Le texte épistolaire publié le 02/12/2008  - mis à jour le 07/10/2010

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Séance 4 : La lettre de rupture

Objectif : Analyser des lettres de rupture réelles et fictives et être capable de rédiger une lettre

Document 1 :

A Alfred

[…] Ô Dieu, ô Dieu ! je te fais des reproches à toi qui souffres tant ! pardonne-moi, mon ange, mon bien-aimé, mon infortuné, je souffre tant moi-même ; je ne sais à qui m’en prendre ; […] Qu’allons nous devenir ? Il faudrait que l’un de nous eût de la force soit pour aimer, soit pour guérir ; et ne t’abuses pas, nous n’avons ni l’une ni l’autre, et pas plus l’un que l’autre. Tu crois que tu peux m’aimer encore, parce que tu peux espérer encore tous les matins après m’avoir nié tous les soirs. Tu as vingt-trois ans et voilà que j’en ai trente et un, et tant de malheurs, tant de sanglots, de déchirements derrière moi ! Où vas-tu ? Qu’espères-tu de la solitude et de l’exaltation d’une douleur déjà si poignante […] Tu veux exciter et fouetter ta douleur. N’en as tu pas assez comme cela ? Moi, je ne crois pas qu’il y ait quelque chose de pis que ce que j’éprouve. Mais tu espères ? Tu t’en relèveras peut-être ? […] Eh bien oui, tu es jeune, tu es poète, tu es dans ta beauté et dans ta force. Essaye donc. Moi je vais mourir. Adieu, adieu, je ne veux pas te quitter, je ne veux pas te reprendre, je ne veux rien. […] Je ne t’aime plus mais je t’adore toujours. Adieu, pars, seulement ne dis pas que je ne souffre pas. Il n’y a que cela qui puisse me faire souffrir davantage, mon seul amour, ma vie, mes entrailles, mon frère, mon sang, allez-vous en, mais tuez-moi en partant.

Georges Sand, 1835.

Document 2 :

Emma Bovary, épouse d’un officier de santé, étouffe dans sa vie monotone et pour tromper son ennui, elle prend un amant, Rodolphe, avec lequel elle rêve de folles escapades. Mais cette liaison commence à peser à Rodolphe qui se décide à rédiger une lettre de rupture.

« - Allons, se dit-il, commençons ! Il écrivit : " Du courage, Emma ! du courage ! Je ne veux pas faire le malheur de votre existence… " - Après tout, c’est vrai, pensa Rodolphe ; j’agis dans son intérêt, je suis honnête. " Avez-vous mûrement pesé votre détermination ? Savez-vous l’abîme où je vous entraînais, pauvre ange ? Non, n’est-ce pas ? Vous alliez confiante et folle, croyant au bonheur, à l’avenir…Ah ! Malheureux que nous sommes ! insensés ! " Rodolphe s’arrêta pour trouver ici quelque bonne excuse. - Si je lui disais que toute ma fortune est perdue ?… Ah ! non, et, d’ailleurs, cela n’empêcherait rien. Ce serait à recommencer plus tard. Est-ce qu’on peut faire entendre raison à des femmes pareilles ? Il réfléchit, puis ajouta : " Je ne vous oublierai pas, croyez-le bien, et j’aurai continuellement pour vous un dévouement profond ; mais un jour, tôt ou tard, cette ardeur ( c’est la le sort des choses humaines) se fût diminuée, sans doute ! […] Emma ! Oubliez-moi ! Pourquoi faut-il que je vous aie connue ? Pourquoi étiez-vous si belle ? Est-ce ma faute ? O mon Dieu ! non, non, n’en accusez que la fatalité ! " - Voilà un mot qui fait toujours de l’effet, se dit-il. " Ah ! si vous eussiez été une de ces femmes au cœur frivole comme on en voit, certes j’aurai pu, par égoïsme, tenter une expérience alors sans danger pour vous. […] Le monde est cruel, Emma. Partout où nous eussions été, il nous aurait poursuivis. Il vous aurait fallu subir les questions indiscrètes, la calomnie, le dédain, l’outrage peut-être. ..Et moi qui voudrais vous faire asseoir sur un trône. Je me punis par l’exil de tout le mal que je vous ai fait. Je pars.[…] - Il me semble que c’est tout. Ah ! encore ceci, de peur qu’elle ne vienne me relancer : " je serai loin quand vous lirez ces tristes lignes ; car j’ai voulu m’enfuir au plus vite afin d’éviter la tentation de vous revoir […] " - Comment vais-je signer, maintenant ? se dit-il. Votre tout dévoué…Non. Votre ami ?…Oui, c’est cela. Il relut la lettre. Elle lui parut bonne. [...] »
Extrait de G. Flaubert, Madame Bovary, 1857.

Questions

Document 1

  1. Recherchez qui étaient Georges Sand et Alfred de Musset.
  2. Soulignez dans le texte tous les termes qui désignent Alfred de Musset.
  3. Identifiez les propos contradictoires de Georges Sand et expliquez-les.
  4. Relevez le champ lexical de la douleur.

Document 2

  1. Identifiez l’auteur, l’énonciateur et le destinataire de cette lettre.
  2. Quels sont les éléments qui composent cette lettre ?
  3. Quels procédés de persuasion et d’argumentation emploie Rodolphe pour justifier cette rupture ?
  4. Quels sont ses sentiments envers Emma ?
  5. Caractérisez la personnalité du scripteur.

Mise en relation

  1. En quoi ses deux histoires d’amour sont-elles différentes ?
  2. Imaginez la réponse d’Emma à Rodolphe. Vous rédigerez cette lettre d’une vingtaine de lignes, en respectant les règles de présentation du texte épistolaire.