Mémoire et patrimoine d'une Acadie en Poitou publié le 11/07/2007  - mis à jour le 29/03/2012

Un projet pédagogique sur ce thème permet d’enseigner des éléments de l’Histoire de l’Amérique française tout en éveillant les élèves aux questions de la mémoire et du patrimoine. Il doit également faire réfléchir au fait migratoire dont les enseignements peuvent être mis en relation avec nos sociétés contemporaines.
Il paraît judicieux de consulter l’ouvrage intitulé Champlain et les Portes du Nouveau Monde dirigé par Dominique Guillemet et Mickaël Augeron. De nombreux articles et notices livrent des documents fort utiles dans le cadre d’une exploitation pédagogique. Nous reprenons ici certaines des réflexions des auteurs en les complétant par une exploitation du site patrimonial d’Archigny.

Patrimoines migratoires

Parcours individuels et généalogie

L’une des pistes les plus pédagogiques est de recomposer le parcours d’individus et le cas échéant de leur parenté proche. C’est un travail qui nécessite le plus souvent un travail aux archives départementales, on pourra une fois encore utiliser avec profit des ouvrages de seconde main à l’image de Champlain ou les portes du Nouveau Monde qui offre justement un certain nombre de parcours dans des notices courtes en s’appuyant sur des documents de première main1.
Les ouvrages de seconde main sont également parfois des mines d’informations et de matériaux pédagogiques, outre l’ouvrage classique de Rameau de Saint-Pierre, il est recommandé d’avoir recours à l’ouvrage de Bona Arsenault, intitulé Histoire des Acadiens .
Le travail sur la parenté peut également être réalisé par un travail dans un des cimetières de ces villages ayant accueillis nos Acadiens. L’intérêt d’un tel travail repose aussi sur la construction de carte de ces parcours identifiés. On pourra observer que la migration est un phénomène plus complexe qu’on l’a souvent dit ou écrit. Les routes isolées sont rares, les allers et retours plus fréquents et le soutien de réseaux, familiaux, socio-professionnels ou confessionnels sont omniprésents2

Les transferts linguistiques et culturels

En s’appuyant sur la ferme acadienne n°6 d’Archigny qui dispose de son mobilier ou encore du musée acadien on pourra aborder la question de la culture matérielle. A travers l’étude de la vie quotidienne grâce à une telle visite ou un des documents d’archive de type inventaire après décès, il est possible de mettre en évidence les traces d’une vie transatlantique et des éléments d’acculturation américaine ou métropolitaine dans le cadre d’un projet pédagogique pluridisciplinaire voire transdisciplinaire, les transferts linguistiques entre le Centre-Ouest français et l’Amérique du Nord.
Avec un collègue de français on pourra faire émerger une réflexion sur la réalité de la pratique linguistique des futurs colons avant leur départ de leur province d’origine : parlaient-ils le français ou un dialecte ou patois, plus communément désigné sous l’expression « langue régionale ». On tiendra compte du cajun, forme louisianaise de l’acadien, transporté là-bas dans le mouvement d’exode provoqué par le "grand déménagement". Au total plus de 400 mots présents dans le dictionnaire du français acadien d’Yves Cormier sont communs avec le poitevin-saintongeais et sont présents au moins entre Loire et Gironde dans la durée historique.
On pourra aussi s’intéresser aux transferts d’une technique à l’image de Thierry Veillot dans « Le voyage des aboteaux ou le transfert d’une technique », in Champlain ou les Portes du Nouveau Monde, op. cit., p. 315-316.
La toponymie et les patronymes sont également des thèmes qu’il est possible d’étudier avec des élèves.


La ferme et le musée acadiens d’Archigny : l’héritage patrimonial du territoire local.

Exilés à partir de 1755 pour avoir refusé de se soumettre à la Couronne britannique, une grande partie des Acadiens se dispersent sur la façade atlantique de l’Amérique du Nord ou regagnent l’Europe et le Poitou. Cet épisode historique porte un nom : le "Grand Dérangement".
Plus de 300 familles s’installèrent ainsi dans le châtelleraudais en 1773 et 1774, dans une cinquantaine de fermes, toutes semblables, construites en ligne entre Archigny et La Puye. Mais leur combat pour obtenir leurs titres de propriété se solda par un échec. Déçus, certains partirent pour Nantes, puis, plus tard, vers la Louisiane...

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La ligne acadienne regroupe 57 maisons construites en 1773 pour accueillir les familles "acadiennes", chassées du Canada. Trente-huit de ces maisons, au type très particulier, construites en "pisé" ou en "bousillis", existent encore. L’une d’entre elles, meublée d’époque, abrite aujourd’hui le "Musée Acadien" et retrace l’histoire des exilés de la Nouvelle-France. De la "Ligne Acadienne", il ne reste aujourd’hui qu’une trentaine de maisons.
La Ferme Acadienne d’Archigny est installée dans une ferme de la fin du XVIIIème siècle, au lieu-dit "les Huit-Maisons", au sud de Châtellerault. Il est aujourd’hui le gardien de la mémoire acadienne en Poitou. La Ferme n°6, construite en 1773 sur « La Ligne Acadienne », a été acquise par la commune d’Archigny en janvier 2003. Après une étude de restauration adaptée au bâtiment classé au patrimoine historique, et en collaboration avec le Président Départemental des Maisons Paysannes de France et d’un architecte du patrimoine, les travaux ont débuté fin 2003 pour se terminer à la fin du premier semestre de l’année 2005, soit 232 ans après sa construction.

Musée acadien
(Archigny)

Le Musée Acadien d’Archigny retrace l’histoire et témoigne de la vie au quotidien de ces hommes et femmes. Il met notamment en scène une pièce d’habitation avec son mobilier d’époque. Ce Musée Acadien, situé aux "Huit Maisons", occupe une ferme acadienne de 1773 meublée d’époque.
Haut lieu de l’histoire acadienne en Poitou, il permet de retrouver les traces des exilés de la Nouvelle France et de leur combat pour obtenir leurs titres de propriété définitifs qui ont fait d’eux des agriculteurs aisés.


Approche mémorielle

Associations et mémoires

L’association « les cousins acadiens du Poitou » sur le site de la mairie d’Archigny.

Associations France-Québec
et France-Acadie

La mémoire des lieux dépend étroitement de l’implication plus ou moins grande des acteurs locaux. Dans cette perspective, les associations peuvent constituer un sujet d’étude en s’appuyant par exemple sur celles qui font vivre la mémoire de cette Acadie en Poitou : « les cousins acadiens du Poitou » ou encore le relais départemental de l’association France-Acadie.
On pourra s’intéresser aussi au contexte de la naissance et de l’évolution de ces associations, la comparaison de grandes dates de ces associations est riche d’enseignements :

  • pourquoi la création du comité France- Acadie, transformé en 1976 en « amitiés acadiennes » est elle la plus précoce ?
  • Comment expliquer la création de France-Québec puis de Québec-France, qui prennent leur indépendance vis-à-vis de France-Canada pour approfondir des liens avec des espaces plus privilégiés par l’Histoire et la lange.

Dans le cas d’Archigny l’association « les cousins acadiens du Poitou » est un acteur de cette mémoire déterminant :

  • Quelle est son histoire ?
  • Qui sont les adhérents et les membres actifs ?
  • Quelles sont les activités de cette association ?
  • Quels types de relations entretiennent-elles avec les autres associations, parfois nationales.
  • Quelle est l’implication de la population dans les activités de cette association ?
  • Quel est le rayonnement de cette association ?
  • Quel est son rôle dans le musée acadien ?

Le rayonnement des animations ou des espaces muséographiques ne peut être négligé : en 1991, le Musée du Nouveau-Monde de La Rochelle accueillait 12 à 13000 visiteurs, la ferme-musée d’Archigny près de 6000, la salle acadienne du musée de Chatellerault 4000…
Dans la Charente-maritime il est possible de privilégier Brouage qui dispose désormais d’une structure moderne avec la Maison Champlain.

On pourra lire avec profit :
 Du Québec à la Louisiane, sur les traces des Français d’Amérique,
éditeur : GEO-Histoire, hors série, octobre 2006.

 Histoire des acadiens de Bona Arsenault,
éditeur : Fides, Sant-Laurent / Québec, 504 pages (1ère édition, 1965)

Sur la Nouvelle-France et la Louisiane en particulier, on recommande le site La Louisiane française.

(1) « L’Histoire migratoire de Gabriel Revol, marchand de Louisbourg », p. 162 ou encore « le retour d’administrateurs canadiens en Poitou : Joseph Cadet et son équipe », p. 163

(2) cf. « Odyssées acadiennes », in Champlain ou les Portes du Nouveau Monde, op. cit., p. 171-172.

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Patrimoines migratoires

Approche mémorielle

Auteur

 Laurent Marien

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