Le Corbusier, architecte du bonheur publié le 10/12/2012  - mis à jour le 29/06/2015

L'architecture et la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale

Un projet d’histoire des arts sur

« Le Corbusier, Architecte du Bonheur »

Niveau  : Classes de troisième
Disciplines conviées : Arts Plastiques, Lettres, Histoire, Géographie, Instruction Civique, Mathématiques, Technologie, SVT, Anglais, Informatique

Références aux programmes de géographie + histoire
Géographie : Habiter la France- Les aires urbaines
Histoire : La reconstruction après la deuxième guerre mondiale

Domaine : Les arts de l’espace : Architecture et urbanisme

Thématique : « Arts, espace, temps » L’homme et son espace de vie
« Arts, techniques, expressions » les innovations techniques

Objectifs disciplinaires

  • Connaitre Le Corbusier, sa philosophie, son œuvre et son temps ;
  • Comprendre le rôle de l’architecte : problématiques ; critiques ;
  • Acquérir des notions sur le lexique, les techniques et les matériaux de l’architecture ;
  • Éléments de méthodologie : savoir lire une biographie ;
  • Connaitre la situation de l’après-guerre : les problèmes de logement ;
  • Connaitre l’INSEE et l’UNESCO.

Présentation de la démarche pédagogique

  • Étudier la biographie de Le Corbusier ;
  • Visiter la Cité Radieuse de Marseille : première unité d’habitation, dont la conservation en l’état est la meilleure ;
  • Comprendre ses systèmes : le Modulor, le béton armé, les pilotis…
  • Effectuer une recherche en géographie sur les habitats sur pilotis dans le monde ;
  • Mettre en évidence le caractère avant-gardiste du concepteur ;
  • Quels ouvrages efficaces proposerait-il aujourd’hui ?

Mise en œuvre


I. Qui est Le Corbusier ?

Charles-Édouard Jeanneret-Gris (1887-1965) plus connu sous le pseudonyme de Le Corbusier (emprunté en 1920 pour écrire dans la revue L’Esprit Nouveau ) est architecte, urbaniste, designer, peintre et homme de lettres.
Citoyen suisse à l’origine, il est naturalisé français en 1930.

Le Corbusier

Source : flickr
Licence creative commons
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  • Piste pour les lettres (production orale) et pour l’éducation civique
    Qu’est-ce que la naturalisation ?
    Qu’est-ce qu’un pseudonyme ? Quelle est sa fonction ?
    Quel pseudonyme choisirez-vous quand vous serez un grand artiste, une grande actrice, un grand peintre … ?

1. Le Corbusier : philosophe de l’architecture moderne

Sa philosophie de l’architecture moderne est la suivante : « Les œuvres sont rendues lisibles par des formes simples et dépouillées, organisées en constructions ordonnées, génératrices d’harmonie. »

a. Le Purisme
« Là où naît l’ordre, naît le bien-être. » Les choix de Le Corbusier en architecture sont ceux qui définissent le purisme : simplicité des formes, organisation, rigueur. Cette vision est mêlée d’utopie, le bonheur étant l’une des clés de ses réflexions sur l’urbanisme. Son « langage » architectural s’applique aussi bien au logement économique, qu’à la villa de luxe.

b. Le credo de Le Corbusier
En 1926, il définit « une architecture moderne » en cinq points :
1. Les pilotis hissent la construction loin du sol humide et obscur, qui est alors aménagé en espaces verts. La construction est éloignée des routes. Les pilotis ;
2. Le toit-terrasse habitable est doté d’équipements ;
3. Le plan libre : Le plan n’est plus esclave des murs portants. Le béton armé des piliers de la maison permet le plan libre. Les étages ne se superposent plus par cloisonnements. Ils sont libres. Le logement est constitué de modules préfabriqués (brevet Dom-Ino déposé en 1914) ;
4. La fenêtre-bandeau. Le ciment armé fait révolution dans l’histoire de la fenêtre. En l’absence de murs portants, les fenêtres peuvent courir d’un bord à l’autre de la façade ;
5. La façade libre : elle ne porte plus le bâtiment. C’est le système poteau-dalle qui s’en charge. Les poteaux sont en retrait des façades, à l’intérieur des maisons. Le plancher se poursuit en porte-à-faux. Les façades ne sont plus que des membranes légères de murs isolants ou de fenêtres.

En 1933, il précise :
« Les matériaux de l’urbanisme sont : le soleil, l’espace, les arbres, l’acier, le ciment dans cet ordre et dans cette hiérarchie. »

La Charte d’Athènes, publiée en 1943 par Le Corbusier, énonce les moyens d’améliorer les conditions d’existence dans la ville moderne, qui doit permettre l’épanouissement harmonieux de quatre grandes fonctions humaines : habiter, travailler, se divertir, circuler.

  • Piste en technologie :
    Réf. Brevet Dom-Ino : Qu’est-ce qu’un brevet ? Où le dépose t-on ? Dans quel but ? Que notez-vous dans la trouvaille du nom du brevet ?
  • Piste en Géographie, en Informatique et en SVT :
    Est-ce Le Corbusier qui a inventé les pilotis ? Pour quelles raisons construit-on des maisons sur pilotis ? Quelles villes ou portions de villes sur pilotis connaissez-vous ?
    Faites une recherche sur les habitats sur pilotis : Ex. les villages flottants du Lac Titicaca, ceux du delta du Mékong, de la baie d’Ha Long, les villages de Polynésie, de Bornéo, de Norvège, du Nigéria, le site d’Itsuku-shima, mais aussi Venise ! Situez ces lieux sur le planisphère. Indiquez le pays, la région, le peuple, la tribu, le fleuve, la mer ou l’océan d’appartenance.
    Dire de quelles nuisances les pilotis isolent-ils ?

2. Ses constructions : c’est du béton !

Il utilise des matériaux bruts, comme le verre et le fer, mais sa spécificité est son choix d’un matériau innovateur : le béton armé.
Le béton armé, employé à l’état brut, sans revêtement est donc le protagoniste des premières unités d’habitations. La couleur des réalisations corbuséennes est donc celle du béton, même si à l’intérieur du village vertical, il utilise des couleurs vives.
Le plan libre
Influencé par son stage effectué en 1909 chez Auguste Perret -célèbre précurseur de l’architecture poteau-poutre en béton armé (ossaturisme)- Le Corbusier est connu pour la technique constructive poteau/dalle.
Les planchers sont supportés par de fins poteaux disposés sur une trame. Ainsi les façades sont libérées de la fonction structurelle. Elles ne sont plus chargées de porter le bâtiment, comme dans la construction en maçonnerie, dite aussi période « pré-moderne ».
L’organisation intérieure poursuit l’idée : les divisions de l’espace ne sont pas soumises aux impératifs de structure du bâtiment. Les ouvertures ainsi que les parties pleines sont implantées librement et organisent la façade.
Les éléments sont modulables ; ils peuvent-être préfabriqués et industrialisés (brevet Dom-Ino déposé en 1914).
Cette nouvelle façon de concevoir la construction des bâtiments est riche de conséquences. Si Le Corbusier n’en est pas l’inventeur, il est cependant celui qui a su la formuler en termes lapidaires : « le plan libre », et en développer un vocabulaire architectural réellement nouveau.

  • Piste en Lettres : "De l’importance de l’étude d’une biographie"
    L’étude du parcours culturel et existentiel du concepteur nous éclaire sur les choix qu’il va opérer (même si nous ne les partageons pas).
    Allons visiter la fondation Le Corbusier, à Paris.
    Prenons la biographie de l’architecte, soulignons avec de la couleur les expériences marquantes, qui ont pu l’influencer. Traduisons toutes les dates en âge de la personne concernée.

Ex : Formation, premières réalisations et voyages
En 1900, (à 13 ans) il suit les cours de l’École d’Art de La Chaux-de-Fonds dans le Jura suisse, choisissant une formation de graveur-ciseleur (il façonne de jolies montres émaillées).


II- Le Corbusier : un esprit rationnel sentimental

Le Corbusier est connu pour être l’inventeur de l’unité d’habitation, sujet sur lequel il a commencé à travailler dans les années 1920[2], comme une réflexion théorique sur le logement collectif. « L’unité d’habitation de grandeur conforme » (nom donné par Le Corbusier lui-même) sera seulement construite après la Seconde Guerre mondiale, sur commande du ministre de la Reconstruction dans cinq sites très différents : Marseille, Briey-en-Forêt, Rezé près de Nantes, Firminy et Berlin. Elle prendra valeur de solution aux problèmes de logements de l’après-guerre.
Ce langage architectural sera repris au Brésil, au Japon et en Angleterre, là où la gestion du logement et de l’espace collectif pose problème.

1. L’unité d’habitation

Le Corbusier imagine un bâtiment pouvant loger un très grand nombre d’habitants, comme un lieu de vie qui n’ait pas perdu son caractère social et ait les caractéristiques d’un village, placé à la verticale par manque d’espace. Cet espace partagé doit comporter tous les équipements collectifs nécessaires à la vie — rues, commerces, école maternelle, ascenseurs vus comme des transports en commun, chambres d’amis, laverie, piscine, gymnase, piste de promenade ou de course, bibliothèque, atelier de peinture, espace propice à la vie sociale, des rampes permettant l’accès en douceur d’un module à l’autre, des appartements inondés de lumière, des rues plus feutrées.

a. Le Corbusier : Un architecte solaire : Les Cités Radieuses.

Cité radieuse

Vue extérieure de la cité Radieuse :
pilotis « brutalistes », loggias, pare-soleil.

De 1945 à 1952, Le Corbusier construit la Cité radieuse de Marseille. Il s’agit de sa première unité d’habitation.
Édifiée au N° 280 du boulevard Michelet de Marseille, près du Stade Vélodrome, l’ensemble a la forme d’un parallélépipède de 132 mètres de large sur 56 de profondeur, le tout hissé sur de robustes pilotis évasés. Il abrite 360 appartements en duplex, distribués par des rues intérieures. Essentiellement composée de logements, elle comprend également au 3ème étage de ses dix sept niveaux, au niveau de sa rue centrale, des bureaux et divers services commerciaux (épicerie, boulangerie, café, chambres d’hôtes au départ, transformées en hôtel par la suite, / restaurant, librairie spécialisée, une école maternelle).
Le toit-terrasse de l’unité, libre d’accès au public, est occupé par des équipements publics : un gymnase, une piste circulaire, une petite piscine et un auditorium en plein air.

Des idées géniales hautes en couleur : traduites en termes actuels :
la baie vitrée, la loggia, la mezzanine, la porte coulissante, la cloison bibliothèque, la piste circulaire sur le toit, les pans inclinés, l’atelier de peinture sont autant de solutions toujours valables, Le Corbusier a eu plusieurs décennies d’avance sur son temps.

« Il faut au moins vingt années pour qu’une idée soit connue, trente pour qu’elle soit appréciée et cinquante pour qu’elle soit appliquée, lorsqu’elle devrait alors évoluer. » LC *
  • Piste pour les Lettres : production écrite.
    Commentez cette citation de Le Corbusier*. Prenez pour exemple des idées qui paraissaient loufoques autrefois et qui aujourd’hui sont considérées comme géniales.

b. La Maison du Fada
L’ouvrage réalisé par l’atelier des bâtisseurs (mêlant architectes et ingénieurs) n’est pas compris à l’époque.
Ce projet constitue une innovation importante dans la conception architecturale des résidences d’habitation. Il sera très critiqué. Ayant dépensé et dépassé un budget énorme, l’État donnera les appartements de la Cité Radieuse aux sinistrés de la guerre, mais aussi aux cadres de l’administration publique affectés à Marseille.
L’innovation que représentait cette construction lui a valu le surnom péjoratif de maison du fada. Aujourd’hui classée monument historique par arrêté du 12 octobre 1995, la Cité Radieuse, immeuble expérimental dès son origine, est de plus en plus visitée par des touristes et ses logements exercent un nouvel attrait auprès d’une population de cadres et de professions intellectuelles.

La maison du Fada

La piscine pour enfants, sur le toit,
dans la zone été - Source Wikipédia

Le thème des rampes d’accès n’est-il toujours pas à l’ordre du jour pour les personnes à mobilité réduite ? mais aussi pour les poussettes, les vélos, les rollers… ? et la piste à running sur le toit ? N’a-t-on pas besoin d’un espace social dans les quartiers : l’association des habitants du Corbusier organise des soirées, des fêtes, des expositions…

Participez à la visite d’un appartement témoin et écoutez les commentaires des habitants du « Corbu » :
Le Corbusier : visite d’une unité d’habitation

Voir en pièce jointe les différentes vues de l’habitation intérieure.



III. Le Corbusier : un humaniste ?

Le Corbusier a parlé de ses réalisations comme de « machines à habiter » cependant ses compositions plastiques répondent à une formule basée sur la personne.

Le Modulor

Le Modulor. L’Homme lève le bras
et touche le plafond.
Son corps définit sont habitat.
Un système de mesure architectural
directement lié à la morphologie
humaine vient de naitre.
© FLC-ADAGP

1. Son concept du Modulor (mot qui résulte de l’assemblage de « module » et « nombre d’or ») est une silhouette humaine standardisée, qui sert à concevoir la structure et la taille des unités d’habitation ; elle devait permettre, selon lui, un confort maximal dans les relations entre l’homme et son espace vital.
Le modulor étudie aussi la position assise de l’homme. Dans tous les cas, le confort ergonomique de la personne est assuré.

Piste en géographie ou SVT
Vous connaissez l’INSEE ? C’est l’Institut National de Statistique et Études Économiques. Faites une recherche sur l’évolution de la taille des Français depuis les années 1950.
Dites si, en prenant pour référence un homme de 1,83 cm, en 1952, Le Corbusier a calculé large ?

2. Évolution de la taille moyenne au XXe siècle
En France, en 2009, selon l’INSEE, la taille moyenne des hommes était de 1,75 m et de 1,63 m pour les femmes ; contre respectivement 1,66 m et 1,54 m en 1900.
Cette évolution a connu une forte accélération entre 1960 et 1990 : 5 cm gagnés en 30 ans. Cette croissance s’explique notamment par une alimentation plus diversifiée. Ces chiffres continuent à évoluer constamment, la moyenne pour les Français ayant 20 à 29 ans en 2001 est encore plus grande : 1,77 m pour les hommes et de 1,64 m pour les femmes.


Le module du Corbusier prend en compte la taille de l’homme pour déterminer les dimensions de son habitat.

Perspective d'un appartement supérieur

FLC 17322 - œuvre de Le Corbusier - © Fondation Le Corbusier

Il prend donc en compte le nombre d’or (rapport entre la taille européenne prise en compte alors (1m83) et la hauteur du nombril (1m13) moyenne est égal à 1,619). Le modulor avec le bras levé, indication de sa formule (voir illustrations) nous donne une hauteur de plafond de 2,26 cm. (de la rue, comme de l’étage). Les appartements et les rues ont la même largeur : 2 modulors, c’est à dire 3,66 cm.

Pour cela, il va superposer deux sortes de logements : des montants et des descendants. Ceux-ci sont desservis en commun par une « rue intérieure ». Au dessus de cette rue nous avons le bâtiment montant et au dessous de cette même rue nous avons le bâtiment descendant.
Les logements sont orientés est-ouest pour profiter au maximum de la lumière du jour. Les rues sont en revanche nord-sud et restent dans la pénombre.
Chaque logement est composé d’un étage positionné sur le même étage que la rue intérieure, et un autre soit au dessus, soit en dessous.

Document joint

La cité radieuse : des photos de l’intérieur d’une unité d’habitation