Canaletto au Centre d’Art de l’Hôtel Caumont d'Aix-En-Provence du 6 mai au 13 septembre 2015 publié le 06/09/2015

Rome, Londres, Venise. Le triomphe de la lumière

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Afin d’illustrer le propos j’ai choisi, parmi l’exposition, quelques œuvres de-ci de-là qui feront merveilles à l’article.

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Caprice architectonique, Rome et Venise.

Rome et Venise : Caprice architectonique - 1723, huile sur toile, 178 x 322 cm. Collection particulière.

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Normalement, dans sa vraie vie, quand on a le grouin sur, l’œuvre est plus lumineuse, le détail beaucoup plus coloré, mais on voit bien la matière de la peinture, le coup de patte, le mouvement du pinceau dessinant avec la matière. Pas de doute c’est du Vénitien, du vrai, on retrouve les mêmes jeux d’empâtements en miniature chez Guardi, chez Bellotto et chez son frère Bellotti neveu de Canaletto (très goûteuse exposition à Venise en 2014) pour les védutistes, et aussi bien sûr chez Pietro Longhi.
Suffit de rapprocher le nez sur.

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On dit qu’il faut prendre de la distance, certes, cela est juste, notre petit Poussin normando-romain insiste bien là-dessus, mais c’est aussi devenu un poncif récurrent populaire qui persiste encore de nos jours à vous décaper l’émail. Faites le test avec les élèves, la matière les dégoûte, on sort à peine de ses couches, normal que l’on ait pas envie d’y retourner voir. Les écrans sont lisses comme des peaux de bébés glacés, faut dire, et nous impose de fait, une distance spatio-temporelle avec la matière que l’on arrive même plus à croire en son existence. La question de l’être-là, reste toute entière et nous rappelle à nos problématiques pédadogico-didactiques thomaciennes. Pour la poésie de la transmission on convoquera sans frais de déplacement, plutôt Edison et, accessoirement, le petit père William.

Pour l’être.

Ou pas.

Ce sont donc des œuvres, malheureusement comme beaucoup d’autres, assez délicates à faire avaler à son prochain. Alors imaginez plus contemporains façon croûtes gigantesques à la Twombly (il y en avait à l’expo Icônes zaméricains chez Granet, mais plutôt genre ses gros grabouillis), des Bram Van Velde (y en avé aussi) les grosses peintures de Mario Merz avec des vrais rails de chemins de fer sortant de la toile ou des épaisseurs titanesques très paillues d’Anselm Kiefer (y en avé pas chez Granet des deux derniers). Pour ne nommer que celles-là. Cela chamboule pour celui qui s’est égaré, qui a cru voir de la lumière et s’est laissé porté par cette dernière pour se retrouver le nez collé aux néons de Dan Flavin.
Mais pour revenir à la matière du Canaletto, cela peut avoir un effet bœuf en tout petit. Pourtant, chez les vedutistes sur, et chez le Canal, toute la vie se passe là, de Venise à Rome et de Venise jusqu’à Londres.

Parfois chez Canaletto ou disons dans ses personnages patouillés on pourrait y retrouver du James Ensor, par exemple, mais aussi et, dans les « gueules », de son contemporain et plus qu’honorable vénitien Tiepolo. On pourra s’exclamer alors, devant la toile, en grand expert Flaubertien : " mais vous vous rendez compte très chère, c’est d’une modernité époustouflante que l’on aurait jamais imaginée. Vite mes sels, toute cette matière que je ne saurais voir, me pâme l’âme, mes atomes se dispersent, s’atomisent, et s’éparpillent par petits bouts façon puzzle, dans leurs mouvements allez à Thouars". (Bon j’admets, ce n’est pas du Bouvard et Pécuchet, mais qui ne tente rien n’a pas de toit pour se protéger).

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Lorsque je n’avais jamais vu, de ma misérable vie, de peintures de Canaletto pour de vrai, (cela remonte lorsque je le découvrais dans les gravures des boukins de la bibliothèque paternelle) je pensais que c’était une peinture lisse, un peu comme celle des Hyperréalistes américains. Peut-être ne souhaitait-on pas montrez cela dans le contexte des sixties & seventies. Pas d’actualité, pas dans le vedettariat conceptualiste néo-moderniste à tendance rigoriste minimalisé.

Que nenni.

Sex, Love & rock$roll but nô matter.

Pas de bol.

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