TraAM 2023-2024: CHILE : EL ARTE AL SERVICIO DE LA MEMORIA publié le 29/05/2024  - mis à jour le 26/06/2024

Mme Amandine Vion, professeure d’espagnol au lycée Charles Coulomb, propose une séquence intitulée "CHILE : EL ARTE AL SERVICIO DE LA MEMORIA" et qui a pour objectif de faire réfléchir les élèves aux relations entre art, pouvoir et mémoire dans le contexte de la dictature chilienne.

Cette séquence s’inscrit dans le cadre des TraAM 2023-2024 dont le thème porte sur l’utilisation pédagogique de l’Intelligence Artificielle, plus particulièrement dans les cours de langue vivante.

Cette séquence s’adresse à une classe de Terminale. Elle a été réalisée avec des classes de Terminale Générales et Technologiques. Cette séquence répond aux descripteurs du niveau B1, attendus pour la LVB en fin de cycle terminal et qui sont définis par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues.

Axes du programme

Les axes du cycle terminal étudiés lors de cette séquence sont “Territoire et mémoire” et “Art et pouvoir”.

Production finale

Lors de la production finale, les élèves auront à créer une œuvre d’art qui permet de rendre hommage aux victimes de la dictature de Pinochet et d’exercer le devoir de mémoire.
Pour réaliser cette production finale, les élèves pourront soit créer une œuvre d’art de façon numérique, et notamment à l’aide de l’intelligence artificielle puisque c’est l’un des enjeux de cette séquence, soit de manière manuelle s’ils n’ont pas forcément adhéré aux outils utilisant l’intelligence artificielle qu’ils auront pu tester lors de la séquence. Ils présenteront ensuite leur œuvre face à la classe et expliqueront quelles sont les techniques utilisées et pourquoi ils ont fait ce choix.

Outils numériques

Les élèves vont donc pouvoir manipuler plusieurs outils numériques lors de cette séquence. Entre autres, nous pouvons citer Digipad, un mur collaboratif mais également Quizlet, en particulier la fonction “notes magiques” de Quizlet.
Les élèves utiliseront également des éditeurs d’images qui utilisent l’intelligence artificielle, soit qui respectent les données et sont RGPD, soit pour lesquelles j’aurai créé un compte et dont j’aurai partagé les identifiants avec les élèves. Parmi ces logiciels ou sites qui utilisent l’intelligence artificielle, on peut citer Copilot, Canva ou Picsart.

Résumé de la séquence

Tous les supports utilisés lors de la séquence sont disponibles sur le digipad.

Premier document

Il s’agit d’un extrait du roman Largo Pétalo de Mar, Isabel Allende, paru en 2019, qui est adapté d’une séquence publiée sur le site de l’Académie de Toulouse, plus précisément une séquence destinée à des terminales Section européenne dont le titre est « El 11 de septiembre y la represión de la dictadura de Pinochet ».
Ce document doit permettre aux élèves d’en apprendre plus sur le contexte historique de la dictature chilienne et notamment sur le coup d’État du 11 septembre 1973 ainsi que sur la personne de Salvador Allende et aussi d’Isabel Allende et donc d’identifier le lien qui les unit.
La principale activité langagière est de la compréhension écrite pour aller vers de l’expression orale.
Dans ce texte, nous suivons donc le déroulé de la journée du 11 septembre 1973 et du coup d’état à travers les yeux du personnage principal qui s’appelle Victor et dont on sait qu’il travaille à l’hôpital.
Le premier objectif est de faire comprendre aux élèves que c’est bien un coup d’état que Victor est en train de vivre. On peut commencer par faire repérer aux élèves qui est le personnage principal de ce texte et ensuite émettre des hypothèses sur sa profession, ce qui nous permettra de revoir la formulation de l’hypothèse et l’utilisation du subjonctif.
Ensuite, comme nous avons un déroulé étape par étape de la journée, on peut proposer aux élèves d’utiliser la technique du sketchnote, et donc de dessiner le déroulé de la journée afin qu’ils soient capables ensuite de résumer à l’oral le déroulé du coup d’état.
On peut proposer aux élèves de réaliser ce sketchnote soit à la main sur une feuille, soit sur une application ou à l’aide d’un site, avec ou sans l’intelligence artificielle. Le but est qu’ils comparent ainsi les avantages et inconvénients des deux techniques. On amène ainsi les élèves déjà à se projeter et à réfléchir à la notion d’art et de pouvoir.
En outre, on va leur demander de chercher précisément qui sont Salvador Allende et Isabel Allende pour pouvoir les présenter et ainsi aborder la notion d’œuvre littéraire engagée.

Deuxième document

Il s’agit d’une compréhension orale du premier épisode de la série de court-métrages qui s’appelle “Una historia necesaria” qui a été diffusée à la télévision chilienne en 2020. Cette série livre le témoignage de Silvia Vera à travers une lettre qu’elle a rédigée pour son compagnon et père de son fils, Alfredo García, qui a été arrêté par la DINA lors de la dictature et qui fait donc partie des Desaparecidos. Après la disparition d’Alfredo García, Silvia Vera retrouve un autre compagnon en la personne de Pepe Carrasco, un journaliste du MIR qui est lui-même arrêté par la DINA puis relâché, et dix ans après, à nouveau arrêté et tué par balle.
L’objectif est donc d’amener les élèves à réfléchir sur la valeur de ce témoignage et notamment sur la façon de rendre hommage à ces deux victimes de la dictature et d’exercer le processus de mémoire. Autrement dit, on veut qu’ils réfléchissent au contenu de cet épisode, puis dans un deuxième temps on va les amener à commenter le titre de cette série “Una historia necesaria”, ainsi que le format de cette série de court métrage d’une durée d’environ 5 minutes.
Le rythme d’élocution de la narratrice étant assez rapide, on proposera aux élèves une compréhension de l’oral différenciée, avec plusieurs chemins plus ou moins guidés pour arriver au même résultat.
À la suite de ce document, on proposera une tâche intermédiaire aux élèves qui consistera à rendre hommage à Pepe Carrasco ou Alfredo García en transformant les renseignements qu’on a appris sur eux lors de la compréhension orale en un document visuel, iconographique, en une œuvre d’art, comme un monument en leur mémoire.

Troisième document

Deux poèmes : le poème “Los enemigos” de Pablo Neruda ou le poème “El estadio Chile” de Victor Jara.
Grâce à ces deux documents on veut amener les élèves à réfléchir à la force de l’art poétique grâce aux exemples de poètes engagés et en rapport avec la dictature, ainsi qu’au processus qui a permis aux poème de Victor Jara de devenir un symbole de la résistance à Pinochet.
On veut également amener les élèves à comparer les deux poèmes et à comprendre qu’ils ne transmettent pas le même message.
Comme on sait que la poésie n’est pas toujours facile d’accès pour les élèves, on va justement leur proposer de comprendre plus facilement le sens des poèmes grâce à l’intelligence artificielle. On va leur demander de créer une image afin de représenter le ou les sentiments principaux que transmettent les poèmes.
Pour cela, ils vont devoir étudier par exemple les chants lexicaux afin de pouvoir préciser la demande qu’ils vont rentrer dans les sites ou logiciels permettant de créer une image à partir de l’intelligence artificielle. Ils vont devoir essayer de tâtonner, de préciser leur demande de création d’image pour que l’image représente ce qu’ils ressentent du poème et qu’elle soit également fidèle au poème.

Quatrième document

Plusieurs extraits du documentaire El botón de Nacar de Patricio Guzman, sorti en 2015.
Ce documentaire est très intéressant parce qu’il amène toute une réflexion sur la répression de la mémoire et le fait que la mémoire finit par resurgir de même que toute une symbolique de l’eau. Il établit également un parallèle entre l’histoire des indigènes de la Patagonie, l’histoire contemporaine du Chili, et plus précisément du régime de Salvador Allende et de la dictature de Pinochet, et la relation de ces deux peuples chiliens avec l’eau.
Par ailleurs ce documentaire concède un vrai parti pris artistique et on veut amener les élèves à réfléchir dessus. On va donc leur demander de noter pendant le visionnage du documentaire à la fois des informations sur des thèmes précis qu’on leur aura donnés, mais également la façon dont sont montrées ces informations sur ces thèmes et en particulier, quelles sont les techniques artistiques qui sont utilisées pour faire en sorte qu’elles aient plus d’impact pour le spectateur.
On propose à nouveau une tâche intermédiaire aux élèves qui consiste à expliquer quel est le type d’art ou le format qui les a le plus marqués ou qu’ils trouvent le plus adapté pour parler de la dictature et donc comparer ceux qu’on a étudiés, à savoir un texte en prose, un texte en vers ou bien des documents audios. Ils devront donc expliciter leur choix comme ils auront à le faire lors de la production finale.

Cinquième document

Il s’agit d’une séance TIC ou informatique pendant laquelle on va travailler sur le site du musée de la Mémoire et des droits de l’homme qui se situe à Santiago du Chili.
On demande aux élèves dans un premier temps d’aller naviguer un peu sur le site de ce musée et d’aller chercher un peu par quels moyens, est-ce qu’on exerce la mémoire de la dictature au Chili et quels sont les différents espaces ou techniques mis en place pour rendre hommage aux victimes.
Ensuite, dans un deuxième temps, on va leur demander d’aller plus précisément dans la partie qui s’appelle “El Museo” sur le musée puis d’aller plus précisément chercher dans “Arquitectura”, où on nous donne des renseignements sur l’architecture même du bâtiment du musée et notamment sur les œuvres plastiques qui ont été érigées à différents endroits de ce musée, à l’extérieur comme à l’intérieur. On va donc leur demander d’en choisir une et de pouvoir la présenter à l’oral en explicitant notamment en quoi est-ce que cette oeuvre d’art met en exergue les relations entre art et pouvoir et entre territoire et mémoire. D’’ailleurs parmi ces oeuvres, on a un mural de Jorge Tacla, une oeuvre qui s’appelle « Al mismo tiempo en el mismo lugar » qui rend justement hommage à la mémoire de Victor Jara en reprenant les vers de son poème « Estadio Chile ».

Projet final

Pour le projet final, on demande aux élèves d’imaginer que le Musée des Droits de l’Homme et de la Mémoire de Santiago du Chili a commandé une nouvelle œuvre qui permet de rendre hommage aux victimes de la dictature et d’honorer leur mémoire.
Ils sont libres de créer l’œuvre d’art sous le format qu’ils veulent et ils devront ensuite la présenter face à la classe en précisant les techniques utilisées et le but recherché. Ils peuvent choisir de rendre hommage aux victimes de la dictature en général ou bien à une victime particulière vue au cours de la séquence, que ce soit Salvador Allende ou bien les compagnons de Silvia Vera ou Victor Jara, par exemple.
Enfin, pour réviser l’ensemble de la séquence, on va proposer aux élèves de manipuler l’outil Quizlet et notamment la fonction qui s’appelle “notes magiques”, qui permet donc de transformer un texte de cours en notes pour réviser. On les laisse aller découvrir les différentes fonctions puisque l’outil permet de faire réviser le cours en posant des questions sur des notions ou du vocabulaire. On peut aussi travailler la compréhension écrite. C’est un outil qui peut permettre à la fois de réviser l’ensemble de la séquence et des documents vus en classe et de résoudre aussi parfois certains doutes ou certaines incompréhensions. Enfin, on va leur demander quels sont les avantages et limites de cet outil.

Analyse de l’intérêt de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle lors de la séquence par les élèves et le professeur.

La création d’images pour faire ressortir les émotions que dégage un poème.

En ce qui concerne la création d’images grâce à l’intelligence artificielle, afin de représenter des sentiments ou émotions qu’on peut dégager des poèmes de Victor Jara ou Pablo Neruda, les élèves ont pu remarquer différentes choses.
Dans un premier temps, ils font tous remonter la difficulté qu’ils ont éprouvée à créer une image qui ressemble à ce qu’ils veulent faire ressortir du poème, notamment par rapport au choix des mots à rentrer dans le logiciel. Il faut être assez précis mais en même temps il ne faut pas que la phrase soit trop longue parce que sinon la création d’images n’aboutit pas forcément.
Par ailleurs, au niveau de la phrase à rentrer, ils remarquent qu’il faut justement beaucoup tâtonner et parfois relancer la création d’images plusieurs fois. Par ailleurs, quand ils relancent la création d’images en changeant juste un ou deux termes, l’intelligence artificielle se base quand même sur les précédentes demandes et garde à peu près le même style, la même ligne directrice pour créer l’image.
Une autre limite qu’ils ont pu trouver à la création d’images grâce à l’intelligence artificielle, c’est le fait que certains mots ne permettent pas d’engendrer d’images, ou bloquent les logiciels ou les sites. Ce sont principalement des mots qui évoquent la violence, le meurtre, le sang, le crime, la guerre... Dès que l’on met des mots de ces champs lexicaux-là, les sites ou logiciels ne peuvent pas générer d’images.
Avec les élèves, on a aussi remarqué certains bugs au niveau de la création des images. Au niveau des corps par exemple, il y a parfois des textures ou des proportions qui sont assez mal représentées. On l’a vu aussi notamment sur la représentation du drapeau du Chili dont les couleurs étaient parfois mélangées.
Ensuite, en comparant les quelques sites ou applications qu’ils ont pu utiliser, ils se sont rendus compte que celui qui est le moins restrictif au niveau du vocabulaire est l’éditeur d’images de Canva. Á l’inverse, celui de Copilot, par exemple, est assez restrictif et nécessite d’avoir un compte Microsoft.
Le principal point positif, c’est qu’en créant une image ainsi, le sens du poème est plus parlant pour eux et puis c’est aussi plus facile et rapide à créer qu’un dessin.
"En ce qui me concerne, pour la création d’images grâce à l’intelligence artificielle, je suis d’accord avec les remarques des élèves, mais pour la mise en pratique pédagogique de cette activité, ce qui est assez dommageable, c’est que c’est une activité très chronophage. En effet, il faut déjà avoir une salle informatique disponible et une fois en salle informatique, on perd beaucoup de temps pour connecter les élèves via nos identifiants.
On se rend également compte que les élèves ne maîtrisent pas toujours aussi bien les logiciels et sites qu’ils voudraient nous le faire croire. Il faut donc naviguer d’élève en élève pour essayer de résoudre divers problèmes. De plus, certains de ces sites restreignent le nombre d’images que l’on peut créer, donc ça complique encore plus la chose.
En revanche, ce que j’ai trouvé intéressant c’est que d’une part cela permet vraiment aux élèves de manipuler le vocabulaire des sentiments et émotions que l’on retrouve dans le poème. Cela les fait également chercher, réfléchir à la construction de la phrase à rentrer dans le logiciel.
Je pense que cela peut être un bon outil pour les élèves qui ont une mémoire plus visuelle, plus photographique ainsi qu’un outil de différenciation pour les élèves qui auraient du mal à comprendre le sens du poème.
Ce qui serait intéressant, ce serait de faire tester ces fonctions à des élèves qui de la filière STDAA et de les faire réfléchir aussi aux dangers que cela comporte pour certains métiers liés aux débouchés de leurs études.
On pourrait aussi très bien imaginer, en tant que professeurs, préparer à l’avance des images comme grâce à l’Intelligence Artificielle, qui représentent le sens du poème et les émotions qui s’en dégagent, afin de proposer une compréhension différenciée du poème, et plus guidée pour certains élèves, en leur faisant pas exemple associer justement la bonne image avec le bon poème pour en dégager le sens."

L’utilisation de la fonction “Notes Magiques” de Quizlet.

Les élèves ont globalement apprécié cet outil. Ils apprécient notamment le fait qu’il y ait diverses fonctions telles que “Associer” ou “Test” qui leur permettent vraiment de mémoriser rapidement et de façon ludique en associant une notion avec sa définition. Mais finalement, ces fonctions, on les retrouve aussi dans l’utilisation basique de Quizlet.
Ce qui était plus intéressant ici c’était d’utiliser le chatbot qui s’appelle QChat sur Quizlet et qui propose également plusieurs fonctions comme “Pose-moi des questions”. Á partir du contenu du cours qui a été transformé en notes de révision, le logiciel pose des questions que les élèves ont trouvé assez simples et relativement compréhensibles. En revanche, ils ont remarqué que les questions avaient tendance à se répéter et ils ont aussi remarqué plusieurs bugs au niveau des réponses attendues telles que des imprécisions voire des incorrections.
D’ailleurs il y a une limite par jour de questions qu’on peut lui demander de nous poser et en outre cette fonction n’est disponible que quand on prend un abonnement payant à Quizlet, donc ce n’est pas forcément à la portée des élèves, à moins que le professeur ait un compte et prête ses identifiants aux élèves.
Ensuite, dans ce chatbot, il y a une autre fonction qui permet de réinventer une histoire à partir des notes de cours. L’intérêt de cette fonction est que cela peut permettre de travailler la compréhension écrite.
Cela reste un outil assez ludique pour les élèves. Quelques-uns font cependant ressortir le fait que pour eux ce n’est pas forcément un outil qu’ils vont réutiliser parce qu’ils ne mémorisent pas comme cela et qu’ils n’ont pas non plus envie de passer encore plus de temps devant les écrans.
"En ce qui me concerne, je pense que ça peut être encore une fois un bon outil, même s’il n’est pas encore forcément très abouti, surtout pour les élèves les plus en difficulté, parce que cela peut constituer un outil de différenciation dans le sens où il va reformuler le contenu du cours d’une autre façon et refaire travailler la compréhension des élèves.
C’est enfin un outil qui peut aussi être une aide pour le professeur puisqu’il y a aussi une fonction qui propose des sujets de dissertation aussi bien utilisables par les élèves pour mettre en relation les documents avec les axes, ce qu’ils ont plutôt du mal à faire en général, mais aussi pourquoi pas pour le professeur."