L'IA en éducation : actions européennes pour cadrer et accompagner publié le 07/03/2025
Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a organisé le 7 février 2025 des tables rondes sur : "L’intelligence artificielle en éducation : quel cadre pour quels usages ?".
Cet événement a permis un tour d’horizon des actions en cours dans différentes institutions (OCDE, Conseil de l’Europe, université, ministère, France Éducation International, Réseau Canopé, etc.) pour expérimenter, analyser, réguler, accompagner l’acculturation des personnels, des élèves et des étudiant.es à ces nouvelles technologies.
Retrouvez ci-dessous la synthèse de ces tables rondes, leur enregistrement vidéo, et leur résumé.
Les enjeux
L’UNESCO a défini les compétences nécessaires à l’usage de l’IA, et vient de faire paraitre 2 référentiels : compétences des apprenants, et compétences des enseignants.
L’enquête internationale sur les compétences des élèves de 4ème en littératie numérique1 et pensée informatique2 publiée en novembre dernier montre que 43 % ne possèdent que des compétences limitées ou pas de compétences numériques. C’est un souci pour notre résilience, notre autonomie stratégique, notre compétitivité.
La plupart des élèves de lycée utilisent des IA génératives, alors que peu d’enseignant.es s’en sont emparé. Cette dissymétrie pose problème pour la mise à jour des méthodes d’enseignement et d’évaluation.
Selon Elisabeth Borne, l’IA ne remplace pas l’humain, elle lui permet d’aller plus loin. Elle peut notamment faciliter les tâches de gestion (corrections de copie, création d’exercices...).
Mais les principes tels que la protection des données, la transparence, l’inclusion (l’innovation ne doit pas renforcer les inégalités) et le respect de la vie privée sont considérés comme essentiels dans la récente loi européenne sur l’IA.
Par ailleurs, face au risque accru de mésinformation, il est nécessaire d’assurer le développement intellectuel des enfants.
La direction du numérique pour l’éducation s’intéresse à l’IA comme objet d’étude : il faut que chacun en ait une connaissance minimale, sache comment ça fonctionne, quels sont les biais. Il faut faire acquérir l’esprit critique, la capacité à utiliser ces technologies avec aisance mais en ayant conscience de l’impact environnemental, et pour certain et certaines acquérir des compétences professionnelles dans le domaine.
Il faut aussi améliorer le taux de féminisation de la filière. Comme l’a rappelé l’Inspecteur Général Olivier Sidokpohou, dans l’IA il y a beaucoup d’enjeux financiers, et c’est une discipline dont on parle, qui est importante...ce qui peut attirer les hommes, comme dans les années 80 (la figure du geek a transformé la discipline informatique dans laquelle les femmes étaient nombreuses au départ). Attention à ne pas persuader les filles que "ce n’est pas fait pour elle".
Il y a enfin des enjeux d’ouverture internationale. Certains pays nous demandent de l’aide pour ne pas rater le train.
Les expérimentations
la Commission européenne a mené un travail sur l’IA littéracie3. Le référentiel Digcomp a été actualisé en 2022.
La France a mis en oeuvre des partenariats d’innovation public/privé qui permettent d’expérimenter avec les élèves des applications utilisant l’IA pour faciliter les apprentissages (Navi, Lalilo, Kaligo, adaptiv’maths, smart enseigno, MathIA, Captain Kelly...).
Une IA générative est testée au service des agents du ministère. Inspirée du projet Cassandre déployé dans l’académie de Lyon, elle s’appuie sur l’IA Albert.
Le projet IA4T (IA for and by teachers) a, pendant 36 mois (2021 2024), créé et testé une formation hybride permettant de faciliter l’appréhension de l’IA par les enseignant.es. et les chefs d’établissement. Il a impliqué 5 états européens et 17 partenaires. Le Mooc IA4T a touché 35000 personnes enseignantes. 16000 interagissent entre elles, faisant émerger de la connaissance empirique via le partage de pratiques de classe.
Des élèves et étudiants ont été consultés, pour connaître leurs usages et leurs attentes.
Des ressources éducatives libres ont été créées, notamment le manuel ouvert de l’IA pour enseignants, qui existe en 5 langues.
Canopé a mis au point des formations enseignants utilisant notamment la plateforme Vittascience pour faire comprendre ce qu’est l’IA. Les formateurs ont constaté que le sujet déclenchait beaucoup d’émotions, et observé la forte attention portée par les enseignants sur les biais et les enjeux environnementaux.
L’université de la Sorbonne a testé des stages d’été pour élèves de seconde permettant une approche du sujet par l’usage du jeu de Nim, du perceptron. Ces stages faisaient découvrir l’usage des données pour la recherche. Une promotion des métiers du numérique a été faite, montrant que les jeunes filles apprécient les rencontres avec des témoins, qui leur permettent de se projeter.
Les perspectives européennes
L’OCDE étudie la performance des IA sur des capacités importante pour les humains (cognitives, sociales, émotionnelles).
Elle étudie aussi les opportunités à saisir, et les mesures de sécurité qui doivent être prises pour que l’utilisation des systèmes de l’IA pour les apprentissages puissent rendre l’éducation plus adaptative et plus granulaire, avec une IA de confiance.
Le projet IA4T continue grâce à des fonds européens, avec 2 États supplémentaires, la Lithuanie et l’Espagne (programme AIDL Data Literacy, utilisation de la donnée).
L’université mène des recherches actions, de la recherche clinique, pour observer ce qui marche et ce qui ne marche pas.
En France
Une consultation pour le cadrage de l’IA en éducation a eu lieu en France de janvier au 7 mars 2025, via la plateforme M@gistère. Les échanges ont été nourris.
Le cadre d’usage sera finalisé et diffusé au printemps. Ce document didactique précisera les conditions dans lesquelles l’IA peut aujourd’hui être utilisée dans les classes comme dans le champ administratif, en définissant des règles.
9 IA clusters sont lancés pour renforcer notre système de recherche et d’innovation.
Pour les élèves, lancement d’une 1ère formation en ligne basée sur un parcours Pix à la rentrée 2025.
Elle permettra d’acquérir les bases du prompting4, de comprendre les grands types d’apprentissage de l’IA, leur fonctionnement et leurs enjeux notamment en terme de limites et de biais, de gestion des données et d’impact environnemental. Elle sera obligatoire pour les élèves de 4e et de seconde, et accessible aux professeurs.
Lancement cet été d’une initiative stratégique pour développer une IA transparente et souveraine dédiée aux professeurs : appel à projet doté de 20 millions €.
Des évènements et supports de formation variés sont déployés pour augmenter les compétences numériques de tous les acteurs, dans des apprentissages formels et tout au long de la vie. Les cadres bénéficient notamment depuis plusieurs années du séminaire IN FINE, où la recherche scientifique côtoie les pratiques de terrain.
(1) capacité à comprendre et utiliser l’information numérique
(2) notions et des méthodes utilisées explicitement en informatique, pour représenter et résoudre des problèmes, notamment la notion d’algorithme, traitement des données, méthodes de résolution de problèmes, etc.
(3) Aptitude à comprendre et à utiliser l’IA
(4) Le prompt est une requête, ou invite de commande : description textuelle de la tâche qu’une IA doit effectuer