Compte rendu de l'Université de printemps d'histoire des arts. publié le 12/06/2018  - mis à jour le 14/06/2018

Université de printemps d’histoire des arts, 2018.

Présentation et programme de l’Université.

La huitième édition du festival d’histoire de l’art de Fontainebleau s’est déroulée du vendredi 1er au dimanche 3 juin 2018.
Dans le cadre de ce festival, le ministère de l’Éducation nationale organise, chaque année, en collaboration étroite avec l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), le Château de Fontainebleau et l’École du Louvre, une université de printemps d’histoire des arts qui accueille des délégations académiques autour d’une thématique en lien avec celle du festival.

Le thème choisi, « à l’école du rêve », est décliné selon trois axes majeurs :

  • le rêve, motif représenté et évoqué dans l’œuvre d’art.
  • le rêve, ressort du processus artistique et de l’activité du créateur.
  • le rêve, impliqué dans l’activité du spectateur et l’accès à la connaissance.

Compte rendu de quelques ateliers.

Cette année encore, deux professeures d’histoire de l’art de l’Académie de Poitiers ont participé à l’Université et vous propose un compte-rendu des ateliers.
 Anne Amsallem, professeure au Lycée Marguerite de Valois.
 Alayne Gisbert-Mora, professeure au Lycée Marguerite de Valois.


Vendredi 01 juin 2018 :

 A 9h30 :

Le cerveau, l’art et le rêve.

Par Anne Amsallem.

Auteur : Jean-Pierre Changeux, biologiste et professeur émérite au Collège de France.
Modération : Henri de Rohan-Csermak, inspecteur général de l’Éducation nationale, et Chantal Georgel, chargée de mission à l’Institut national d’histoire de l’art.

Le constat de départ vise à remarquer que l’Éducation nationale s’ouvre de plus en plus aux neurosciences. Recherche scientifique et recherche en histoire des arts peuvent avoir des imbrication dans la mesure où la chimie de l’œil et celle du cerveau conditionnent notre rapport au monde et aux œuvres d’art : un daltonien ne verra pas une peinture de la même façon qu’un homme sans altération de sa perception.

Mythologie et histoire de religions : le rêve, ou voir en songes

Le rêve se retrouve dans le contenu des mythes dans toutes les cultures comme un moyen de s’affranchir du réel. Il nécessite le sommeil, qui est un état physiologique récurrent caractérisé par la suspension de vigilance. Cette activité est importante puisque un tiers de notre vie se passe à dormir et que notre activité cérébrale reste en mouvement pendant le sommeil, caractérisée alors par une suite d’images, organisées ou non, et de représentations mentales et qui procurent à l’individu réveillé des souvenirs.

Pour quelle raison le rêve existe-il et comment les éléments s’organisent-ils entre eux pour créer cette machine fabuleuse qu’est le cerveau ?

Descartes peut apparaître comme le premier neurobiologiste. Dans son traité de l’homme, en faisant la différence entre le cerveau d’un homme qui rêve et le cerveau d’un homme éveillé, il propose la première théorie neurophysiologiste du rêve.
L’homme possède 85 milliards de neurones et chacun peut être relié à des milliers d’autres, ce qui génère plusieurs milliards de relations et connexions neuronales. Toutes les activités de notre cerveau, des plus humbles (se nourrir, marcher) jusqu’aux plus hautes (la religion, l’art), sont des activités neuronales. Les cellules nerveuses entrent en contact les unes avec les autres, elles sont en contiguïté (et non en continuité). On a pensé longtemps qu’elles étaient en continuité pour préserver l’idée de l’âme. Dès lors qu’on considère que l’on considère que les cellules sont en contiguïté et plus en continuité, l’âme devient de la chimie !

Jean-Pierre Changeux adopte ici le point de vue constructiviste et expose la manière dont se construit le cerveau, décrivant comment les éléments cérébraux s’imbriquent les uns avec les autres. La référence au matérialisme instruit de Bachelard montre la construction de notre cerveau comme une donnée essentielle pour comprendre notre spiritualité.
Le déroulement d’une nuit de sommeil se caractérise par une alternance de sommeil lent et de sommeil paradoxal. On a longtemps cru à tort que le rêve se faisait pendant le sommeil paradoxal.

J.P. Changeux insiste sur la matérialité de nos états de conscience pendant le rêve et pendant la vie éveillée et souligne une plus grande activité pendant le sommeil paradoxal. Le sommeil induit une chute de tonus musculaire mais l’activité du cerveau est constante. Il note aussi que si on s’intéresse au rêve, on peut aussi s’intéresser à la drogue car un rapprochement existe entre les états de conscience du rêve et l’hallucination produite par la modification chimique du cerveau (les somnifères montrent que l’on peut agir chimiquement sur le sommeil)

Sommeil et apprentissage.

Le sommeil produit une amélioration de l’apprentissage. La privation de sommeil affecte la mémoire ainsi que la mémoire émotionnelle.

Accès à la conscience et traitement conscient

On peut parler d’une neuroscience de la conscience. J.P. Changeux désigne le terme de conscience comme l’état physiologique du sujet éveillé. Les multiples modalités et quantités de mémoires accumulées doivent trouver place dans un espace global où toutes ces activités sont unifiées.
L’esprit est invisible mais par l’imagerie numérique on peut avoir un indicateur de l’éveil de nos états de conscience, ce qui atteste donc d’une matérialité de la conscience.
Le cerveau est constamment conscient. Lorsqu’il est éveillé il fonctionne sur le mode projectif : il projette sur ce qu’il perçoit, anticipe, se questionne. Quand on ne fixe pas son attention, l’esprit erre de droite à gauche. L’activité du rêve est liée à cette activité spontanée et non coordonnée à la raison.

Fonctions du rêve

Pour Freud : voie royale d’accès à l’inconscient. Satisfaction imaginaire des désirs inconscients
Pour Jung : le rêve a pour fonction de rétablir l’équilibre du psychisme
Pour les neurosciences : une des fonctions du rêve est de donner un coup de balai à tout ce qui s’est passé dans la journée, une forme de stabilisation de la mémoire et remise à niveau de l’activité passée

Types de rêve :

  • cauchemar : forte charge anxieuse
  • rêves sexuels : fantasmes variés
  • rêves lucides : irruption de la conscience éveillée
  • rêves créatifs : valeur de liberté dans l’imaginaire, la vie rêvée, au sens de représentation d’un autre monde possible

Références artistiques

L’image disparaît, de Dali
Le sommeil de la raison engendre des monstres de Goya :
I have a dream de Martin Luther King,


 A 11h

Leçon inaugurale du Festival.

Par Anne Amsallem.

Entretien avec Jean-Michel Othoniel, par Éric de Chassey Théâtre municipal, Salle de spectacle.

E. de Chassey : Le rapport au corps et au désir est évident dans votre œuvre. En particulier dans Le lit.

Référence à l’œuvre de J.M Othoniel, Mon lit, Le cortège endormi, 2003, verre de Murano.

J.M. Othoniel : Mon lit, part de l’idée du corps couché : nous sommes conçus dans un lit, nous naissons dans un lit et nous terminons allongés sur un lit mortuaire. Ce travail est très inspiré du Songe de Poliphile et reprend l’idée d’une narration donnée par des choses toujours trop grandes pour nous : un lit trop grand, des bannières immenses qui scandent les promenades avec le jardin, qui jouent avec la lumière, et la sensualité, avec le désir et la frustration. Les formes sont attirantes, ressemblent à des bijoux, on en a envie mais on ne peut porter, ni même toucher, ces œuvres.

E. de Chassey : Comme dans le rêve : il y a quelque chose qui nous échappe toujours.

J.M. Othoniel : Mon séjour à la villa Médicis fut très important. Le temps d’une résidence est un temps où l’on peut rêver, s’ennuyer, se laisser surprendre par la ville, avoir un libre rapport aux jardins, dans et autour de Rome. Le dialogue se tisse dans un rapport intime, charnel, et pas forcément érudit, avec une ville, ses bâtiments, son histoire. J’en garde la nostalgie d’une errance, d’une douceur.

E. de Chassey : L’idée de la fragilité, de la peur, est aussi là.

J.M. Othoniel : Mon travail affirme la fragilité, la différence. Le fait de mettre des œuvres en verre dans des jardins, exposées au vent et aux intempéries, suscite la peur de l’altération ou même de la casse. La beauté est en suspens, peut-être éphémère.

E. de Chassey : Votre travail se présente comme un travail beau, avec une certaine séduction, accessible, populaire. Est ce que la beauté est une chose qui vous préoccupe ?

J.M. Othoniel :J’ai longtemps essayé d’échapper à la beauté dans mes œuvres. Je viens d’une génération d’artistes où la beauté était taboue, suspecte, témoin d’une non-radicalité. J’ai longtemps lutté. Puis je l’ai sublimée dans une tentative de montrer la violence dans la beauté. En Asie la beauté n’est pas du tout tabou mais se présente au contraire comme un accès à la spiritualité. Les voyages m’ont redonné accès à la beauté.

Eric de Chassay : Vos œuvres transforment les lieux. Le Kiosque des noctambules, par exemple, a profondément modifié un endroit de Paris.

Le kiosque des noctambules.
Kiosque des noctambules, verre de Murano, Paris, 2000.

Source : flickr.com

J.M. Othoniel : Cette œuvre a répondu à un concours lancé pour les 100 ans du métro. C’est ma première commande publique. Cette œuvre est née à Rome. L’image de Guimard m’est apparue depuis Rome et l’idée de faire une folie de jardin dans Paris m’a semblé évidente. Il y a eu aussi une collusion avec l’histoire : à l’époque de Guimard il y avait aussi eu un concours pour faire les bouches de métro. Le directeur du métro avait choisi Guimard pour incarner la modernité bien qu’à l’époque tout le monde fut contre. Le rapport à l’histoire et ce que représente le grand art est déterminant dans ma création. J’ai fait le parti prix de la beauté en questionnant la manière dont ce kiosque allait dialoguer avec les volumes de la place. Par son intimité et par le fait qu’elle appelle les gens à se mettre en scène (sorte de petit théâtre avant le grand théâtre de la comédie française), cette œuvre a contribué à changer la ville. Avant le kiosque il y avait la route. La création de cette placette autour du kiosque est très romaine, pas très parisienne, comme un écho de la résidence à Rome.

E. de Chassey : Dans la longue tradition de l’ornement et du décoratif, l’un et l’autre ont souvent été en conflit. Pour créer une situation qui soit une dimension de rêve partagée il faut passer par des processus matériels très précis. Si l’on prend le projet de la grande vague, objet assez massif qui a l’air en même temps fragile, on voit un objet très phallique. Après l’avoir montré à Sète vous l’avez reconfiguré dans une forme extrêmement différente à St Etienne au point qu’on peut y voir un passage du phallus à la matrice.

Référence à l’œuvre de J.M Othoniel The big wave, 2017, briques en verre noir indien, métal, 533x1500x500, expo Géométries amoureuses, Sète.

J.M. Othoniel : Cette œuvre a commencé au moment du tsunami, quand j’étais au Japon et j’ai commencé à dessiner des vagues, comme un cauchemar. Puis j’ai eu la volonté de donner corps à ce rêve. Cette vague a été réalisée à l’échelle 1 pour avoir l’impression de la recevoir en pleine face. Elle implique de faire appel à des savoir-faire de l’architecture puisque c’est une œuvre monumentale. Le lieu d’exposition n’était pas un musée mais un lieu d’expérimentation et de recherche et cela a son importance. Ces œuvres ne se posent plus la question de la beauté et de la séduction, ce sont des œuvres plus agressives. Mais ces vagues sont faites en briques en verre transparente, elles laissent donc passer la lumière. L’œuvre est paradoxale.

E. de Chassay : Vous avez décloisonné ce qui serait l’œuvre d’art sérieuse et l’œuvre dans l’espace public qui doit partir de sentiments populaires et parler au spectateur.

J.M.Othoniel : Ce projet, impulsé par un paysagiste, lie patrimoine et création contemporaine.
Je ne pense pas être un artiste de la rupture mais un artiste de la continuité. Je voulais trouver un lien avec l’histoire de Versailles. Louis XIV était un roi qui aimait la danse. Je suis tombé sur internet sur des dessins de Feuillet tentant d’écrire les mouvements de la danse baroque : la France est le premier pays à avoir gardé des traces de sa danse. Feuillet a fait un livre de ces traces et ma création s’inspire des formes de Feuillet. Mes sculptures sont les mouvements des pas de danse du roi dansant sur l’eau : les plans d’eau ont remplacé les scènes sur lequel le roi dansait. De plus, transformer les sculptures en fontaine a ajouté du son, du mouvement.


 A 14h :

Le chantier de restauration du Théâtre Napoléon III, ou la traversée d’un rêve.

Par Alayne Gisbert-Mora.

Visite faite par :
Vincent Cochet, conservateur en chef du musée du château de Fontainebleau.
Laura Namias, professeure d’histoire au Lycée Jean-Baptiste Say, académie de Paris.
David Millerou, responsable du département pédagogique au château de Fontainebleau.

Présentation du théâtre de cours :

Théâtre Napoléon III de Fontainebleau.
Source : wikimédia.org

Ce théâtre de cour est resté intact depuis le XIXème siècle. C’est le théâtre de l’entre-soi, il fut aménagé entre 1853 et 1856 dans l’aile de la Belle cheminée pour remplacer l’ancienne Comédie. Cela a impliqué de gros travaux d’adaptation des bâtiments par l’architecte Hector Lefuel prix de Rome en 1839. Il est inauguré en 1857 et ne fonctionne que 10 fois, essentiellement pour des vaudevilles. Les pièces étaient parfois jouées de façon fragmentaire, il ne fallait pas ennuyer les hôtes avec des pièces trop longues.
Les besoins sont spécifiques à un théâtre de cour il faut donc des salles particulières qui servent aux réceptions, Hector Lefuel installe une salle moderne de 400 places, des vestibules, des dégagements, des salons, des logements pour les acteurs et les musiciens sur quatre niveaux, répondant à la hiérarchie sociale imposée à cette époque.
Le niveau du parterre, la première corbeille incluant la loge impériale, la seconde corbeille et, enfin, des loges grillées au dernier niveau. C’est une disposition qui existe déjà à Versailles. Cela permet d’accueillir du public sans qu’il soit vu (le personnel par exemple, des gens de condition plus modeste, qui n’ont pas les moyens de s’offrir de belles toilettes et ne veulent donc pas être aperçus, les veufs, qui n’ont pas le droit d’assister au spectacle mais qui le font quand même de cette façon) . La loge de l’empereur est la vitrine du pouvoir impérial. Tout le monde peut se voir, s’observer, commenter ... L’’empereur se met en scène.

L’entretien du théâtre est très couteux, Napoléon III étant très frileux il exige que le théâtre soit chauffé toute l’année contrairement à l’usage, l’éclairage est également onéreux, de plus les acteurs doivent venir de Paris et apporter leurs décors par trains spéciaux .Il reste actuellement des décors pour 7 à 8 tableaux complets (campagne- forêts- place de village...) On va cesser rapidement d’utiliser ce théâtre qui correspondait en réalité à un caprice de l’empereur. Il tombe dans l’oubli. Il y a une représentation en 1936 puis sous l’occupation.

Comment la lumière agit-elle sur le lieu ?

La conjugaison des soieries capitonnées jaunes, des moquettes fleuries rouge qui sont tendues et clouées sur les parquets et des ornements peints ou en carton créent une atmosphère extrêmement chatoyante et gaie. Le lustre : la lumière est un luxe, un signe de modernité, l’éclairage à la bougie est habituel. On ajoute des lampes à huile pour alimenter la mèche de manière constante et étincelante. La lumière joue un rôle de premier plan, des simulations par informatique ont été faites pour retrouver l’éclairage d’origine.
On recherche l’effet de scintillement et l’éclairage jaune très doux des bougies. La restauration est faite pour retrouver à l’identique cette intensité de la lumière qui influence la perception des couleurs.

La restauration du théâtre :

La décision est prise de le restaurer en 2007, impulsée par le mécénat d’Abu Dhabi qui fait un don qui va permettre d’entamer les travaux.
L’impératrice Eugénie adore les dorures, les fleurs, les décors peints qui dynamisent l’environnement. On restaure à l’identique les tentures, soieries, papiers peints qui sont d’origine. Les fauteuils également. Ils étaient recouverts de housses de lin. Au Second Empire tous les meubles sont protégés. Les housses sont donc refaites .
L’enjeu de la restauration est de sauvegarder au maximum l’authenticité de la matière originale. On considère ce bâtiment comme un lieu muséal le but n’est pas de le faire fonctionner comme un théâtre (sauf exception) .


Samedi 2 juin 2018 :

 A 9h : Atelier 1 :

Les écritures du rêve.

Par Alayne Gisbert-Mora.

Les auteurs :

  • Olivier Barbarant
    Inspecteur général de l’éducation nationale, spécialiste du surréalisme.
  • Renaud Ferreira de Oliveira
    Inspecteur général de l’Éducation nationale, groupe des « Lettres », groupe « Enseignements et éducation artistiques ».
  • Brice Sicart
    Inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional d’arts plastiques dans l’académie de Créteil.

Comment entrer en écriture par le rêve ?

Cherchons à interroger la part du rêve dans les apprentissages.
Un temps d’errance est requis dans la création. Jean-Michel Othoniel y a fait allusion lors de la leçon inaugurale du Festival de l’histoire de l’art de 2018. Il faut accepter ces temps de rêverie chez l’élève, propices à l’imaginaire.
Laissons-nous assez de temps pour le lâcher prise à l’élève ?

1- Le rêve comme motif représenté ou évoqué dans l’œuvre d’art.

Le cinéma est vite apparu comme un rêve éveillé ne serait-ce qu’à cause des conditions de monstration,( salle obscure...) expérience collective et éveillée qui dure.
Les artistes d’avant-garde ont très vite vécu des expériences rêvées éveillées du cinéma (les poètes ont capitalisé cette expérience comme un processus d’écriture « voir un film sans le voir » par exemple en le voyant à l’envers …)

  • Entr’acte film de 22 min , réalisé en 1924 par René Clair sur un scénario de l’artiste Francis Picabia occupe véritablement l’entracte du ballet nommé « Relâche ». Il est « Dada »sur une musique d’Erik Satie. C’est un film réalisé par des amis, scénic railway (montagne russe)
    Le film agit-il sur le spectateur comme une transcription des forces du rêve qui sont organisées en cadences majeures. Il s’agit de brouiller les repères, de créer des espaces cubo-fututristes.. La résultante du film est la résurrection du mort par l’effet même du cinéma, le mort n’est-il pas le spectateur ? Nous ?
    Ce film est un manifeste de la corruption et de l’efficacité des effets sur le spectateur, on cherche à le « réveiller » comme dans les expositions surréalistes.
  • En 1923, dans La Roue de Abel Gance, ce dernier invente le montage alterné. Il y multiplie les effets visuels et adopte un montage rapide et précis, très rythmé, utilise les caches pour centrer l’attention et agir sur le spectateur.
Source : flickr.com.

Philippe Soupault, poète français, cofondateur du surréalisme et journaliste, cherche à jouer sur les effets du rêve dans ses textes. Il dresse également un inventaire méthodique de toutes les possibilités offertes par le 7e art. Cette recherche a pour vocation la découverte de toutes les voies d’accès à l’irrationnel. Il subit également l’influence des burlesques américains et des feuilletons populaires.

2- Des images qui durent.

  • Dans La maison de Docteur Edwardes, Alfred Hitchcock mélange deux niveaux de réalité différentes.
    Extraits 1h05 à 1h08 et 1h19 à 1h22
la_maison_de_docteur_edwardes
Source : wikipédia.org.

Le cinéma donne corps à l’inédit et entre en résonance avec une définition du surréalisme .On crée des images qui durent, images non réversibles comme un précipité de rêve dans le réel. Hitchcock introduit des objets de rêve dans le réel. Il accentue les valeurs de blanc et de noir dans un jeu diégétique.
Qu’est ce que le surréalisme ? Pour André Breton C’est « Ici comme ailleurs traquer la bête folle de l’usage » des choses , donner un rôle aux objets les plus quotidiens.
On entre dans une métaphore entre conscience et lumière.

3- La vie est un rêve comme un autre.

Seuil entre rêve et réalité – Brouillage des codes.

  • Avec Le charme discret de la bourgeoisie de Luis Bunuel en 1972, nous sommes dans le registre de la frustration dans une série de rêves emboîtés.
    A quel moment bascule-t-on ? Où sont les indices ? Principe de l’étrangeté croissante. On finit par douter du réel, il n’y a plus de réel.

Autres références possibles :

  • Le Sang d’un poète en 1930, la Belle et la Bête en 1946, Orphée en 1950 de Jean Cocteau.
  • Eraserhead en 1977, Inland Empire en 2007 de David Lynch.
  • Insomnia en 2002, Inception en 2010 de Christopher Nolan.

 Atelier 2 :

Rêves et songes dans l’opéra :

Par Anne Amsallem.

Auteures :

Cécile Auzolle ,maître de conférence en musicologie, université de Poitiers.
Nadège Budzinski, formatrice en histoire des arts, académie de Créteil.
Nathalie Fromonteil-Dreyfus, professeure à l’école élémentaire Bourget-Calmette de Jouy-en-Josas, académie de Versailles.

Avec la rêverie, la musique fait bon ménage et semble encourager une flânerie émotionnelle et sensorielle, entre états conscients et inconscients. Pour Freud le rêve est la satisfaction d’un désir inconscient et il revêt toujours une dimension symbolique. Il dit aussi toujours quelque chose de l’époque qu’il incarne. 4 opéras, du 17ème à nos jours, explorent ces liens mystérieux entre rêve, réalité et désirs.

1. Le rêve comme prétexte dramaturgique, par Cécile Auzolle, maître de conférences en musicologie, université de Poitiers

  • Le rêve est conçu comme prétexte dramaturgique global.
     Vincenzo Bellini, la somnambule, 1831.
    Opéra semi seria en deux actes sur un livret de Felice Romani, créé le 6 mars 1831 à Milan au Teatro Carcano
     Bohuslav Martinu, Juliette ou la clé des songes , 1938
    Opéra en 3 actes sur un livret du compositeur d’après la pièce de Georges Neveux, crée à Prague le 16 mars 1938

La somnambule de Bellini pose la question du rêve confronté à la réalité. L’état second de la protagoniste révèle les états profonds de sa pensée. Juliette ou la clé des songes développe une esthétique surréaliste et grotesque. Les certitudes sont brouillées (cf Alice au pays des merveilles). L’opéra ici devient une entière métaphore de l’esprit de Michel : décousu, absurde et confus. La représentation du rêve implique une notion de contraste et peut être comparé à la fête qui est aussi moment de valeur à part dans le quotidien.

  • Le rêve comme prétexte dramaturgique ponctuel
     Marin Marais, Alycone, 1706
    Tragédie lyrique en 5 actes avec prologue sur un livret d’Antoine Houdar de la Motte, représentée à l’académie royale de musique le 18 février 1706
     Philippe Boesmans, Julie, 2005
    Opéra en un acte sur un livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger d’après Mademoiselle Julie de Srindberg, crée au théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles le 30 mars 2005.
    Le rêve peut aussi figurer dans l’œuvre lyrique comme prétexte narratif ponctuel et être associé, aussi bien à la thématique de la fête qu’au retournement de valeurs. Deux niveaux de rêves, le rêve endormi et le rêve éveillé, peuvent donner sens à la narration.

2. Exploitation pédagogique, le traitement musical du rêve par Nadège Budzinski, formatrice en histoire des arts, Créteil

  • La somnambule de Bellini pour les 1ères littéraires, enseignement de spécialité.

Aborder l’œuvre sous l’angle du rêve et du fantastique peut permettre d’aborder le genre du mélodrame, entre codification et variation et une période entre l’esprit des Lumières et le romantisme. Le rôle structurel des scènes de somnambulisme permet en outre de de faire une étude comparée de documents : un réseau d’œuvres, aussi bien littéraires que picturales ou musicales, peut être envisagé sous ces 2 angles :
 Lady Macbeth Somnambule, Delacroix, 1849-1850
 Lady Macbeth, opéra de Verdi, acte 4 : scène qui annonce la précipitation vers la chute finale. La scène de somnambulisme de Lady Macbeth est le moment où elle bascule dans la folie et qui annonce la précipitation vers le drame final (Esthétique romantique chez Verdi)
 Le cauchemar, Fussili, 1781
 Lady Macbeth somnambule, Fussli, 1784
 Le songe de la raison endormie engendre des monstres, Goya, 1799

  • Exploitation de Alcyone au collège en cycle 4

Possibilité d’aborder la tragédie lyrique : tragédie héroïque et tragédie merveilleuse à travers l’héritage de moyen-âge où le rêve permet de faire basculer dans l’univers merveilleux. Insister sur le fait qu’il y a des règles à respecter comme la nécessité de vraisemblance (unité de temps et de lieu)

  • Niveau : cycle 2

 Champ de compétence : la perception
 écouter (identifier et décrire les éléments sonores)
 faire entendre qu’il y a des chœurs et un soliste, qu’il y a un dialogue entre les cordes et les flûtes à bec. Mettre les relations entre le langage et le chant en travaillant les récitatifs
 analyser la manière dont les émotions sont traitées par les instruments et comment les instruments peuvent susciter la peur, le calme, la joie (la tempête à l’opéra peut exprimer le déchainement intérieur des émotions).

  • Alcyone , cycle 4 : 2nde option facultative

 notions : le cauchemar/la symphonie descriptive
 l’accélération rythmique (blanches, puis noires, puis croches, puis doubles et quadruples croches) pour susciter l’accélération du temps
 la tempête psychologique que l’on voit bien rythmiquement sur la partition
 thématique : imitation et narration à travers les arts, les époques et les civilisations/ imitation de la nature (cf : la poétique d’Aristote)/ Le sublime chez Boileau.
La scène rêvée contraste toujours avec la scène précédente éveillée et s’appuie sur des contrastes de nuances, de rythmes, ou d’orchestration. Le décalage crée un sentiment d’étrangeté. Il peut parfois y avoir un décalage comique ou une étrangeté pathétique : les hiatus entre les voix et l’étirement du temps peuvent surprendre ou déstabiliser. Le passage du réel au rêve s’appuie en outre sur des phénomènes mémoriels : citations, réminiscences, où chaque personnage, lieu, ou objet est caractérisé par un instrument dans une sorte de métalangage musical.

  • Le traitement musical du rêve, niveau cycle 2, école élémentaire.

Faire lire un conte et faire des rapprochements avec l’opéra
Développer l’imaginaire, laisser parler ses sensations. Les enfants expriment ce que la musique peut évoquer d’un conte ou réfléchissent sur le traitement de la voix

  • La seconde scène de somnambulisme chez Bellini, niveau 1ère SPE

 climax de tension dramatique
 thème « les arts et leurs publics dans la création artistique »
 notion : travail temporel : les souvenirs
 travail thématique : mélodies déformées, écourtées, inversées qui montrent que la mémoire s’effrite, que le temps est mouvant. A l’inverse, le leitmotiv indique qu’on est dans la réalité rêvée ; une perte des repères s’opère par ce leitmotiv.


 A 15h

« Inhiber le réel pour imaginer ou rêver le possible »

Par Anne Amsallem.

Auteures :

Modification des intervenants en raison de la grève SNCF.
Fanny Campagne, professeur de lettres classiques.
Fanny Gayon , professeure de lettres au Lycée Léon Blum de Créteil.

Point de départ : questionner l’injonction « Arrête de rêver » , si souvent faite aux enfants et voir le rêve comme un outil pédagogique
La référence à Schiller (l’esthétique est une science de la sensibilité avant d’être une science du beau) permet d’interroger une relation possible entre le rêve, la contemplation, et un accès à la connaissance.

Fanny Gayon, professeur de lettres et d’HIDA et professeur relais au château de Vincennes

Deux constats :
Le rêve n’est pas aussi bien partagé entre tous les enfants et on retrouve les mêmes différences entre les élèves au point de vue du rêve qu’au niveau de la rationalité. En effet bien peu d’élèves rêvassent en cours mais dorment plutôt et l’élève poétique et rêvasseur est absent des classes.

La question du monument vide a son intérêt. On peut le remplir de rêve. Travail avec la musique, avec une conteuse/ imaginaire débridé au détriment de l’histoire
 Question de la transmission d’un patrimoine : se passe-t-elle obligatoirement par le savoir ?
 Question de la mémoire affective. Il y a une façon d’expérimenter l’espace, de le faire ressentir de manière sensible.

  • Exemple d’un évènement : Projet pluridisciplinaire du lycée Hector Berlioz.

Les élèves ont passé un an à vivre les espaces et à les investir. il y a eu une appropriation des lieux, une rencontre, qui les ont amené à créer des œuvres musicales, plastiques, littéraires.
Le rêve ne peut vraiment décoller qu’avec une expérience sensible. Cette expérience du sensible peut souvent faire défaut à nos élèves. Connaitre l’expérience de la nature, des sens, des éléments est primordial pour pouvoir rêver (cf Bachelard). C’est parfois une bonne chose que l’absence d’images car être abreuvés en permanence par un flot d’images peut faire obstacle à l’imaginaire et à la rêverie.

Fanny Campagne, professeur de lettres classiques : Le rêve entre les murs d’une salle de classe, au quotidien. Peut-on rêver dans un cours de latin ?

Le lien entre les langues anciennes et le rêve est primordial. Les langues mortes ne servent à rien. Or quand une chose est gratuite c’est pour le plaisir. Cela donne une valeur supplémentaire à la discipline. De plus, on peut noter la marginalité de ces options dans leur temps : soit très tôt le matin ou bien tard le soir : les moments d’étude sont glissés dans les interstices des autres matières, dans un temps un peu en marge de l’emploi du temps global.
Fanny Compagne note que la raison principale pour laquelle les élèves font des langues anciennes est la mythologie, les grands récits et traces fragmentaire des récits des anciens.
Le temps de cours n’est pas nécessairement un temps productif, utilitaire, mais peut donner lieu à des moments de rêves. Par exemple, dans la traduction, quand on traduit un nom sur une stèle on peut imaginer la vie de l’homme dont le nom reste gravé dans la pierre et dont on ne sait rien. Il y a une tentative de se projeter dans un passé qui n’est plus.
L’opposition entre le mythos et le logos montre qu’il n’y a pas d’obligation de faire quelque chose de ces temps de rêveries, pas de nécessité à produire tout de suite car, dans un premier temps du moins, le rêve peut se suffire à lui-même. Ensuite, pour que le rêve soit productif, il faut le réinvestir, écrire, pour se l’approprier et le déployer. Pour se donner le droit de rêver un élève doit faire confiance à son enseignant. Deux problèmes majeurs persistent cependant : celui des limites de l’imagination, et celui des limites du langage, du manque des mots pour traduire ses rêves.