

En 1999, un millier d’établissements (surtout des collèges) restaient dépourvus de poste de CPE, et c’est aussi dans les collèges que l’on trouvait le plus faible taux d’encadrement : un CPE pour cinq cents élèves environ, contre un pour quatre cents en lycée et un pour trois cents en LP. Ce sont aussi les collèges qui sont le plus souvent confrontés aux grandes difficultés liées à l’environnement (ZEP).

Un travail en partenariat

La position et le rôle du CPE requièrent un travail avec tous les partenaires.
En premier lieu avec les professeurs pour le suivi des élèves et le traitement des problèmes qui surgissent, mais aussi à des fins pédagogiques ou culturelles. Ce travail en commun est un impératif, surtout au regard de l’évolution des publics scolaires, Il va également de soi avec les COP pour une action en commun relative aux projets des élèves. Il est évident avec l’assistante sociale et l’infirmière conseillère de santé, au sujet des problèmes sociaux et de santé.
Avec la direction, le devoir de responsabilité exige une sincère collaboration dans l’intérêt des élèves, même si l’on peut déplorer encore beaucoup de difficultés de collaboration, voire de conflits.
Le travail en équipe est fondamental, mais il ne se décrite pas. Il exige respect de la mission de chacun, confiance et volonté de travailler en commun.


Les foncions du CPE

Le CPE et l’organisation de la vie scolaire

Le CPE conserve les missions historiques d’organisation de la vie scolaire, qu’il exerce dans un nouvel esprit : le temps scolaire est conçu pour l’enseignement et offre peu de souplesse. Le CPE doit pourtant y introduire de l’action éducative, ce qui pose des problèmes. L’espace scolaire est organisé aussi pour l’enseignement, même si l’on constate depuis la décentralisation le souci de donner à la vie scolaire sa place dans les locaux. Il faut au CPE aménager des espaces de travail personnel, de détente et de loisirs. Il lui faut notamment porter une attention particulière au « 12- 14 », qui doit être un moment de qualité, et bien sûr à l’internat, qui est un haut lieu éducatif malgré les problèmes qu’il rencontre.
Le CPE veille au bon ordre et à la sécurité des élèves, physique et morale. La surveillance est importante et le CPE ne peut s’en désintéresser, même si elle comporte une dimension antagonique de l’acte éducatif, qui pour ce dernier vise à l’autonomie. Le CPE doit favoriser l’apprentissage de l’autonomie, même s’il se trouve, en cela, en contradiction avec d’autres acteurs, et même si le développement de la violence appelle des réflexes sécurisants.
Les surveillants lui sont bien sûr précieux sur cet axe d’action, et le travail avec eux est essentiel.

Le rôle pédagogique du CPE

Le CPE a acquis au fil du temps un rôle pédagogique, qui constitue une problématique nouvelle, La massification a entrainé un élargissement de son champ d’action, notamment dans les domaines du suivi et de l’accompagnement des élèves. Cette activité se développe en parallèle et en collaboration avec les professeurs, et relève de plus en plus d’un véritable suivi pédagogique de l’élève, consistant certes à suivre l’assiduité, mais aussi le contexte de vie, la scolarité et les résultats, l’orientation ainsi que les engagements associatifs et citoyens.
Ceci requiert des outils et méthodes nouveaux permettant de collecter efficacement l’information, de bien connaitre l’élève, de pouvoir agir en partenariat avec les autres professionnels et les familles, ce qui suppose de bonnes aptitudes en matière de communication.
L’aide aux jeunes en difficulté relève de la mission « naturelle » du CPE, qui inscrit sa contribution selon quelques axes : écoute des élèves, relation d’aide, analyse et évaluation des problèmes, organisation de la vie scolaire, travail en réseau avec les partenaires. Par exemple, la mise à disposition de salles de travail, le dépistage des difficultés, le suivi attentif du contexte d’existence des jeunes (problèmes personnels et familiaux, « petits boulots »), etc., l’action en synergie avec les partenaires, sont autant de moyens d’action pour aider ceux qui en ont besoin.
Le CPE se préoccupe aussi du projet d’orientation de l’élève. Il collabore avec le spécialiste qu’est le COP et avec le professeur principal. Sa connaissance globale de l’élève, sa relation transversale, le suivi polyvalent qu’il opère lui donnent un rôle complémentaire de celui de ses partenaires.
L’accès au champ pédagogique est significatif de l’évolution de cette profession, et participe d’un nouveau partenariat au service de l’élève.

Le CPE et l’éducation du citoyen

Avec les autres personnels, le CPE contribue à l’éducation du citoyen.
Il oeuvre à apprendre aux jeunes à vivre ensemble : accepter une discipline, comprendre le bien-fondé de la loi, accepter des principes différents de ceux qui sont souvent en vigueur dans les familles permissives, Il lui faut faire comprendre et admettre les exigences du « vivre ensemble », de la loi, des conventions et des valeurs de la vie sociale. Au cœur de la vie scolaire, le CPE joue un rôle majeur dans la socialisation, et ce à trois niveaux : la dimension formelle liée au rapport à la loi, la dimension relationnelle liée à la normalisation, la dimension symbolique liée à la vie communautaire.
Il est porteur de règles, de normes en partie propres à l’établissement et qui ne sont pas celles de l’extérieur, des valeurs de l’institution. Il est aidé en cela par les surveillants, il pèse sur le climat de l’établissement qui doit être propice à l’étude.
Socialiser est une pratique « naturelle » du CPE, mais elle ne suffit pas à éduquer le futur citoyen, qui devra agir dans l’espace public. Le CPE agit également selon cinq axes cohérents : Il met en place le système de représentation des élèves et l’évalue pour le faire progresser, il participe à promouvoir les nouveaux droits des élèves (réunion, association, publication, expression, etc.), il encourage la citoyenneté dans la vie scolaire et assure la formation des délégués.

Conclusion

La fonction du CPE prend racine sur les décombres du système disciplinaire et met fin au surveillant général.
On entre, avec sa création en 1970, dans une période de profonds changements, et le CPE devient l’emblème du renouvellement de la relation pédagogique.
Les années 1990 confirment le CPE comme pierre angulaire de la citoyenneté en milieu scolaire.
L’enjeu fondamental de la mission du CPE des années 2000 est désormais l’articulation de la réussite scolaire avec la socialisation et la citoyenneté.

François ALBARET