Le texte épistolaire publié le 02/12/2008  - mis à jour le 07/10/2010

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Séance 5 : Correspondance et débat de société

Objectif : Appréhender un débat de société à travers l’étude de textes épistolaires

A la suite d’un terrible accident de la route en septembre 2000, Vincent Humbert est devenu tétraplégique, aveugle et muet. Sa mère et le corps médical, en décidant de limiter les thérapeutiques actives, ont mis fin à ses jours. Il s’est éteint le 26 septembre 2003.

Document 1 :

26 novembre 2002

Monsieur Chirac

Tous mes respects, Monsieur le Président.

Je me présente : Je m’appelle Vincent Humbert, j’ai 21 ans. J’ai eu un accident de circulation le 24 septembre 2000. Je suis resté neuf mois dans le coma. Je suis actuellement à l’hôpital hélio-marin à Berck dans le Pas-de-Calais.

Tous mes sens vitaux ont été touchés à part l’ouïe et l’intelligence, ce qui me permet d’avoir un peu de confort. Je bouge très légèrement la main droite en faisant une pression avec le pouce à chaque bonne lettre de l’alphabet. Ces lettres constituent des mots et ces mots forment des phrases. C’est ma seule méthode de communication.
J’ai actuellement une animatrice à mes côtés qui m’épelle l’alphabet en séparant voyelles et consonnes. C’est de cette façon que j’ai décidé de vous écrire. Les médecins ont décidé de m’envoyer dans une maison d’accueil spécialisée. Vous avez le droit de grâce et moi, je vous demande le droit de mourir. Je voudrais faire ceci évidemment pour moi-même et surtout pour ma mère ; elle a tout quitté de son ancienne vie pour rester à mes côtés, ici à Berck, en travaillant le matin et le soir après m’avoir rendu visite, sept jours sur sept, sans aucun jour de repos. Tout ceci pour pouvoir payer le loyer de son misérable studio. Pour le moment, elle est encore jeune. Mais dans quelques années, elle ne pourra plus encaisser une telle cadence de travail, c’est à dire qu’elle ne pourra plus payer son loyer et sera donc obligée de repartir dans son appartement en Normandie. Mais impossible d’imaginer rester sans sa présence à mes côtés et je pense que tout patient ayant toute sa conscience est responsable de ses actes et a le droit de vouloir continuer à vivre ou mourir. Je voudrais que vous sachiez que vous êtes ma dernière chance. Sachez également que j’étais un concitoyen sans histoire, sans casier judiciaire, sportif, sapeur pompier bénévole. Je ne mérite pas un scénario aussi atroce et j’espère que vous lirez cette lettre qui vous est spécialement adressée. Vous direz toutes mes salutations distinguées à votre épouse. Je trouve que toutes ses actions, comme les pièces jaunes, sont de bonnes œuvres. Quant à vous, j’espère que votre quinquennat se passe comme vous le souhaitez malgré tous les attentats terroristes.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Vincent Humbert.

PS : Je voudrais une réponse de votre part, même si celle-ci est négative.

Document 2 :

Paris, le 17 décembre 2002

Cher Vincent,

J’ai lu votre lettre avec émotion. Vos terribles souffrances et l’angoisse que vous exprimez au sujet de votre mère, si dévouée, me touchent profondément. Votre appel est bouleversant. Je ne puis vous apporter ce que vous me demandez, car le président de la République n’a pas ce droit. Mais je comprends votre désarroi, votre détresse profonde face aux conditions de vie que vous endurez, votre révolte aussi devant tant de fatalité et de malheur. Je veux vous aider.

Je verrai prochainement votre mère. Nous parlerons de vous, mais aussi d’elle. Nous devons absolument trouver ensemble les moyens d’alléger le poids des contraintes si lourdes qui sont les siennes. Je veux vous dire, cher Vincent, qu’il est possible de rechercher pour vous des aides nouvelles qui vous apporteront, je l’espère, plus de réconfort, d’apaisement et de soulagement au milieu de tant de souffrances et de désespoir. Nous allons tous nous mobiliser pour cela. Je voudrais enfin vous dire, ainsi qu’à votre mère qui vous lira cette lettre, tout mon respect. Je suivrai personnellement l’évolution de votre situation. Je serai toujours disponible pour vous et pour elle.

Cher Vincent, je suis avec vous et je vous dis toute ma chaleureuse affection.

Jacques Chirac

Questions

Document 1 :

  1. Quel est l’état de santé de Vincent Humbert quand il dicte cette lettre ?Pourquoi ?
  2. Comment communique-t-il ?
  3. Que demande-t-il ? Pourquoi ?
  4. Expliquez l’expression soulignée dans le texte.

Document 2 :

  1. Quelle est la réponse donnée par le président ? Comment la justifie-t-il ?
  2. Quelles solutions propose-t-il ?
  3. Relevez tous les termes qui décrivent l’état d’esprit de Vincent.
  4. En quoi cette lettre peut paraître surprenante ?
  5. Finalement qu’est-il arrivé à Vincent ?

Débat : Quelle est votre opinion sur l’euthanasie ? Pourquoi ?